En 2015, plus d’un Français sur cinq déclarait apporter une aide régulière et bénévole à un ou plusieurs proches1 . Si l’aide prodiguée d’adulte à adulte est reconnue depuis plusieurs années par les autorités publiques, celle qu’apportent des enfants, des adolescents ou de jeunes adultes âgés de moins de 25 ans à un proche est, en revanche, mal documentée et donc peu accompagnée par les pouvoirs publics et la société civile.
Les travaux de recherche JAID évaluent pourtant à un demi-million le nombre de jeunes Français âgés de moins de 25 ans qui aident un proche parent malade, en situation de handicap ou de dépendance. Selon une autre étude, dans chaque classe de lycée en France, trois ou quatre élèves seraient de jeunes aidants.
Dans ce numéro de rentrée, la Tribune Fonda explore donc l’ampleur du phénomène des jeunes aidants, leurs caractéristiques, mais aussi ce qu’ils nous apprennent d’un engagement « par la force des choses ».
- 1 « Baromètre des aidants. Le développement de nouvelles solidarités dans la vie des Français », Fondation April, 2015, [en ligne].
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Ce que nous devons aux jeunes aidants
D’après les dernières études du service statistique ministériel sur la santé et le social, la DRESS1 , un Français sur six déclarait apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie en 20212 .
Si l’aide prodiguée d’adulte à adulte est reconnue depuis plusieurs années par les autorités publiques3 , celle qu’apportent des enfants ou des adolescents est encore peu étudiée. Pourtant, toujours selon la DRESS, ils seraient plus d’un demi-million, âgés de 5 à 17 ans, à être proches aidants4 .
Dans ce nouveau numéro, la Fonda poursuit donc son exploration de possibles sociétés de l’engagement5 , en se focalisant sur celui des aidants. Leurs réalités interrogent en effet le concept même de l’engagement, jusque dans ses paradoxes.
Plus d’un demi-million de mineurs apportent une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie.
Un engagement à la fois choisi et subi, des responsabilités individuelles et collectives imbriquées, ou encore une loyauté familiale et une prise en charge publique qui parfois se heurtent.
Avec la question des jeunes aidants, la réflexion se complexifie en intégrant les politiques de protection de l’enfant et l’ensemble des normes de ce qui devrait constituer une « bonne enfance ».
En tant qu’individus en construction, les jeunes sont perçus comme devant être préservés et accompagnés dans leur évolution. Comment alors accepter qu’ils consacrent une partie de leur temps à aider un proche, être confrontés de manière précoce aux difficultés de la vie, souvent au détriment de leur propre santé ?
Nous connaissons toutes et tous des personnes en situation de fragilité, qu’elle soit liée au grand âge, au handicap, aux troubles psychiques ou à la maladie en général. Mais voyons-nous — ou voulons-nous voir ? — toutes celles et ceux qui s’occupent d’eux au quotidien et ce d’autant plus quand il s’agit de très jeunes enfants ou d’adolescents ?
Prenons-nous conscience des conséquences de cette aide qu’ils apportent sur leur construction personnelle, sur leurs désirs6 et leurs possibilités d’avenir7 ? Considérons-nous leurs savoir-faire et leurs savoir-être ? Prenons-nous la mesure de ces premières expériences en matière de vivre-ensemble et de ces premières perceptions de notre modèle démocratique qu’elles façonnent ? Dans une société où plusieurs crises s’entrechoquent, que deviendront ces jeunes aidants, quelles seront leurs valeurs-socles et les expressions de leur conscience politique ?
Dans ce dossier de rentrée, nous vous proposons donc de découvrir les regards, parfois contradictoires, de chercheurs et d’acteurs associatifs qui agissent pour les jeunes aidants. Leurs actions sont multiples et imbriquées : étudier les trajectoires des jeunes aidants dans le programme de recherche JAID ou l’enquête TrajAid, faire connaître leurs histoires avec les films documentaires de la Compagnie Aiguemarine, les orienter sur Ma Boussole Aidants, porter leurs revendications comme l’APF France handicap ou l’Unapei ou enfin leur proposer du répit, qu’il soit artistique avec JADE ou récréatif avec Évasion Famille Handicap.
Alors que la faiblesse du système de protection sociale se reporte sur les proches aidants faute de moyens8 , les acteurs de la société civile et de l’économie sociale et solidaire (ESS) s’avèrent être des alliés précieux pour ces jeunes et leurs familles.
L’ESS démontre ici encore qu’en s’appuyant sur les complémentarités des différentes structures qui la composent et en créant de nouvelles formes de coopération, elle est capable d’apporter des solutions précises, efficaces et innovantes pour accompagner les aidants. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons créer une société véritablement inclusive et ainsi nous assurer qu’aider soit un choix et non plus une obligation.
- 1La Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) effectue depuis 2021 un décompte des personnes qui, quel que soit leur âge, aident des proches dans le cadre du dispositif Autonomie 2021-2025.
- 2Thomas Blavet (DREES), « 9,3 millions de personnes déclarent apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie en 2021 », Études et résultats n° 1255, février 2023, [en ligne].
- 3En octobre 2019, le gouvernement lance la stratégie « Agir pour les aidants » sur les deux années de 2020 à 2022. Elle est suivie en 2022 d’une 2e stratégie sur 2023-2027.
- 4Lire à ce sujet, Aurélie Untas, « Faire avancer la recherche sur les jeunes aidants pour mieux les accompagner », Tribune Fonda n° 263, septembre 2024, [en ligne].
- 5En 2022, la Fonda a lancé un nouvel exercice de prospective participative « Vers une société de l’engagement ? » pour comprendre la place de l’engagement dans la société actuelle puis se projeter à l’horizon 2040.
- 6Parmi les jeunes adultes aidants interrogés dans le cadre de l’étude CAMPUS-CARE, la moitié souhaitait exercer une profession dans la santé. On observe proportionnellement davantage d’étudiants aidants dans les filières de la santé et du soin que dans les autres filières.
- 7Selon les études ADO-CARE et CAMPUS-CARE, les jeunes aidants sont plus susceptibles de redoubler et de s’inscrire dans une formation à distance que leurs pairs.
- 8Diane Béduchaud, « La reconnaissance actuelle des aidants s’inscrit dans une logique familialiste. », Tribune Fonda n° 263, septembre 2024, [en ligne].