Modèles socio-économiques

Mise en péril des associations, alerte rouge sur un pilier de la démocratie

Tribune Fonda N°267 - Associations : le savoir médié par l’action - Septembre 2025
Sylvain Rigaud
Sylvain Rigaud
Dans un contexte où les associations sont appelées à jouer un rôle toujours plus central dans les grands enjeux sociaux, environnementaux et démocratiques, leur fragilisation est un signal extrêmement préoccupant. C’est ce que révèle l’enquête nationale sur la santé financière des associations, conduite en mars 2025 par l’Observatoire régional de la vie associative (ORVA) des Hauts-de-France.
Mise en péril  des associations,  alerte rouge sur un  pilier de la démocratie
ORVA des Hauts-de-France, Santé financière des assos - Enquête, mars 2025.

Près de 5 600 dirigeants associatifs, issus de tous les régions, secteurs et tailles de structure, ont répondu en mars 2025 à l’enquête nationale sur la santé financière des associations menée par l’Observatoire régional de la vie associative (ORVA) des Hauts-de-France, avec le soutien du Mouvement associatif, du Réseau national des Maisons des associations (RNMA) et d’Hexopée1

Le constat est clair : les associations, et en particulier les structures employeuses, sont proches du point de rupture. 

Éprouvé par les crises successives — notamment sanitaire et inflationniste — et freiné par une paralysie des financements publics en début d’année avec le vote tardif du projet de loi de finances, le monde associatif est dans une situation critique et tous les secteurs sont concernés. 

Des trésoreries exsangues, des fonds propres en berne

Plus de 50 % des associations déclarent des difficultés de trésorerie, dont un quart de manière récurrente. Et 31 % des associations employeuses disposent d’une trésorerie inférieure à trois mois. Ces difficultés mettent en lumière la grande vulnérabilité économique du secteur, souvent contraint à négocier ou à recourir à des emprunts bancaires (35 %), malgré les coûts associés. 

Au-delà des tensions de trésorerie, c’est la solidité même du secteur qui est en question avec près de 70 % des associations employeuses qui estiment disposer de fonds propres fragiles, voire inexistants. Une telle fragilité les rend particulièrement vulnérables aux chocs extérieurs et les contraint à fonctionner dans une logique de survie à court terme. 

Baisse et incertitude des financements

L’enquête révèle également une forte incertitude budgétaire. À la mi-mars 2025, près de la moitié des associations n’avaient pas encore de retour sur leurs demandes de renouvellement de subventions. Parmi celles qui ont obtenu une réponse, 45 % constatent une baisse, dont 20 % une baisse importante. Cette contraction touche l’ensemble des financeurs : État, collectivités, fondations et entreprises. 

Les tensions peuvent être accentuées par la faiblesse du dialogue avec les pouvoirs publics. 

Dans les régions des Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 60 % des associations jugent ce dialogue insatisfaisant. Une situation qui révèle à quel point le financement de l’intérêt général demeure tributaire de logiques politiques. 

Activités réduites, emplois menacés

Les conséquences sont immédiates et bien réelles. 28 % des associations réduisent leurs activités, 22 % vont jusqu’à annuler certaines actions, y compris parmi les associations fonctionnant uniquement grâce au bénévolat. Près de 15 % se voient contraintes d’augmenter la participation financière demandée aux usagers, au risque de restreindre l’accès pour les publics les plus précaires. 

Dans ce contexte, l’emploi est la variable d’ajustement. 

18 % des structures envisagent de ne pas remplacer les départs, 16 % reportent ou annulent leurs recrutements et 8 % ont mis en œuvre un plan de sauvegarde ou des licenciements. Et seuls 25 % des répondants affirment écarter tout ajustement de leur masse salariale. Ce signal est alarmant pour un secteur qui emploie 1,8 million de personnes dans 144 000 structures et représente près de 9,2 % de l’emploi privé. 

Une crise qui révèle une mutation profonde

Au-delà des urgences budgétaires, cette situation révèle la transformation structurelle du modèle de financement des associations. Depuis plus d’une décennie, la substitution progressive des subventions par la commande publique, largement documentée par les enquêtes Paysage associatif français2, réduit l’autonomie des associations et les pousse dans une logique concurrentielle. 

Cette mutation, analysée également par le CESE dans son avis Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique3, polarise le secteur. 

D’un côté, les grandes structures professionnalisées fortement liées aux politiques publiques disposent de plus de moyens pour mettre en œuvre ces délégations de service public, notamment dans l’insertion et le médico-social. De l’autre, de petites structures bénévoles demandent moins de moyens de fonctionnement et sont donc plus résilientes. 

Entre les deux, les associations de taille intermédiaire — de 1 à 10 salariés — qui jouent un rôle clé dans le lien social local de proximité, sont aujourd’hui les plus fragilisées et les plus exposées au risque de disparition. Pourtant, ce sont elles qui portent le plus fortement la capacité d’innovation indispensable aux transitions à l’échelle des territoires. 

Une résilience à bout de souffle

Le secteur associatif a fait preuve d’une capacité d’adaptation et d’innovation remarquable, notamment durant la crise sanitaire. Mais cette résilience, longtemps sollicitée, atteint aujourd’hui ses limites. 

L’équation devient insoutenable : répondre à des besoins croissants tout en composant avec des moyens de plus en plus contraints. 

C’est le rôle même des associations dans notre démocratie qui se trouve menacé. 

Il devient urgent de repenser les modalités de financement de l’intérêt général, de redonner de la visibilité, de la stabilité et des marges de manœuvre aux associations et de reconnaître pleinement leur rôle stratégique dans les grandes transitions que traverse notre société. 

Car si l’on affaiblit leur capacité à agir, innover, fédérer les citoyens, c’est l’ensemble de notre modèle social, solidaire et participatif qui vacille.

  • 1

    ORVA des Hauts-de-France, Santé financière des assos - Enquête, mars 2025.

  • 2

    Viviane Tchernonog et Lionel Prouteau, Le paysage associatif français — 4e édition, Dalloz, 2023. 

  • 3

    Conseil économique, social et environnemental (CESE), Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique, avis adopté le 14 mai 2024. 

Analyses et recherches