LA TRIBUNE FONDA N°258
juin 2023
Cartographier l’engagement

La Tribune Fonda explore dans son numéro de juin 2023 les différentes facettes de l’engagement et ses enjeux. Ce dossier éclaire les principales controverses concernant l’engagement. Inspiré de la méthode de prospective de cartographie du présent, il traite de la polysémie du terme d’engagement en croisant les regards d’acteurs de terrain et de chercheurs.

La Fonda a organisé le 22 mars 2023 la journée d’étude prospective « Vers une société de l’engagement ? Comprendre le présent ». Les participants ont été invités à explorer les différentes facettes de l’engagement aujourd’hui et ses enjeux auprès de 12 regards d’acteurs de terrain et de chercheurs. Ces 6 dialogues composent le cœur du numéro de juin de la Tribune Fonda.

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Citoyenneté et engagement

Édito écrit par
Nils Pedersen
Président de la Fonda

L’engagement est sur toutes les lèvres. Tel artiste s’engage pour la planète. Telle université s’engage pour la diversité et l’inclusion. Telle entreprise lance une direction de l’engagement pour faire vivre sa responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Sans compter la puissance publique qui promeut l’engagement au travers de dispositifs comme JeVeuxAider.

L’engagement est désormais un attracteur sémantique, pour ne pas dire un effet de mode.

À la Fonda, ce phénomène nous interpelle. Que dit cet appétit pour l’engagement de notre société contemporaine ? Et quelles définitions donner à un terme utilisé dans des contextes si variés ?

Évacuons d’emblée l’anglicisme : quand une marque parle de son « taux d’engagement », il s’agit d’un taux d’implication de ses clients. De même les clics, pouces levés et autres cœurs sont comptabilisés dans des « taux d’engagement » sur les réseaux sociaux.

Pour nous francophones, l’engagement est d’abord fondé sur le lien social : les engagements liés au mariage ou ceux liés à la famille. Les parents doivent assistance à leurs enfants puis réciproquement. Certains engagements résultent de contrats ou d’une convention comme le testament. Aussi « les engagés » le sont dans un corps, comme l’armée. Il y a là un mélange d’engagements volontaires ou involontaires, issus de convention ou du droit, simples ou réciproques.

Dans ces contextes, l’engagement s’inscrit d’abord dans une dynamique à l’autre et plus largement dans un rapport à la citoyenneté. Pour reprendre les mots d’Albert Camus : « les hommes vivent et ne peuvent vivre que sur l’idée qu’ils ont quelque chose de commun où ils peuvent toujours se retrouver1 ».

L’engagement, au fond, ne repose pas d’abord sur des fondements juridiques, mais bien sur un subtil mélange d’affinités électives (l’affectio societatis2 ), de motivations personnelles et de sens de l’intérêt général. S’engager, c’est accepter d’être interpellé et confronté à l’Autre. Comme le souligne Emmanuel Lévinas: « Le moi, devant autrui, est infiniment responsable3 ».

Si l’engagement nourrit la citoyenneté, l’inverse est-il vrai ? Du latin civitas, la citoyenneté définit celui ou celle « qui jouit du droit de cité dans un État4 ». En France, nos droits liés à la citoyenneté sont codifiés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Les citoyens forment une communauté.

« Vivre ensemble, ce n’est plus partager la même religion ou être, ensemble, sujets du même monarque ou être soumis à la même autorité, c’est être citoyens de la même organisation politique5 », comme le souligne la sociologue Dominique Schnapper. En réalité, cette citoyenneté ne se résume ni à la nationalité, ni à l’élection, ni à des cours d’instruction civique. Elle s’éprouve dans l’action, c’est-à-dire dans la participation à la vie de la cité et dans la fraternité6 , dans l’engagement.

Attention toutefois, certains engagements se cristallisent dans le refus de la citoyenneté des autres. La Manif pour tous est ainsi la parfaite antithèse du Planning familial. Les engagés dans la première militaient contre l’ouverture de droits à une partie de la population quand des décennies durant, les militants de la seconde se sont engagés pour obtenir des droits pour toutes et tous.

Au-delà de la cause, les modalités d’engagement peuvent inhiber l’altérité. S’engager, exprimer son militantisme, peut aussi s’incarner dans une forme de verticalité qui ne laisse que peu de place à l’Autre. Loin de tout angélisme, il nous semble donc nécessaire à la Fonda de cartographier l’engagement aujourd’hui, ses expressions diverses au sein de la société, du politique, du numérique, de l’économie, de l’écologie, jusqu’aux comportements individuels pour pouvoir dans les prochains numéros de notre revue se projeter : allons-nous vers une société de l’engagement ?

  • 1Albert Camus, « La crise de l’homme (1946) », Conférences et discours (1936 – 1958), FOLIO, 2017.
  • 2Terme initialement juridique, la locution d’origine latine affectio societatis désigne l’intention de s’associer, soit la volonté d’individus de collaborer.
  • 3Emmanuel Lévinas, Totalité et Infini, Le Livre de Poche, 1961.
  • 4Emile Littré, Dictionnaire de la langue française, J.-J. Pauvert, 1873-1874.
  • 5Dominique Schnapper, Qu’est-ce que la citoyenneté?, Gallimard, 2000.
  • 6Roger Sue, La contre société, Les Liens qui libèrent, 2016.