Cette fiche a été réalisée par Philippe Queruau-Lamerie, étudiant en master International Energy à Sciences Po, avec le concours de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles International, et Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda.
Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables, modernes, à un coût abordable. « L’énergie est au centre de presque tous les défis majeurs, mais aussi des perspectives prometteuses, qui se présentent au monde aujourd’hui. Qu’il s’agisse d’emplois, de sécurité, de changement climatique, de production de nourriture ou d’accroissement des revenus, l’accès de tous à l’énergie est essentiel. »1
Repères
SITUATION DE l'ODD EN FRANCE
Dans la lignée de l’accord de Paris sur le climat, les États signataires, dont la France, montrent une ambition de produire et consommer une énergie plus propre et plus durable. Cette transition énergétique ne doit cependant pas se faire au détriment de la sécurité énergétique et de l’accès de la population à l’énergie, deux autres axes fondamentaux dans l’évaluation du système énergétique d’un pays. On assiste aujourd’hui à l’électrification progressive du secteur des transports, or ce secteur représente près du tiers de la consommation finale d’énergie. Son électrification aura donc un impact à surveiller sur l’équilibre du système électrique français, qui sera de plus en plus sollicité.
Indicateurs à suivre
- Part de ménages en précarité énergétique2
- Part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie
- Intensité énergétique3
- Part des investissements consacrés à l’économie d’énergie dans l’industrie
Où en sommes-nous en France ?
Bien que 100 % des ménages aient accès à l’électricité, il faut rester attentif à la vulnérabilité énergétique qui touche encore plus d’un ménage sur sept aujourd’hui, et ce malgré certaines mesures du gouvernement (tarifs sociaux, chèque énergie, rénovations, etc). Bien que la dépense des ménages en énergie soit restée stable en France globalement, le nombre de ménages ne pouvant faire face à leurs dépenses en énergie pour le logement augmente : d’après l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), on serait passé de 3,2 millions de ménages en 2006 à 3,8 millions en 2013.
En ce qui concerne la qualité des services énergétiques (« fiables, durables et modernes »), la France a adopté la loi de transition énergétique pour La croissance verte (LTECV) en 2015. Celle-ci vise à « permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et à la préservation de l’environnement, ainsi que de renforcer son indépendance énergétique tout en offrant à ses entreprises et ses citoyens l’accès à l’énergie à un coût compétitif ».
Parmi les objectifs fixés par la loi, on peut retenir :
- L’atteinte d’une part d’énergies renouvelables (EnR) de 23 % en 2020 et 32 % en 2030 dans la consommation finale ; cette part était de 14,9 % en 2015 (SOeS)
- Une réduction de la consommation finale d’énergie de 20 % d’ici 2030 (par rapport à 2012)
- Une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % entre 1990 et 2030
- La lutte contre la précarité énergétique.
Si la France est en bonne voie pour atteindre ses objectifs de développement des EnR, des efforts restent encore à fournir sur le plan de l’efficacité énergétique pour l’atteinte de cet objectif.
Prospective exploratoire
Tendances lourdes
Après une hausse continue depuis les années 1980, la consommation finale d’énergie en France s’est stabilisée depuis les années 2000. Le PIB de la France ayant par ailleurs augmenté durant cette période, cela signifie une baisse de l’intensité énergétique en France ces dernières années.
— Une part dominante du nucléaire dans le mix électrique français
Le parc nucléaire français s’est développé suite au choc pétrolier de 1973, et une majorité du parc français actuel a été développée dans les années 1980. Le nucléaire représente aujourd’hui plus de 70 % de la production d’électricité en France. Bien qu’elle soit jugée coûteuse et controversée en termes de sécurité, l’énergie nucléaire a permis à la France d’avoir une électricité relativement propre ces dernières décennies. Le nucléaire a également joué un rôle dans l’indépendance énergétique de la France.
Malgré les craintes exprimées par une partie des pouvoirs publics et de la population au sujet de la sécurité des centrales nucléaires et de l’avenir des déchets nucléaires, le gouvernement français a récemment exprimé sa volonté de repousser à 2035 la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique français.
Cependant, dans un contexte où les mouvements anti-nucléaire prennent davantage d’ampleur, certains pays ont fait le choix de sortir du nucléaire. C’est le cas par exemple de l’Allemagne et de Taïwan. Le Japon a également exprimé le souhait d’en sortir après l’accident de Fukushima, mais semble aujourd’hui revoir cette position. Un accident dans une centrale nucléaire - pouvant aussi être provoqué par un acte terroriste - reste un évènement probable, et un tel accident pourrait radicalement changer l’opinion publique concernant cette source de production d’énergie.
— Une décentralisation des moyens de production d’électricité
Ces dernières années, le système électrique français a connu un fort mouvement de décentralisation des moyens de production, qui est amené à s’intensifier dans les années à venir. Cette décentralisation a été rendue possible particulièrement grâce au développement des énergie renouvelables et à leur compétitivité accrue.
Ce mouvement de décentralisation s’est fait à plusieurs niveaux :
- Au niveau des moyens de production nationaux, avec le développement d’éoliennes ou de centrales photovoltaïques.Ce développement est accompagné par l’apparition de fournisseurs d’électricité 100 % verte (Enercoop), trouvant un nombre croissant de clients particuliers.
- Au niveau des entreprises : celles-ci cherchant à la fois à réduire leur facture d’électricité et à avoir une consommation d’énergie plus propre (pouvant ainsi afficher leur participation au développement durable).
