ÊTRE DIAGNOSTIQUÉ D’UN TROUBLE PSY
Au début des années 2010, Maxime Perez- Zitvogel connaît sa première phase de manie alors qu’il vit en Chine, à plusieurs milliers de kilomètres de sa famille. « J’avais un comportement complètement irrégulier, un manque de sommeil, un sentiment de persécution : tous les symptômes de la bipolarité, sans savoir ce que c’était », se souvient-il.
Une fois rapatrié d’urgence à Paris, le jeune homme est emmené par ses proches aux urgences psychiatriques. Il y vit une première hospitalisation difficile avec des prises de médicaments forcées, une contention physique et, au bout de 12 jours1, le passage devant un juge des libertés.
Si le diagnostic de bipolarité est posé rapidement, Maxime Perez-Zitvogel se considère comme chanceux : « en moyenne, c’est un diagnostic qui prend 8 ans2 ! »
La bipolarité touche pourtant 1 à 2,5 % de la population française, soit entre 650 000 et 1,6 million de personnes3.
À la suite de ce diagnostic, le jeune homme connaît une période de dépression et fait une tentative de suicide. « Là encore, je suis loin d’être le seul : au moins ¼ des personnes bipolaires tentent de mettre fin à leurs jours4. »
Sa seconde hospitalisation en centre expert dédié aux troubles bipolaires5se passe mieux. C’est là qu’il échange avec d’autres jeunes hospitalisés pour des troubles similaires et comprend qu’aucune structure ne les accompagne à leur sortie. Les jeunes patients, pris en charge successivement par la pédopsychiatrie et la psychiatrie, ne disposent en effet pas de lieux à eux.
LA NÉCESSITÉ D’UNE COMMUNAUTÉ D’ENTRAIDE
En 2020, cinq ans après sa première phase maniaque, Maxime Perez-Zitvogel fonde La Maison Perchée avec Victoria Leroy et Lucille Zolla, qui ont toutes deux connu des hospitalisations pour troubles psychiques, et Caroline Matte, proche aidante.
Aujourd’hui, l’association non médicalisée s’adresse aux jeunes entre 18 et 40 ans atteints de troubles psychiques comme la bipolarité, la schizophrénie et les troubles borderline. La première mission de la Maison Perchée est de venir en soutien aux personnes concernées et à leurs proches.
« Nous avons commencé par un programme d’accompagnement virtuel pour les jeunes, la Canopée, puis un autre pour leurs proches, la Boussole », détaille Maxime Perez-Zitvogel. « Il était très important pour nous d’éviter l’entre-soi, notamment parisien. Nous avons donc adopté un fonctionnement hybride, nos accompagnements comme nos contenus sont disponibles sur notre site internet. »
INVESTIR LA PAIR-AIDANCE
L’association propose aussi à ses adhérents une initiation à la pair-aidance inspirée des formations certifiantes de médiateur de Santé Pair. Depuis la création de l’association, 55 pairs-aidants ont ainsi été formés par La Maison Perchée. Ce sont eux qui animent bénévolement les ateliers liés au rétablissement. Ceux qui le souhaitent peuvent ensuite continuer leur formation pour devenir pair-aidants professionnels.
Pour Lucille Zolla, cofondatrice et présidente de La Maison Perchée, les deux approches sont complémentaires. Dans le podcast produit par l’association, elle détaille : « prendre un café avec quelqu’un et parler pendant une heure de manière informelle, ça peut parfois être aussi efficace qu’une pair-aidance en milieu hospitalier dans un entretien plus formel6 ».
Pour accueillir toutes ces activités, l’association a ouvert un espace d’accueil et un café associatif en 2022 dans le 11e arrondissement de Paris, à quelques minutes de la place de la République.
En plus d’être un lieu pour les adhérents, il est ouvert au grand public tous les samedis et les matinées du mardi au vendredi. L’association tente en effet de sensibiliser le grand public sur les troubles psychiques, avec des interventions dans les entreprises et les écoles, un podcast La Perche et le documentaire « Perchés » disponible sur France TV.
« Qu’on soit concerné ou non, tout le monde devrait en savoir davantage », alerte Maxime Perez-Zitvogel. « Nous avons besoin de tous les “P” : les patients, mais aussi les professionnels de santé, les proches et les politiques. »
- 1Voir à ce sujet Raymond Depardon, 12 jours, Palmeraie et Déserts, 2017.
- 2Il s’écoulerait en moyenne 8 à 10 ans entre le premier épisode thymique majeur et le diagnostic correct de troubles bipolaires. Joëlle Favre-Bonté (Haute autorité de santé), Note de cadrage : Troubles bipolaires : repérage et diagnostic en premier recours, 2014.
- 3Joëlle Favre-Bonté (Haute autorité de santé), Ibid.
- 4Selon une méta-analyse réalisée en 2010 par des chercheurs états-uniens, 25 à 60 % des patients bipolaires feront au moins une tentative de suicide dans leur vie. Danielle M. Novick, Holly A Swartz et Ellen Frank, « Suicide attempts in bipolar I and bipolar II disorder: a review and meta analysis of the evidence », Bipolar Disord, 2010.
- 5Labellisés par la Fondation FondaMental, 53 Centres experts existent aujourd’hui en France et sont spécialisés dans la prise en charge d’une pathologie psychiatrique spécifique dont les troubles bipolaires, la schizophrénie, les troubles du spectre de l’autisme et la dépression résistante.
- 6La Maison Perchée, « Pair-aidance, cultiver l’espoir », La Perche, janvier 2024.