La Tribune Fonda n°252 éclaire la notion de société inclusive et la nouvelle manière de faire société dont elle est porteuse.
Avoir l'inclusion comme horizon signifie ne laisser personne de côté, en ayant le souci que la société tienne compte des besoins et capacités de chaque personne qui la constitue.
Pour porter ce projet, les engagements se multiplient dans le monde associatif, mais aussi dans les collectifs, les écoles, les hôpitaux et les entreprises.
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Vous y trouverez chaque trimestre des éclairages inédits et inspirants sur les évolutions du monde associatif et de l’économie sociale et solidaire.
Ne laisser personne de côté
Une fois n’est pas coutume, commençons par la bonne nouvelle : il est désormais reconnu et jugé inacceptable par une majorité de citoyens que nous vivions dans une société largement discriminante, conçue par et pour des hommes, blancs, hétérosexuels, cisgenres, ni trop jeunes ni trop vieux, valides et en pleine santé.
On ne se contente plus aujourd’hui de quelques miettes réparatrices pour les exclus (compensations financières, lieux ou emplois réservés, galanteries diverses…) pour viser une capacité à partager équitablement la vie ordinaire. Un véritable travail collectif pour passer de cette exclusion systématique d’une grande partie du corps social à une dynamique d’inclusion progressive est désormais reconnu comme une nécessité.
C’est à la fois peu — vu ce qui reste à faire — et beaucoup à l’échelle d’un retournement de paradigme culturel, d’une déconstruction progressive de tout ce que nous avions appris.
De nombreuses voix, majoritairement associatives, ont amplement contribué à cette évolution et y travaillent encore quotidiennement.
Inclusion des personnes en situation de handicap, inclusion des personnes sans domicile, inclusion des réfugiés et des migrants, inclusion des personnes âgées, inclusion des personnes atteintes de maladies chroniques… les combats sont nombreux et les engagements se multiplient, dans le monde associatif d’abord, mais aussi dans des collectifs divers, dans les écoles, les hôpitaux, les entreprises.
Et c’est bien le moins que l’on puisse faire! Car, rappelons-le, l’inclusion de toutes et tous dans la société, l’accès indiscriminé à la mobilité, au travail, aux loisirs, sont des droits, non des faveurs. «Ne laisser personne de côté» est l’un des mots d’ordre ambitieux des Objectifs du développement durable depuis 2015, mais c’est encore loin d’être une réalité en actes dans bien des domaines et pour bien des personnes.
Ce droit à l’inclusion devrait sortir des mobilisations sectorielles pour tel ou tel groupe de personnes et devenir une pratique socle commune, intrinsèque à toutes les actions, enseignée, transmise et mise en pratique dès l’enfance. Il doit également nous conduire à interroger nos propres pratiques.
Nous, monde associatif dévoué à l’intérêt général, avons-nous tous des gouvernances inclusives, des pratiques et des activités accessibles à toutes et tous, des sites Internet faciles à lire et à comprendre (norme européenne d’accessibilité)?
Avons-nous tous réalisé notre aggiornamento sur le pouvoir de dire et d’agir des personnes que nous accompagnons, afin de construire avec elles des actions qui s’appuient sur leurs besoins, leurs expertises et leurs capacités de mobilisation ? Pas encore, mais nous en prenons conscience et nous y travaillons activement.
La très bonne nouvelle finalement est que ce qui a pu être initialement ressenti comme une contrainte — parce qu’il s’agissait d’un changement culturel majeur, impliquant aussi une transformation considérable des pratiques et des environnements — s’est révélé une source d’apprentissage et d’enrichissement collectif extraordinaire.
Pas uniquement parce que la diversité et la mixité sont des indispensables de la vitalité démocratique et du bien vivre ensemble, mais aussi parce que cette marche vers plus d’inclusion nous a révélés à nous-mêmes. Nous avons réappris à connaître nos fragilités et les forces qu’elles nous donnent. Nous admettons progressivement que la puissance, la force, la domination, la gagne, ne sont pas les seules valeurs positives possibles et que nous avons beaucoup à apprendre aussi de la douceur, de l’empathie, de l’écoute et de la résilience.
Nous avons redécouvert notre interdépendance avec les autres humains et peut-être même pris conscience de celle avec les autres êtres vivants sur cette planète. Ce long chemin vers l’inclusion est en train de nous enseigner comment donner et recevoir, comment faire avec et non pour, comment reconnaître la parole de chacun dans toute sa légitimité, comment construire une société où l’on pourra compter les uns sur les autres, chacun son tour.
Il nous oblige à réinvestir le collectif et la coopération au-delà des limites de notre pré carré, pour partir des personnes, de leurs besoins et de leurs parcours, plutôt que des terrains d’action de chaque association, établissement, politique publique ou agence territoriale.
Au vu des bouleversements majeurs qui nous attendent, entre vieillissement généralisé en Occident et crise climatique, c’est peut-être la seule bonne nouvelle… mais elle constitue un véritable levier, de ceux avec lesquels on transforme le monde !