En mars 2023, la Fonda s’associe à la Fondation de France pour un numéro spécial : associations et fondations face aux changements systémiques.
La Tribune Fonda n° 257 s’intéresse à cette notion de changements systémiques, comment cette perspective redéfinit l’action des associations comme des fondations et, par conséquent, comment la philanthropie se réinvente au profit d’une plus grande coopération.
Plusieurs Fondations et acteurs de l’intérêt général livrent dans ce numéro leurs pratiques inspirantes et les défis qu’ils identifient : la Fondation de France bien sûr avec le programme Inventer Demain, mais aussi la Fondation Crédit Coopératif, la Fondation Entreprendre, la Fondation des Apprentis d’Auteuil et l’initiative collective Racines !
Le dossier croise ainsi les regards des porteurs de projets (associations et entrepreneurs sociaux) qui mettent en œuvre des approches systémiques, celui des fondations qui les accompagnent et des chercheurs qui nourrissent les réflexions.
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De l'audace en philanthropie
Si le développement de la philanthropie reste relativement récent en France, comparé à celui du secteur associatif, les fondations n’en jouent pas moins un rôle central pour les associations, au regard notamment des budgets qu’elles peuvent mobiliser. Le débat public s’en fait d’ailleurs largement l’écho, non sans certaines attaques sur leurs motivations et résultats1 .
Les fondations ont cette spécificité d’être à la fois un creuset d’expérimentations tout en s’inscrivant dans l’intérêt général. Elles peuvent aisément transformer une vision en action. Elles peuvent tout à la fois apporter des réponses immédiates et concrètes à de grands enjeux de société et chercher à traiter, avec leurs partenaires associatifs, ces problèmes à la racine.
Les défis auxquels nous devons faire face sont bien trop nombreux pour diluer les énergies.
Le monde est rentré en polycrises et aucun pays n’est sur la bonne voie pour l’atteinte des objectifs de l’Agenda 2030. Chercher à unir les forces, c’est le « Faire ensemble » que prône la Fonda2 .
Fondations, acteurs philanthropiques et associations, unis par le principe de non-lucrativité, devraient ainsi naturellement chercher à toujours plus — et mieux — coopérer dans un monde en pleine fragmentation.
Les injonctions d'accélération, de passage à l'échelle ou de performance sont légion, au risque de passer à côté de l’essentiel. Par la grande liberté que son modèle autorise, la philanthropie dispose de cette capacité unique de pouvoir prendre le temps : celui de comprendre les besoins, même les plus émergents, d’identifier les enjeux clés pour l’avenir, d’explorer des réponses partenariales innovantes, et même d’échouer.
C’est sans doute cela sa richesse. Elle peut se libérer du dictat de l’impact et du court-termisme. Elle n’est soumise ni au suffrage ni aux éventuelles pressions d’actionnaires, même si ses parties prenantes peuvent se montrer de plus en plus interventionnistes. Cette liberté l’oblige, notamment, à chercher à apporter les meilleures réponses aux défis de notre temps.
La France a réussi à modeler un secteur philanthropique qui ne cherche pas à singer celui de nos cousins états-uniens : ni substitut à la puissance publique, ni acteurs catalyseurs de l’engagement citoyen, ni entrepreneuriat social. Elle a su développer sa singularité au fil des années.
Pour autant, le secteur de la philanthropie française reste, dans sa grande majorité, largement en retard sur bien des sujets. L’étude portée par la Fondation de France et Ashoka montre que 75% des professionnels interrogés pensent que la philanthropie a un rôle stratégique à jouer, mais seuls 20 % considèrent le changement systémique comme étant déjà au cœur de la stratégie de leur propre fondation3 .
Ce constat devrait amener le secteur à changer de posture : sortir de l’approche verticale, accepter d’associer les personnes concernées par leur action, s’affranchir d’une mesure d’impact social absolue, accepter de financer des projets qui sortent des sentiers battus, mais aussi leur « coût d’ingénierie », intégrer les sciences à la pratique du terrain4 . Et plus que tout, faire confiance aux porteurs de projets, en accompagnant les changements qu'ils souhaitent engager.
La philanthropie devrait ainsi prendre des risques à la hauteur de ses moyens et des libertés qui sont les siennes.
Relativisons tout de même la notion de «risque» quand, par essence, l’intérêt général entend désintéressement et non-ingérence !
Être à l’écoute et prendre le temps n’est pas de la charité. C’est un acte de solidarité et d’empathie résolument réfléchi pour mieux avancer et travailler à produire les solutions les plus adaptées. C’est cela l’audace !
Ce numéro spécial, construit en association avec la Fondation de France, cherche ainsi à mettre en lumière la (re)définition de l’action commune inscrite dans l’approche systémique du changement. Comment changer un système auquel fondations et associations appartiennent elles-mêmes ? Quels nouveaux moyens d’action et méthodes développer ? Comment les intégrer à sa pratique et les diffuser ? Ce besoin de coopérer pour « agir à la racine » est-il une occasion pour la philanthropie de se réinventer ?
C’est tout l’objet de ce numéro !
- 1On notera les parutions récentes de Quand la charité se fout de l’hôpital de Vincent Edin aux Éditions Rue de l’Échiquier en 2021 et L’art de la fausse générosité de Lionel Astruc chez Actes Sud en 2022.
- 2Lire à ce sujet la Tribune Fonda n° 256 « Pour une société du Faire ensemble ».
- 3Ashoka & Fondation de France, La philanthropie prête à financer le changement systémique ?, juin 2021.
- 4Signalons la sortie de l’ouvrage de Brigitte Duvieusart et Luc Tayart de Borms, La philanthropie, un regard européen, aux éditions Economica, 2023.