Enjeux sociétaux

Neige artificielle, comprendre pour s'adapter [Initiative]

Tribune Fonda N°258 - Cartographier l’engagement - Juin 2023
France Nature Environnement (FNE)
En 2022, France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) a rédigé un livret sur la neige artificielle pour permettre aux citoyens de s’approprier cette thématique et les multiples enjeux qu’elle soulève. Après un long travail de collecte de données, l’association travaille à présent à la vulgarisation des connaissances sur la neige artificielle, afin que les habitants comme les associations locales puissent s’en emparer.
Neige artificielle, comprendre pour s'adapter [Initiative]
Extrait de la note pédagogique Neige artificielle de FNE AURA paru en décembre 2021 © France Nature Environnement — Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA).

La neige artificielle, un enjeu environnemental

Saviez-vous qu’il faut environ 4000 m3 d’eau à l’hectare pour chaque couche de neige artificielle ? C’est plus que la consommation d’eau de culture du maïs en été1 . Plusieurs couches sont par ailleurs passées tout au long de la saison de ski soit autant d’eau utilisée.

La ressource en eau n’est pas infinie, il est urgent d’interroger la gestion quantitative de l’eau et entre autres la question de la neige artificielle.

Snowfarming2 , usine à neige, les innovations technologiques se multiplient depuis l’installation des premiers canons à neige en Haute-Savoie en 1973. Ces installations permettent de prolonger la saison de ski et d’attirer plus de touristes, mais ils gaspillent eau comme énergie et ont des effets délétères sur les milieux naturels.

Même les projets prétendument « adaptés » au dérèglement climatique ne sont pas à la hauteur des enjeux.

FNE Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) a évalué en décembre 2021 qu’au niveau des Alpes françaises, ce sont entre 20 et 25 millions de m3 d’eau par an qui sont consommés par la neige artificielle3 . Peu de Français réalisent que cela équivaut à la consommation d’eau d’une ville comme Grenoble sur une année.

Collecter des données pour pouvoir agir

« Sur ce sujet complexe, nous manquons de données solides. Comment discuter avec les stations de ski, les directions départementales de territoires ou les communautés de communes de montagne quand nous ne partons pas du même constat sur l’utilisation de la ressource en eau dans la création de neige artificielle ? », interroge Corentin Mele, chargé de mission eau et veille à FNE Haute-Savoie.

L’association où il travaille, avec les FNE d’Isère et de Savoie, a choisi de collecter elle-même des données solides. Après avoir rédigé deux livrets sur la gestion quantitative de l’eau, autour de l’agriculture4 et des crises de sécheresse5 , elles se sont lancées sur le sujet de la neige artificielle6 .

La collecte de données n’a pas été simple : la fédération a épluché les données publiques récentes et interrogé différents chercheurs, dont l’hydrologue Élodie Magnier. De plus, l’équipe menée par Mélanie Dajoux, coordinatrice des projets eau et biodiversité de FNE AURA, a organisé une visioconférence avec divers acteurs locaux comme la Compagnie des Alpes, la Société des Trois Vallées, ou la Commission internationale pour la protection des Alpes (CIPRA). De tels moments d’échanges permettent d’établir un constat partagé.

L’étape d’après était de vulgariser ces analyses complètes, voire complexes. Les trois fédérations FNE Isère, Savoie et Haute-Savoie ont donc publié une note pédagogique7 de quelques pages, qui a largement circulé en ligne, et notamment sur les réseaux sociaux.

Avec la rédaction de cette note, l’association souhaitait sensibiliser non seulement son réseau, dont ses adhérents et bénévoles, mais aussi tous les citoyens concernés par ces enjeux. « C’est une véritable question d’intérêt général, nous avons besoin d’être audibles par le plus grand nombre ! », remarque Corentin Mele.

Des concertations tendues

Comprendre comment est fabriquée la neige artificielle, et avec quelles conséquences dramatiques, c’est la première étape pour prendre conscience des enjeux et défendre au mieux les intérêts locaux. En effet, selon Corentin Mele : « la situation climatique actuelle nécessite de repenser certains aménagements du territoire inadaptés à cette évolution. »

N’oublions pas que les aménagements nécessaires à la production de neige artificielle sont largement subventionnés par les Régions et les Départements.

FNE AURA utilise donc le livret et sa note pédagogique pour se positionner lors de concertations, appuyer son plaidoyer et éclairer les décisions politiques. D’autres associations s’emparent de ces notes et analyses pour se positionner sur différents projets.

« S’il n’y a pas d’efforts faits par les pouvoirs publics pour améliorer réellement ces concertations, nous allons vers des guerres de l’eau », alerte Corentin Mele.

En effet, la production de données est inutile sans dialogue. Les associations environnementales s’inquiètent d’une polarisation entre acteurs à l’échelle locale, elles se considèrent comme discréditées, diabolisées, ou tout simplement écartées des discussions.

Cela ne décourage pas les équipes de France Nature Environnement qui continuent à proposer des pistes d’action pour un usage raisonné et collectif de l’eau.

  • 1Ces chiffres sont issus de la note pédagogique Neige artificielle de FNE AURA.
  • 2Le snowfarming consiste à stocker de la neige, l’entreposer et l’isoler par une couche d’isolant pour l’utiliser en début de saison suivante. Ces stocks sont utilisés en fin d’automne ou début d’hiver pour garantir la tenue du calendrier de manifestations sportives.
  • 3FNE AURA, Note pédagogique — Neige artificielle, décembre 2021, [en ligne].
  • 4FNE AURA, Gestion quantitative de l’eau et de l’agriculture, mai 2020, [en ligne].
  • 5FNE AURA, Gestion quantitative de l’eau et crise sécheresse, avril 2022, [en ligne].
  • 6FNE AURA, Gestion quantitative de l’eau et neige artificielle, 2022, [en ligne].
  • 7FNE AURA, Note pédagogique — Neige artificielle, décembre 2021, [en ligne].
Cas pratiques et initiatives