À LA RENCONTRE DES JEUNES AIDANTS
« Tout a commencé par notre envie de changer le regard sur la maladie d’Alzheimer », se remémore Catherine Harnois, réalisatrice pour l’association Aiguemarine Cie, créée en 2002.
Pendant plus d’une décennie, l’association francilienne a proposé des spectacles dans des maisons de retraite, accueils de jour et hôpitaux de gérontologie. En parallèle, les deux salariés d’Aiguemarine, Catherine Harnois et Jacques Meaudre, commencent à réaliser des films pour changer le regard sur les personnes qu’ils côtoient et mettre en lumière d’autres façons de prendre soin.
Dans leur exploration, les deux cinéastes découvrent le monde peu connu des aidants, puis plus spécifiquement celui des jeunes aidants.
Nous sommes alors à la fin des années 2010. Catherine Harnois se souvient des recherches menées pour le premier film, Jeunes aidants. « À l’époque, je n’ai trouvé que l’association Jeunes AiDants Ensemble (JADE) en France. » C’est Amarantha Bourgeois, directrice de JADE, qui lui ouvre les portes des ateliers cinéma-répit JADE, puis l’oriente vers les structures belges du Biceps et de la Maison des aidants.
DES TOURNAGES LÉGERS
Catherine Harnois garde un souvenir ému de ce premier tournage qui a duré huit mois de 2019 à 2020. « Derrière chaque minute dans le film final, il y a des entretiens d’une demi-heure. Une adolescente m’avait confié ne pas avoir dormi depuis deux jours pour s’occuper de son proche, cela ne peut que forcer le respect. »
Vu la sensibilité des sujets qu’elle traite dans ses films, Aiguemarine Cie opte pour des tournages légers, sans lumières de studio et avec seulement deux caméras. Pour Catherine Harnois, « moins il y a de monde, mieux c’est. Souvent Jacques ne fait qu’installer les caméras, puis je reste seule pour mener l’entretien en tête-à-tête. »
Les deux réalisateurs assument également de prendre du temps pour libérer une parole différente. « Nous avons passé des après-midis entiers avec les jeunes que nous interrogions, partageant leurs goûters et leurs jeux. Quand nous faisions un entretien dans un foyer, nous demandions à rester dormir sur place et à partager un petit-déjeuner », précise Catherine Harnois. « Cela donne des films où nous ne sommes pas dans une posture surplombante, mais à leur niveau. »
UN FILM POUR L’ÉDUCATION NATIONALE
Lors des tournages de Jeunes aidants et de Je n’en parle à personne en 2019, Aiguemarine recueille de nombreux témoignages de jeunes rencontrant des difficultés dans leur parcours scolaire.
L’association se lance alors dans la réalisation d’un troisième film pour sensibiliser le personnel de l’Éducation nationale. Le film Invisibles, sorti en 2020, donne la parole à plusieurs élèves aidants, mais aussi à des professeurs d’espagnol, d’histoire-géographie ou d’anglais et à un conseiller principal d’éducation (CPE).
Le film est aujourd’hui utilisé pour la formation de tous les CPE, en plus d’être diffusé comme Jeunes aidants dans le monde médico-social. Il suffit par ailleurs d’adhérer à l’association, à hauteur de 25 euros, pour acquérir les droits d’utilisation des films et les projeter. Des projections d’Invisibles sont ainsi régulièrement organisées à la demande de professeurs dans des établissements scolaires.
L’association a fait le choix de placer ses films sous licence libre pour favoriser leur diffusion. Une évidence pour Catherine Harnois : « Nous avons toujours voulu que ces films circulent. Nous sommes fiers d’avoir contribué à faire bouger les lignes pour les aidants. »