Les Français s'engagent
Avant toute chose, revenons sur la notion d’engagement. Elle est polysémique et utilisée dans des domaines aussi divers que juridique, médical, historique, ou militaire.
Cette notion se caractérise par des actions et des valeurs s’inscrivant dans un processus biographique et dans une temporalité sociale. Il s’agit d’interactions entre l’individu et le groupe et plus globalement avec la société.
Malgré un contexte de crises concomitantes, dont une crise de défiance institutionnelle et un affaiblissement des corps intermédiaires, les Français continuent à s’engager.
63 % des Français se déclarent engagés, même si l’intensité de l’engagement varie1 .
Avec Adélaïde Zulfikarpasic, nous avons construit un score global d’engagement. Il est de 57/100 pour les Français, et de 60/100 pour les jeunes de 18-24 ans. D’ailleurs, 58 % des Français ont un profil « engagé » et 42 % ont plutôt un profil « désengagé ». Ainsi, contrairement à certaines idées reçues, la société française n’est pas repliée sur elle-même, apathique et individualisée.
Des engagements protéiformes
Dans notre ouvrage Les Français sur le fil de l’engagement, nous avons identifié cinq grands registres d’engagement politique et citoyen2 . L’engagement électoral, malgré une hausse de l’abstention aux différentes élections, continue à mobiliser des millions de Français. L’engagement peut aussi être numérique, protestataire et partisan ou syndical. Enfin on peut s’engager pour une cause.
Les Français interrogés partagent une préférence pour des formes directes d’expression et de participation politique.
La majorité déclare signer souvent une pétition (54 % des Français le font souvent), faire un don à une association régulièrement (52 %) et pratiquer le boycott contre une entreprise ou une marque.
Les trois moyens d’action jugés les plus efficaces par les Français pour défendre des convictions ou s’engager pour une cause sont le fait d’adhérer à une association (71 % d’entre eux), voter aux élections (70 %) et faire un don à une association (64 %).
Des mutations à l'œuvre
Pendant la crise liée au COVID-19, des engagements plus expérimentaux sont apparus pour répondre aux besoins locaux. Les citoyens se sont mobilisés spontanément dans le cadre de solidarités de proximité.
Les outils numériques ont d’ailleurs joué un rôle clé durant cette période. Ils ont facilité la mise en place d’actions d’entraide dont les jeunes étaient à l’initiative. Le numérique démultiplie la capacité de changement et d’engagement. En un clic, un individu peut rejoindre un collectif et agir pour une cause. Près d’un tiers des Français ont recours aux réseaux sociaux pour partager leurs opinions. Ce phénomène concerne près de la moitié des jeunes3 .
Bien que la grande majorité des Français a une perception positive du mot « engagement » (82 % des Français interrogés), il ne faut pas oublier que l’engagement n’est pas nécessairement au service d’un projet de société progressiste. Certains groupes, d’extrême droite ou obscurantistes, s’engagent également et peuvent mettre en péril la démocratie.
Les Français s’engagent d’une manière protéiforme, moins pérenne et plus autonomisée qu’avant. Ce phénomène concerne tout particulièrement les jeunes qui sont plus attachés à la défense d’une cause en elle-même qu’à une structure. L’engagement est une voie indispensable pour construire un projet collectif de société, au service du progrès et de l’émancipation des individus.