LA TRIBUNE FONDA N°267
septembre 2025
Associations : le savoir médié par l’action

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L’association : terreau de faire connaissance

Édito écrit par
Suzanne Gorge
Directrice générale adjointe du think tank Terra Nova

À quoi bon savoir, si plus personne n’y croit ? Nous vivons une époque où la notion de vérité est de plus en plus malmenée. Désormais, le fact-checking1, le debunking2 et l’éducation à l’esprit critique sont entrés dans notre quotidien. 

C’est le signe que nous faisons face à une crise de l’expertise : les savoirs établis sont contestés, les autorités de référence fragilisées, et l’abondance d’informations rend plus difficile la distinction entre ce qui est vrai, plausible ou inventé. 

Pourtant, pendant des siècles, la production de connaissances a reposé sur des institutions sélectives et hiérarchiques. 

Universités, académies, grandes écoles garantissaient l’autorité du savoir en contrôlant ses conditions de production et de transmission. Elles assuraient à la fois la conservation, la validation et l’innovation. Ce système a façonné nos démocraties modernes, en donnant aux citoyens des repères communs, en produisant des outils de compréhension collective. 

Mais ce monde s’efface. La circulation des informations n’a jamais été aussi massive, instantanée et horizontale. Dans ce nouvel écosystème, la figure du médiateur — chercheur, journaliste, vulgarisateur — perd de son autorité. Les controverses prolifèrent, les certitudes s’effritent, et l’expertise semble souvent une opinion parmi d’autres. 

C’est dans ce contexte que les associations jouent un rôle décisif. Dès l’origine, elles ont été pensées comme des lieux de mise en commun de connaissances. Leur transmission et leur partage sont constitutifs du projet associatif selon la loi de 1901. 

Les associations sont d’abord des espaces de transmission. Comme le rappelle Emmanuel Porte dans ce dossier, l’éducation populaire propose depuis des décennies une transmission critique des savoirs, qui vise l’émancipation3

Les associations produisent elles- mêmes des savoirs. 

La recherche-action, présentée dans l’entretien croisé entre Paul Bucau, Stéphanie Bost et Floriant Covelli4 et l’article consacré à la Cabane de la recherche5, propose ces connaissances ancrées dans le réel, utiles à l’action comme à la réflexion. 

Enfin, les associations sont des espaces d’émancipation par la connaissance. Par le collectif, chacun peut apprendre, transmettre, développer ses capacités. Wikipédia illustre ce potentiel : l’encyclopédie en ligne bénévole a permis à des milliers de contributeurs de devenir producteurs de savoirs, et pas seulement consommateurs. Mais l’article de Robert Fernandez6 rappelle aussi les tensions de ce modèle : comment accueillir de nouveaux participants, comment maintenir un dialogue équilibré entre anciens et nouveaux membres ? 

Dans les associations, les savoirs sont mis à l’épreuve du terrain, les expériences nourrissent la réflexion. 

Ce cycle vivant distingue l’association d’autres institutions. Les associations inventent une éthique de la connaissance ouverte, collective, orientée vers l’émancipation. Ce faisant, elles rappellent la promesse formulée par Christian Saout : « Savoir, c’est pouvoir »7. Mais ce pouvoir ne se conçoit que s’il est partagé. 

La bataille du savoir est devenue une bataille politique. Elle oppose ceux qui instrumentalisent l’imaginaire et l’obscurantisme pour manipuler et diviser, à ceux qui cherchent à construire du commun. Dans cette bataille, les associations sont en première ligne. Parce qu’elles refusent de séparer expertise et expérience. Parce qu’elles inventent, au milieu du vacarme des opinions, des pratiques concrètes de délibération et de coopération. 

Faire connaissance : l’expression dit bien ce qui est en jeu. C’est à la fois un acte intellectuel (apprendre, transmettre, débattre) et un acte politique (tisser du lien social, se reconnaître comme citoyens égaux). Dans un monde saturé d’informations, ce n’est pas un luxe. C’est une nécessité démocratique.

Suzanne Gorge
Directrice générale adjointe du think tank Terra Nova
Amélie Pédrot
Responsable de la vie associative et Administration du Labo de l’ESS
Agnieszka Lissowska-Lewkowicz
Présidente du Stowarzyszenie Centrum Wolontariatu
Stéphanie Andrieux
Fondatrice de Benenova et membre du HCVA
La Fonda
Emmanuel Porte
Chargé d’études et de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP)
Anna Maheu
Rédactrice-en-chef de la Tribune Fonda
Maxime Boitieux
Coordinateur national de Peuple et Culture
Le Labo de l'ESS
Fatima Bellaredj
Présidente du Labo de l'ESS
Charlotte Debray
Déléguée générale de la Fonda
François-Xavier Demoures
Membre du comité éditorial de Terra Nova
Dominique Méda
Philosophe et sociologue
Jérémie Peltier
Co-directeur général de la Fondation Jean Jaurès
Lucile Schmid
Vice présidente de la Fabrique écologique
François Deroo
Directeur du réseau Les Petits Débrouillards
Frédéric Ghiglione
Ingénieur
Sophie Vally
Secrétaire générale des Petits débrouillards
Stéphanie Bost
Dirigeante associative
Paul Bucau
Administrateur de la Fonda
Floriant Covelli
Délégué général de l’Institut français du Monde associatif (IFMA)
Institut français du monde associatif (IFMA)
Yaël Benayoun
Cofondatrice du Mouton Numérique
Ludovic Bonnefoy
Animateur de Questions d'Asso
Karl Pineau
Cofondateur du podcast Questions d’Asso
Robert Fernandez
Professeur assistant au collège communautaire Prince George’s de Maryland (États-Unis)
Yannick Blanc
Président de la Fonda
Hannah Olivetti
Chargée de projet prospective à la Fonda
Sylvain Rigaud
Délégué général du RNMA
Frédéric Tiberghien
Haut fonctionnaire