Huit ateliers prospectifs ont été organisés lors de l’université Faire ensemble 2030, chacun construit sur un thème au croisement de plusieurs ODD, en veillant à en préserver la transversalité. Ces ateliers ont offert aux participants un espace pour croiser leurs préoccupations et leurs actions avec la dynamique des ODD. Ils ont reposé sur un temps d’appropriation des ODD, pour en faire émerger les enjeux associés, et un temps d’élaboration d’un chemin partagé, pour réfléchir aux manières de faire se rencontrer des initiatives existantes ou à déployer au service de l’atteinte de ces objectifs.
Les ODD sont un langage commun, qui rend possible et facilite la délibération collective. Appropriables à chaque échelle, du local à l’international, ils incitent à agir, au service d’un territoire aux limites élargies. Ainsi, pour que des projets inscrits à l’Agenda 2030 s’épanouissent, il est indispensable de mettre en place des formes de gouvernance partagée, développant le pouvoir d’agir des collectifs et des individus. L’éducation a également un rôle important à jouer, comme vecteur de mise en capacité, pour informer, sensibiliser et faire évoluer les pratiques.
Les ODD : un langage commun ?
La question des ODD comme langage commun a été abordée lors des plénières de l’université, pour souligner leur capacité à faire dialoguer les acteurs, mais également pour rappeler, comme le souligne Yannick Blanc, qu’il reste encore à en élaborer la grammaire, pour construire les usages et actions qui y sont associés. Les ateliers ont permis de remettre cette idée en perspective. Dans leur diversité, les ODD offrent une grille de lecture sur laquelle il est possible de structurer des échanges, en croisant les sujets. La vision dont ils sont porteurs peut cependant se trouver interrogée.
Les participants à l’atelier « travail » ont ainsi souligné que l’approche de l’ODD 8 qui lui est consacré ne donnait pas toute sa place au travail informel, et reposait globalement sur une vision productive « classique » de celui-ci. Si le sens qu’ils accordent aux sujets qu’ils soulèvent peut être soumis à discussion, les ODD n’en constituent pas moins un outil pour structurer la délibération collective et servir de support aux interrogations sur le sens des notions, ainsi que sur les liens qu’elles entretiennent entre elles.
Le travail peut ainsi être interrogé dans ses fondements pour mieux souligner les liens qu’il entretient avec les problématiques de réduction des inégalités, d’abolition de la pauvreté et d’instauration d’une société durable.
Les ODD offrent donc un langage partagé, qui peut servir d’appui à la controverse, mais dans le cadre d’un dialogue raison- nable et concerté entre personnes soucieuses de bâtir une vision et des projets en commun.
S’ils doivent encore trouver leur grammaire, soit l’ensemble des règles qui régissent leur usage et leur pratique, ils offrent le support de cette construction par une approche favorable à la délibération collective, et attentive à l’approche des problèmes dans leur complexité.
L’enjeu qui se dessine alors est celui de leur appropriation à une échelle où l’on se sent en capacité d’agir et d’impulser des initiatives contributrices à l’Agenda 2030. Le territoire apparaît alors comme la notion idoine, tant pour comprendre leur importance et leur utilité et en maîtriser les enjeux que pour y contribuer.
Le territoire : cadre d'action privilégié pour déployer les ODD
Le territoire, pris comme portion d’espace où s’articulent des interactions entre différents acteurs individuels et collectifs, constitue à la fois un enjeu et un cadre pour la mise en œuvre des ODD. En effet, dans leur vocation universelle, les ODD doivent pouvoir s’appliquer à toutes les échelles, et c’est à partir de l’échelle d’action la plus proche, sur laquelle ils ont un pouvoir d’agir, que les individus et les collectifs peuvent y contribuer, tout en prenant conscience d’un possible impact élargi de leurs initiatives.
Les ODD 2, ODD 5 et ODD 7, portant respectivement sur l’alimentation, la santé et l’énergie, peuvent être appréhendés à partir des territoires. Les ateliers qui leur étaient consacrés ont permis de souligner l’importance d’aborder ces sujets de façon concrète, en permettant à chacun de s’en saisir, ce qui suppose de les inscrire dans l’échelle spatiale où l’on vit, produit, consomme, travaille… Des centres coopératifs ancrés dans les territoires pourraient ainsi rendre chacun acteur de son parcours de santé, en tenant compte des différents aspects constitutifs de l’environnement des patients. L’accès à une alimentation durable suppose pour partie une relocalisation des circuits de production et de consommation, autour de circuits courts.
Les questions énergétiques peuvent également être prises en compte à cette échelle, ainsi que le souligne l’exemple de la ville de Gussing en Autriche, qui travaille son indépendance énergétique en valorisant ses ressources propres et en rendant chacun producteur et consommateur d’énergie.
Dans tous ces cas de figure, le territoire est un espace privilégié pour mettre en œuvre les ODD, en proposant des approches dont les bénéfices et impacts positifs vont bien au-delà de leurs limites, une approche plus localisée des questions alimentaires et énergétiques pouvant par exemple contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.
L’atelier consacré plus spécifiquement aux territoires a ainsi permis d’interroger les conditions d’émergence d’écosystèmes favorables à l’impulsion de projets de développement économique et humain tenant compte des ODD. Les enjeux de gouvernance et de méthode s’y sont affirmés. Les logiques de communautés d’action sont des leviers pour atteindre les ODD dans les territoires.
