S'engager pour impulser des changements
L’engagement revêt intrinsèquement un pouvoir de changement : agir et donner la possibilité aux personnes concernées de le faire. D’ailleurs, l’engagement est une notion intimement liée à celle de pouvoir, en tant qu’élément déclencheur, mais aussi effet recherché.
S’engager permet de renforcer son pouvoir d’agir et d’impulser un changement dans la société. Dans un système politique qui n’arrive pas à relever les défis contemporains, les associations et les organisations non gouvernementales peuvent être vectrices de changements dans la société.
Parmi ces structures, deux types coexistent. D’une part, celles gouvernées en grande partie par des personnes directement concernées par la cause défendue, comme AIDES pour la lutte contre le sida ou bien encore ATTAC pour la taxation des transactions pour l’aide aux citoyens.
D’autre part, celles portées exclusivement par des personnes ayant une sensibilité pour une cause, sans être concernées, comme Action contre la Faim ou Médecins sans Frontières.
Cette distinction a son importance. Dans les structures gouvernées par des personnes ayant juste une sensibilité pour une cause, la professionnalisation des équipes a contribué à aliéner des associations leur vision.
Elles deviennent dévouées à elles-mêmes, produisent des simulacres d’engagement, et leur survie prend le dessus sur leurs propres missions, réduisant leur valeur ajoutée.
Cette professionnalisation, sans le contrepoids de personnes concernées dans la gouvernance, peut enfin conduire à une perte d’ancrage dans la réalité des terrains d’intervention, et à perpétuer des comportements néocoloniaux.
Redonner le pouvoir aux personnes concernées
Pour y remédier, l’IARAN que j’ai co-fondé avec d’autres professionnels de l’humanitaire a identifié un enjeu clé : créer une nouvelle forme de gouvernance humanitaire internationale1 .
Nous proposons notamment d’ouvrir la gouvernance stratégique des structures aux personnes concernées par la mission de ces organisations pour qu’elles aient non seulement voix au chapitre, mais qu’elles puissent aussi avoir le choix et devenir actrices du changement.
Mais ce n’est pas tout, à une échelle mondiale, l’attribution des financements de l’aide humanitaire doit évoluer. Elle se traduirait par une inversion des quotas en faveur des structures locales ou régionales, plus proches du terrain et où les personnes concernées peuvent davantage décider, au détriment des ONG et toute organisation internationale dont la gouvernance ne serait pas représentative des personnes qu’elles souhaitent servir.
Ce changement à l’œuvre va profondément transformer le fonctionnement de l’aide humanitaire. Les ONG qui ne souhaitent pas se remettre en question joueront uniquement un rôle de pompiers pour tout ce qui relève de l’humanitaire d’urgence. La société civile va quant à elle davantage être actrice du changement, notamment en définissant ses priorités.
Le modèle des ONG tel que nous le connaissons est donc voué à évoluer pour laisser davantage de place aux premiers concernés par les causes. Pourquoi d’autres structures, comme les entreprises, pouvoirs publics, ne s’inspireraient-ils pas de cette dynamique ?
- 1IARAN, From Voices to Choices - Expanding crisis-affected people’s influence over aid decisions : An outlook to 2040, novembre 2018, [en ligne].