LA TRIBUNE FONDA N°254
juin 2022
Tiers-lieux : fabrique de société

Ce 254numéro, « Tiers-lieux : fabrique de société » porte attention à la fois à la « méthode » des tiers-lieux, et à ce que cela permet de produire. Avec des contributions de François Taddei et Patrick Levy-Waitz entre autres, ce numéro s’intéresse à la façon dont des démarches horizontales, citoyennes, viennent nourrir les dynamiques des territoires et inventer les solidarités de demain.

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Vers une société des communs ? Quand les tiers-lieux tissent de nouveaux liens

Édito écrit par
Gabriela Martin
Vice-présidente de la Fonda

Les démarches horizontales, citoyennes, qui s’appuient sur le croisement des regards et des apports, nourrissent les dynamiques des territoires. S’appuyant sur des logiques d’engagement, elles inventent les solidarités de demain. Les tiers-lieux en sont l’illustration.

Face au désenchantement démocratique, à la dislocation entre le local et le national1 et aux défis écologiques, les tiers-lieux cristallisent un mode d’action territoriale et tendent vers des visions partagées du « commun »2 .

En somme, ils véhiculent un récit politique et un imaginaire collectif capable de reconnecter les institutions publiques avec la vitalité des acteurs impliqués sur le terrain. 

Alors que de nombreux Français ont le sentiment de ne plus maîtriser leur vie, de subir des « coups du sort », les tiers-lieux se présentent comme des laboratoires de redynamisation. Ils apportent des réponses aux besoins spécifiques de chaque territoire et de ses habitants. Ils encouragent l’engagement citoyen au service de générations à venir et la pérennisation de «biens communs».

Le phénomène est en pleine expansion, avec 1 800 tiers-lieux recensés en 2018 et 3 000 en 20223 . Les tiers-lieux ne peuvent pourtant pas être appréhendés comme des espaces à déployer ou à réglementer sur un modèle unique. Le phénomène soulève ainsi aussi bien des questions juridiques et économiques4 que la possibilité de matérialiser le récit des « communs ».

Les tiers-lieux sont des espaces où vivre concrètement la diversité.

Ils offrent l’occasion de se retrouver entre semblables, mais aussi de côtoyer d’autres cultures et de pratiquer l’entraide en partageant ses ressources.

Outre l’émergence de projets « hors cadre » s’y mêlent création de nouvelles activités économiques et activités d’utilité sociale. Résolument ouverts et lieux de convivialité, ils facilitent les rencontres informelles. Ce sont les interactions sociales imprévues et la richesse des échanges qui s’y produisent qui font la valeur du tiers-lieu5 .

Un ensemble de personnes de tous les âges y travaille. Les bénévoles viennent de tous les milieux. Ensemble — citoyens, professionnels, entreprises, collectivités, associations… — ils forment une communauté d’acteurs et d’action. C’est en s’appuyant sur l’expérimentation, l’innovation sociale, et le faire ensemble que celle-ci développe des projets pour son territoire.

Le modus operandi propre aux tiers-lieux repose sur un socle de confiance.

En premier lieu, cette confiance est accordée aux citoyens. Elle propose ainsi un récit marqué par l’élaboration de « communs ». Les décisions n’y relèvent pas d’organisations hiérarchiques opaques, mais de formes transparentes d’autogouvernement. Pour cette raison, si les tiers-lieux doivent faire l’objet d’un soutien de la puissance publique, cela ne peut être sur la base d’une normalisation de leurs méthodes.
 
La société des communs constitue un projet de société vivant, propulsé par de nombreux mouvements et matérialisé par des pratiques alternatives partout dans le monde. Ce projet est structuré autour de communautés ouvertes de citoyens qui se réunissent pour produire et prendre soin des ressources, biens et services qui contribuent à leur épanouissement. Dans le contexte actuel où une fragmentation des sociétés est à l’œuvre, les tiers-lieux ont un rôle à jouer pour faire émerger et dialoguer des nouvelles façons de faire société.

  • 1La France renouvelle actuellement ses institutions de la Ve République, ce qui dessine les priorités politiques et budgétaires pour les prochaines années. Les défis économiques et commerciaux, de même que les crises géopolitiques se propagent. Nous sommes donc dans un moment où les cartes doivent être rebattues et la politique économique repensée et ainsi que la politique de cohésion sociale de façon plus holistique.
  • 2Les biens communs ne font pas l’objet d’une approche multilatérale par la communauté internationale. Si la paix ou la lutte contre les pandémies ne semblent plus être matière à débat, les droits au logement, à l’alimentation, droit des minorités sont contestés par des pays. Certains biens font l’objet d’une lutte entre puissances pour leur contrôle.
  • 3France Tiers-lieux, Nos territoires en actions : Dans les tiers-lieux se fabrique notre avenir !, 2021.
  • 4Juris associations n°655, «Tiers-lieux : portes ouvertes», mars 2022.
  • 5 Les tiers-lieux pourraient ainsi tout à fait se prêter à une évaluation par l'analyse des chaînes de valeur, sur le modèle de l'étude publiée récemment par la Fonda: Territoires zéro chômeur de longue durée : quelle création de valeur ?