Elles reposent sur la mise en place d’un groupe d’acteurs partageant un diagnostic des problèmes à résoudre, travaillant leurs liens, partageant leurs compétences dans le respect des intérêts et des objectifs de chacun et se dotant d’indicateurs partagés pour assurer le pilotage et l’évaluation de leur action commune.
Une telle approche suppose l’implication du plus grand nombre. Elle entraîne par conséquent avec elle le sujet du déve- loppement du pouvoir d’agir de chacun pour être partie prenante des décisions et des actions déployées.
Favoriser l'implication de tous
L’ODD 17, portant sur les partenariats, constitue la clef de voûte de l’ensemble de l’édifice des ODD. Considérant cela, et tenant compte de l’importance du territoire comme échelle pertinente pour agir, la question du développement du pouvoir d’agir, des individus et des collectifs, constitue un enjeu central. Les solutions imaginées en atelier ont mis l’accent sur l’importance du pouvoir d’agir, comme manière de retrouver une maîtrise des paramètres qui déterminent les dispositifs, actions et modèles constitutifs de notre quotidien.
La primauté du territoire, soulignée dans le paragraphe précédent, va dans le même sens. Dès lors que les ODD sont un projet qui nous concerne tous, étant reliés à des aspects centraux de notre existence (santé, alimentation, travail…) nous devons pouvoir disposer des moyens nous permettant d’y contribuer.
Le pouvoir d’agir et ses conditions de développement ont été abordés plus spécifiquement au sein de l’atelier consacré à la société inclusive. Il importe en premier lieu de donner sa place à chaque partie prenante dans les structures de gouvernance des projets déployés. Pour que cette implication de tous soit effective, il faut s’assurer du partage des informations et d’une sensibilisation commune aux enjeux.
Cependant, la participation de tous ne se décrète pas, et son effectivité passe par des outils et actions dédiés, pour former, faire vivre des espaces d’intelligence collective, structurer des espaces de parole et de dialogue, en s’assurant que soient accordés à tous - y compris donc aux personnes habituellement discriminées - les moyens de se faire entendre et que toutes les formes d’expertises - y compris donc les expertises d’usage - soient reconnues.
En redonnant à chacun les moyens d’agir à son échelle, pour soi et pour les collectifs dans lesquels il s’inscrit, le pouvoir d’agir constitue également une voie pour l’ODD 10 de réduction des inégalités. À la condition cependant de ne pas transformer le discours sur les capacités en injonction à la responsabilité, qui rendrait les individus comptables de leur situation et chercherait à réduire les solidarités collectives.
La problématique du pouvoir d’agir rejoint également directement la question du langage. S’assurer que tous partagent les termes du débat et soient dotés d’un même droit effectif à l’expression garantit la recherche de solutions communes, reposant sur des représentations des notions et une prise de conscience des enjeux partagés.
Une démarche visant à améliorer la qualité du travail passe par l’installation d’un dialogue de qualité et de conscientisation du sens et de la portée que l’on y accorde. Le pouvoir d’agir suppose donc une maîtrise des termes de ce qui est débattu, ce qui le relie nécessairement aux problématiques éducatives.
L'éducation : un levier indispensable
L’atelier consacré à l’éducation a souligné qu’elle devait avoir lieu tout au long de la vie, en multipliant les formats, et en travaillant sur l’orientation. L’éducation doit également prendre en compte le développement de la confiance et assurer la reconnaissance des différentes formes d’intelligence et de culture, pour être un moyen pour chacun de trouver sa place dans son environnement. De nombreux ateliers ont confirmé la dimension transversale de l’éducation, qui permet d’agir sur les représentations, les conceptions et permet de développer la sensibilité aux enjeux structurants reliés aux ODD, concernant tant les personnes que l’environnement dans lequel elles évoluent. Formation et sensibilisation ont ainsi été deux maîtres mots dans la construction de chemin d’atteinte des ODD.
Les actions de sensibilisation se situent en amont du déploiement des dynamiques territoriales contributrices à l’Agenda 2030. Une sensibilisation à des pratiques alternatives sera favorable au développe- ment de circuits courts. Une mise en capacité des citoyens, leur permettant de comprendre, par exemple grâce à une grille, l’impact de leurs habitudes de consommation et plus largement sur les ODD, pourra servir de point de départ à des projets de partage de l’énergie. Une sensibilisation à la problématique du bien-être est une première étape pour développer la prévention en santé, et rendre les personnes actrices de leur parcours de soins.
Au croisement de plusieurs enjeux, les ODD incitent à penser les liens entre acteurs et entre territoires. Si leur réussite implique la participation de tous, elle suppose le développement du pouvoir d’agir, soutenu par des démarches éducatives, et l’impulsion d’initiatives inscrites dans une échelle appréhendable par les acteurs, mais toujours ouverte à un élargissement et dans la prise en compte de l’amplitude complète des impacts. Les ODD sont un outil pour penser et agir ensemble au service d’un futur souhaitable et offrent un horizon universel où chacun peut trouver sa place. La structuration de stratégies collectives et l’emboîtement des échelles de l’action restent le défi collectif majeur pour que la matrice des ODD ne reste pas un vœu pieu.
Listes des ateliers de l’université Faire ensemble 2030 :
- En 2030,un travail de qualité pour tous
- En 2030, une alimentation de qualité pour tous
- En 2030, des territoires écologiques et solidaires partout
- En 2030, une éducation tout au long de la vie pour tous
- En 2030, chacun acteur de sa santé
- En 2030, une énergie propre, accessible à tous
- En 2030, l’égalité entre les femmes et les hommes
- En 2030, une société inclusive, avec moins d’inégalités, et sans pauvreté