L’atteinte des ODD ne pourra se faire en laissant les acteurs agir isolément chacun dans son domaine. Les ODD proposent un agenda intégré et universel. En ce sens, l’ODD n°17, centré sur le développement des partenariats constitue une véritable clef de voûte de l’édifice d’ensemble tant, ainsi que le souligne l’ONU, les « partenariats multipartites seront essentiels pour tirer parti des interconnexions entre les ODD ».
Repères
PRÉSENTATION DE l'ODD
Le développement des partenariats porte tout autant sur le renforcement des rapports entre les États, que sur l’implication de la société civile, en étant à même de prendre appui sur des indicateurs de progrès renouvelés, pertinents et partagés.
SITUATION DE l'ODD EN FRANCE
Indicateurs à suivre
- Part de l’Aide publique au développement (APD) dans le Revenu national brut
- Distribution de l’APD nette aux pays les moins avancés
- Valeur de l’aide financière et technique promise en faveur aux pays en développement
- Individus disposant du haut-débit à la maison
- Mise en place de mécanismes pour renforcer la cohérence des politiques de développement durable
- Mise en place de cadres multipartites de suivi de l’efficacité du développement favorisant la réalisation des objectifs de développement durable
- Établissement d’indicateurs de progrès qui viendraient compléter le produit intérieur brut (PIB)
Où en sommes-nous en France ?
En France, l’Aide publique au développement (APD) est assurée par l’Agence française du développement (AFD). En 2016, le montant de l’APD française s’élevait à 8,7 milliards d’euros, soit 0,38 % du Revenu national brut (RNB) (données du ministère des Affaires étrangères).
Si ce montant fait de la France le cinquième pays donateur en volume, il reste cependant éloigné de l’objectif fixé par l’ONU à chaque pays développé de consacrer 0,7 % de son RNB à l’APD, objectif atteint par le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a décidé en février 2018 de relever progressivement ce taux à 0,55 %.
Le coordination de la mise en œuvre au niveau national des ODD est assurée par la délégation interministérielle au développement durable. Elle réalise rapports et points d’étape à destination du Forum politique de haut niveau – plateforme des Nations-Unies assurant le suivi de l’Agenda 2030 – en y associant la société civile, notamment lors d’ateliers participatifs dédiés.
Des organisations de la société civile sont également associées au pilotage des ODD dans les instances de concertation telles que Conseil national de la transition énergétique (CNTE) ou le Conseil national pour la solidarité et le développement international (CNDSI). Enfin, des partenariats sont mis en place pour favoriser l’appropriation par tous des ODD, que ce soit par la mise en place d’un MOOC, la newsletter dédiée intitulée « Oddysée » ou encore l’organisation d’éditathon avec Wikimedia pour des sessions collaboratives d’écriture d’articles consacrés aux ODD sur Wikipedia (cf. Martin Bortzmeyer).
Avant même l’adoption des ODD, un certain nombre de programmes ont été initiés pour la promotion du développement durable. Adopté à l’issue du Sommet de la terre à Rio en 1992, l’Agenda 21 propose ainsi un programme d’actions. Le Comité 21, association créée en 1995, a activement œuvré pour l’implication de tous les acteurs de la société dans la mise en place d’Agenda 21 et faire vivre le développement durable dans les territoires. Son action se situe désormais de façon revendiquée au cœur de l’ODD 17.
Concernant le suivi de l’évaluation des actions, la loi portant sur l’établissement de nouveaux indicateurs de richesses, portée par la députée EELV Eva Sas, a été adoptée le 2 avril 2015. Elle prévoit la remise d’un rapport annuel au gouvernement, tenant compte d’autres indicateurs de richesses que le PIB, liés à la qualité de vie, aux inégalités et au développement durable. Ces indicateurs, au nombre de dix, sont : taux d’emploi ; effort de recherche ; endettement ; espérance de vie en bonne santé ; satisfaction dans la vie ; inégalités de revenus ; pauvreté en condition de vie ; sortie précoce du système scolaire ; artificialisation des sols ; empreinte carbone.