- Au niveau résidentiel, ce développement s’est fait via une part croissante de foyers équipant leurs toits de panneaux solaires (en autoconsommation ou injection de l’énergie sur le réseau). Ce mouvement des résidents est motivé par des volontés d’indépendance énergétique, du contrôle du montant de leur facture, de consommation d’une énergie plus verte, et par les incitations financières du gouvernement français.
— Le développement de l’efficacité énergétique, en particulier dans les logements
L’efficacité énergétique s’est développée ces dernières années en France, à la fois dans les secteurs industriel et résidentiel. Industriels comme résidentiels ont bien compris que l’investissement dans des solutions d’économie d’énergie pouvait être rapidement rentabilisé grâce aux économies sur la facture d’électricité.
Dans le résidentiel, l’efficacité énergétique dans les logements a connu un grand essor grâce aux mesures prises par le gouvernement, comme l’élimination des « passoires thermiques », ou encore la mise en place de règlementations thermiques. La réglementation thermique prévue pour 2020 pourrait donner lieu à une potentielle explosion du nombre de bâtiments à énergie positive en France (BEPOS).
L’efficacité énergétique dans les logements est aussi un moyen important de lutte contre la précarité énergétique.Le potentiel d’efficacité énergétique devrait aussi être décuplé (à la fois dans les logements et dans l’industrie) par le développement actuel des technologies de communication entre appareils, d'intelligence artificielle et d’analyse de masses des données. La start-up Sensing Vision est un exemple d’acteur proposant des solutions dans ce domaine.
Incertitudes majeures
— Le développement des technologies de stockage d’électricité
Les technologies de stockage d’électricité connaissent un fort développement en parallèle de celui des énergies renouvelables. Le caractère intermittent de certaines sources renouvelables (solaire, éolien, etc.) donne en effet un intérêt particulier à l’utilisation de technologies de stockage. Par exemple, l’utilisation du stockage couplée à des panneaux solaires fait son apparition dans le secteur résidentiel français.
Cependant, les technologies de stockage sont aujourd’hui encore trop polluantes, volumineuses et chères pour pouvoir imaginer leur déploiement à grande échelle. Bien que leur coût ait fortement chuté ces dernières années, il reste suffisamment important pour limiter son développement à grande échelle. Mais les efforts en R&D et les gains d’échelle laissent espérer une croissance rapide du stockage à travers le monde au cours des prochaines années.
D’autres technologies (comme le stockage par hydrogène) voient aussi le jour, et les investissements continus en R&D laissent espérer la mise au point d’une technologie économiquement viable, permettant son application à grande échelle.
Émergences
— Le rôle croissant des ville et territoires dans la transition énergétique
Si aujourd’hui la transition énergétique est orchestrée au niveau national, les régions occupent un poids déterminant dans la mise en place de cette transition. Au sein de ces régions, les villes et territoires jouent un rôle croissant. Concernant les territoires, on assite à l'émergence de territoires à énergie positive, portés par des dispositifs de soutien au niveau national.
Les villes se sont également saisies de ces enjeux, comme la ville de Paris et son plan climat. Paris est également membre de l’organisation C40. D’autres mouvements comme « villes en transition » ont également vu le jour ces dernières années, dont le but est de faire face au défi du dérèglement climatique.
De nombreuses initiatives à l’échelle des territoires et collectivités se développent également dans le cadre de la transition énergétique (TEPOS, REPOS4
etc.), désormais appuyées par les institutions et des mesures du gouvernement (comme les TEP-CV5
).
— Les initiatives citoyennes pour la transition énergétique
De nombreuses initiatives font leur apparition dans l’économie sociale et solidaire (ESS), permettant une appropriation sociale des enjeux actuels de la transition énergétique. Si les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer dans cette transition, l’appropriation de ses enjeux par la société est indispensable à son succès.
Concernant le rôle des collectifs citoyens, la Ferme de Figeac est un bon exemple : cette initiative regroupe près de six cents adhérents, principalement des éleveurs, cherchant à diversifier leurs revenus grâce à la valorisation des ressources naturelles de leur territoire. Ce type d’initiative est aussi une occasion de renforcer la dynamique locale.
— Apparition des nouvelles technologies dans le secteur de l’énergie, avec un potentiel d’impact encore incertain
Les smart grids, réseaux intelligent rendus possibles par les innovations technologiques, continuent à se développer. Leur principal atout est de permettre d’intégrer plus d’énergies renouvelables au système électrique. D’autres technologies comme le Big Data ou la blockchain commencent à faire leur entrée dans le secteur de l’énergie. Bien qu’encore incertain, leur potentiel impact sur le secteur n’est pas à négliger.
Là où le Big Data permettrait d’améliorer l’efficacité des processus industriels ou de l’exploitation des réseaux, la blockchain permettrait, elle, l’échange décentralisé d’énergie, favorisant par exemple l’auto-consommation collective. Daisee est un exemple de programme open design visant à construire un « Internet de l’énergie » sûr et distribué.
→ Découvrez des projets en coopération qui répondent à cet ODD.
- Projet en coopération - Exploration sous les radars, l'expérimentation originale de GRDF pour faire avec les acteurs locaux
- Projet en coopération - le Collectif des possibles, agir ensemble sur la précarité énergétique à Roubaix
Ressources
_ Service de l’observation et des statistiques (SOeS).
_ C40 Climate Leadership Group (C40) :
www.c40.org
_ Le Labo de l’ESS, « Transition énergétique citoyenne ».