Prospective exploratoire
Tendances lourdes
— Développement de nouveaux modes du faire ensemble
De nouveaux modes de partenariat et de faire ensemble se développent, portés par deux dynamiques fortes : la prise en compte des problématiques d’intérêt général par des acteurs non-étatiques, et la mise en place d’alliances élargies, associant les ressources d'acteurs multiples et de différentes natures, mobilisées sur une stratégie commune.
Mutations institutionnelles et transformations économiques ont conduit à une redéfinition du rôle de l’État. Avec les mouvements de décentralisation d’un côté et de mondialisation de l’autre (cf. P.-H. Dutheil et A. Vaccaro), celui-ci n’est plus le seul dépositaire de l’intérêt général. La définition et la mise en œuvre de l’intérêt général se jouent désormais également à d’autres échelles que celles de la nation et peut se penser au niveau des territoires, espaces reliant des individus et des projets, ancrés localement et reliés par différents moyens au reste du monde.
Avec l’essor de la philanthropie et de la RSE, les entreprises ont revendiqué une part active dans la prise en compte de problématiques d’intérêt général. Cette tendance est renforcée par l’émergence de l’entrepreneuriat social ou la volonté de faire évoluer la définition d’une entreprise pour y inclure un objet social.
Du côté des associations, ces dernières décennies ont été marquées par l’essor de la notion de société civile et du rôle clef des associations comme acteurs innovants, à même de capter les besoins sociaux émergents, d’y apporter des réponses, et d’être, en tant que tel, des partenaires clés des pouvoirs publics. La Fonda a joué un rôle important dans cette dynamique (cf. J. Bastide) en contribuant à la création du Conseil national de la vie associative (CNVA), devenu depuis Haut Conseil à la vie associative (HCVA), ou encore de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), devenu depuis le Mouvement associatif, organes de structuration du dialogue entre l’État et les associations. La Charte des engagements réciproques entre l’État, les collectivités territoriales et les associations vise à fournir un cadre à ce dialogue.
L’élargissement du périmètre des problématiques sociales et sociétales et la multiplication des acteurs s’en emparant conduisent à la multiplication des partenariats, inscrits de plus en dans des logiques multipartites et pluri-acteurs. Chacun prend sa part de la résolution d’un problème partagé, dans un cadre d’action commun, régi par des règles dont les partenaires se dotent librement.
Coordination Sud, dans une étude consacrée aux tendances des partenariats des ONG souligne ainsi le dépassement du modèle de partenariat bilatéral, pour aller davantage vers des « formules collectives », du type « programme pluri-acteurs », « consortiums », « alliances » ou « réseaux ».
Les alliances intersectorielles et plus globalement les rapprochements entre acteurs. peuvent prendre différentes formes. Par exemple, le mécénat de compétences permet de construire des alliances entre associations et entreprises. Autre exemple, les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) regroupent des acteurs d’un même territoire, dans une logique de coopération, pour développer une économie sociale et solidaire innovante.
La notion de développement durable a joué un rôle important dans ces dynamiques. À l’issue du Sommet de Rio de 1992, la pratique des Agenda 21 a été installée, invitant les parties prenantes d’un même territoire à traiter ensemble les problématiques d’ordres économiques, sociales et environnementales de leur territoire, tout en inscrivant leur action dans un cadre plus large. Plus largement l’impératif écologique et l’urgence du réchauffement climatique nous obligent à travailler de façon concertée pour apporter des solutions adaptées.
Incertitudes majeures
— Vers de nouveaux indicateurs de richesse ?
La « Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social », autrement appelée « Commission Stiglitz », a pointé, lors de la remise de ses travaux en 2009 l’insuffisance du PIB pour rendre compte de la richesse et mesure la valeur produite dans nos sociétés.
Centré sur la production et la consommation, le PIB ne tient pas compte des enjeux sociaux et environnementaux, et occulte les effets négatifs du productivisme, la mise en cause des biens communs vitaux et valorise des activités négatives ou uniquement réparatrices. De nombreux travaux ont ainsi mis en avant la nécessité d’une approche alternative ou complémentaire, qui puisse tenir compte de la durabilité des actions et de l’amélioration du bien être.
Plusieurs indicateurs ont ainsi été élaborés : Indice de développement humain (IDH), créé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ; les indicateurs du Vivre mieux proposés par l’OCDE ; ou encore les indicateurs proposés par la loi Sas de 2015, devant faire l’objet d’un rapport spécifique à destination du gouvernement. Ces indicateurs, encore peu connus et peu employés en dehors des personnes sensibles à cette problématique, ne semblent pas encore avoir trouvé leur pleine légitimé et ne sont pas parvenus à remplacer le PIB dans la fréquence des usages.
À l’heure de la prise en compte partagée des enjeux de développement durable, où les dynamiques de coopération sont mises en avant, une piste serait sans doute à ouvrir dans la recherche d’indicateurs soulignant la capacité des acteurs à préserver les ressources communes et leur capacité d’action de façon durable. L’ODD n°17 rappelle en tous les cas qu’une autre mesure de la richesse est une condition de réussite des partenariats œuvrant à la réalisation de l’Agenda 2030.
— Saura-t-on réussir l’impact collectif ?
Modèle théorisé par la Stanford Social Innovation Review, l’impact collectif souligne que face à la complexité des problèmes auxquels sommes confrontés, aucune structure isolée, aussi puissante soit-elle, ne saura apporter une réponse plus pertinente que ne le saurait faire un rapprochement d’acteurs, mettant en commun leurs moyens et leurs compétences. L’impact collectif se pense donc en opposition à l’impact isolé, en postulant un nouveau modèle d’action, pensé pour répondre aux enjeux contemporains.
Les conditions de succès de l’impact collectif sont au nombre de cinq : partager une même vision des problèmes et des changements à apporter pour y répondre ; mettre en place un système d’évaluation partagé pour mesurer l’atteinte des objectifs ; porter des activités qui se soutiennent mutuellement ; avoir une communication pertinente ; se doter d'une structure de soutien et de coordination.
Cette approche s’inscrit dans la droite ligne de la vision prônée par les ODD. Malgré les tendances fortes au développement de nouveaux modes du faire ensemble, elle suppose pour réussir un cadre méthodologique rogoureux, un changement des mentalités pour favoriser la convergence des efforts vers des objectifs partagés et le déploiement d’acteurs à même d’assurer une mission d’intermédiation. L’impact collectif constitue une approche pertinente, à développer, pour inscrire nos actions dans un cadre collectif.
→ Découvrez des projets en coopération qui répondent à cet ODD.
- Projet en coopération - Corédaction d'un livre sur l'intelligence collective
- Projet en coopération - Coopérer autrement en acteurs du changement
Ressources
_ Ministère de l’Économie, Centre de documentation Économie-Finances (CEDEF), « Qu’est-ce que l’aide publique au développement ? » (version du 21/02/18)
_ Ministère des Affaires étrangères, France Diplomatie, « L’aide publique au développement en chiffres » (version février 2018)
_ Martin Bortzmeyer, « Les ODD : l’action gouvernementale », La Tribune Fonda, 237, mars 2018
_ Philippe-Henri Dutheil et Antoine Vaccaro, « Étude sur la rénovation de l’intérêt général en France. Pour une définition évolutive et co-construite de l’intérêt général », 2013.
_ Jean Bastide, « Société civile et monde associatif », La Tribune Fonda, 210, 2011.
_ Coordination Sud, « Les ONG et leurs pratiques de partenariat. Nouvelles tendances et nouveaux défis », 2017.
_ Fay Hanleybrown, John Kania et Mark Kramer, Canaliser le changement : comment réussir l’impact collectif ?, 2015