Prospective Enjeux sociétaux

Fiche ODD n°5 - Égalité entre les sexes

Tribune Fonda N°237 - Faire des ODD un projet de société - Mars 2018
Aleth Vennin
Aleth Vennin
Présentation et approche prospective de l'Objectif de développement durable n°5. Cette fiche est publiée dans le supplément au numéro 237 de la Tribune Fonda « Faire des ODD un projet de société ».
Fiche ODD n°5 - Égalité entre les sexes

Cette fiche a été réalisée par Aleth Vennin, étudiante en master Politiques publiques à Sciences Po, avec le concours de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles International, et Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda.


Cet objectif vise à atteindre l’égalité des sexes et à autonomiser les femmes. Bien que les inégalités entre les sexes se soient réduites ces dernières années en France, les femmes continuent de subir des discriminations et des violences. Les grandes lignes suivies par cet objectif sont celles de la garantie d’accès des femmes à l’éducation, aux soins de santé, à un travail de qualité et à une représentation politique.
 

Repères


SITUATION DE l'ODD EN FRANCE

Indicateurs à suivre

  • Proportion de femmes victimes de violences au sein et en dehors du ménage chaque année (Insee)
     
  • Temps consacré au travail domestique au cours d’une journée moyenne par sexe (Insee)
     
  • Participation des femmes à la vie politique (Insee)
    - au Parlement
    - dans les administrations locales
     
  • Proportion de femmes cadres dirigeants (Insee)
     
  • Écart de salaire entre homme et femme à poste équivalent
     
  • Proportion de filles dans les filières scientifiques (Éducation nationale)
     

Où en sommes-nous en France ?

En 2017, les hommes perçoivent en moyenne un salaire supérieur de 22,8 % à celui des femmes, en équivalent temps plein (Insee). De manière générale, les femmes travaillent plus souvent à temps partiel et ont moins accès aux postes à responsabilité. 

En 2010, les femmes consacraient 4h01 aux tâches domestiques par jour, contre 2h13 pour les hommes. En onze ans, le temps de travail domestique des femmes a baissé de 22 minutes, tandis que celui des hommes est resté le même.  Les femmes consacrent en moyenne 2h45 par jour à leurs loisirs (lecture, promenade, télévision, sport, etc), contre 3h20 pour les hommes. Cette inégale répartition des tâches domestiques est un des facteurs explicatifs de l’importance du temps partiel féminin, et également de  leur faible représentation en politique. 

La participation des femmes à la vie politique est de plus en plus importante : en 2017, les femmes représentent 39 % des députés (contre 27 % en 2012 et et 20 % en 2007), 40 % des conseillers municipaux, 42 % des députés européens, 48 % des conseillers régionaux et 50 % des conseillers départementaux (Insee). 

Les femmes représentent 84 % des parents à la tête d’une famille monoparentale et ont un niveau de vie inférieur de 24 % à leurs homologues masculins (Insee). 
Au cours de leur vie, 14,5 % des femmes déclarent avoir vécu au moins une forme d’agression sexuelle, contre 3,9 % des hommes (Ined). En 2016, 225 000 femmes ont déclaré avoir été victime de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint et/ou ex-conjoint. Face à cette situation, moins d’une femme sur cinq victimes ont porté plainte (chiffres du Gouvernement)

La France comptait en 2004, environ 53 000 femmes adultes qui auraient subi des mutilations sexuelles (hypothèse moyenne). Neuf victimes sur dix ont été excisées avant l’âge de 10 ans (Ined).
 
En 2010, 80 à 90 % des personnes prostituées en France sont des femmes (rapport Ocreth 2010).

Le gouvernement a fait de l’égalité femmes-hommes une grande cause du quinquennat en cours. Ainsi, 13 % du budget du ministère des Solidarités est alloué à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, sanctuarisé sur toute la durée du quinquennat, et un budget interministériel de 420 millions d’euros a été établi pour atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes.
 

Prospective exploratoire


Tendances lourdes

La parité en France s’améliore

La parité correspond à l’égalité des conditions entre hommes et femmes.  Le classement du Forum économique mondial sur la parité de genre de 2017 a montré une amélioration de la performance de la France en la matière.  Pour ce faire, un indicateur synthétise les ressources et opportunités offertes aux femmes. Quatre domaines sont pris en compte : la représentation et les opportunités économiques (salaires, accès à des postes à responsabilité), l’éducation, l’émancipation politique et la santé. 

Le classement indique une meilleure intégration politique ces dernières années, mais une intégration économique à favoriser. L’amélioration de la représentation des femmes dans la politique a permis à la France de se hisser dans le classement. En revanche, les différences persistantes de salaire marquent un frein à la réalisation de l’égalité entre les sexes. 

Les femmes davantage touchées par la précarité

Le taux de pauvreté à 50% du revenu médian est quasiment identique, autour de 8%, pour les deux sexes. Les femmes sont cependant plus souvent touchées par la pauvreté entre 30 et 50 ans du fait de la monoparentalité. En effet, elles représentent 87 % des parents à la tête des familles monoparentale. 

La pauvreté des seniors est également marquée par un écart : 3,4 % des femmes de plus de 75 ans sont pauvres (seuil de 50 %) contre 2,2 % des hommes de cet âge. En 2014, 56 % des allocataires du minimum vieillesse sont des femmes. Ce phénomène est dû au fait que les femmes perçoivent des retraites plus faibles (l’écart entre le montant de la retraite de droit direct est de 653 € en 2014) ou une faible pension de réversion, et sont également plus souvent célibataires, car elles ont une espérance de vie plus élevée que les hommes. 

Une orientation scolaire sexuée

Les filles réussissent majoritairement mieux que les garçons à l’école : elles redoublent moins et réussissent mieux leur baccalauréat. Cependant, leur choix d’orientation est marqué par le départ vers les filières les moins rentables professionnellement et les plus dévalorisées socialement.

Ainsi, au niveau de l’enseignement général, les filles s’orientent moins dans les filières scientifiques que leurs résultats ne leur permettraient : en 2011, 14,7 % des filles s’orientent vers une première Littéraire contre 4,5 % des garçons, et 27,6 % des filles s’orientent vers une première Scientifique contre 38,1 % des garçons (Insee). Au niveau de l’enseignement supérieur, les filles se concentrent dans les spécialités tertiaires et délaissent les formations scientifiques : en 2012, les filles représentent 84 % des inscrits en écoles paramédicales et sociales, 42 % des classes préparatoires aux grandes écoles dont 29,7 % des classes préparatoires scientifiques, et 27 % dans les formations d’ingénieurs (hors classes préparatoires) (Insee).   

Des discriminations sur le marché du travail

Les femmes sont défavorisées sur le marché du travail.  Elles occupent plus souvent les emplois à temps partiel, 80 % des travailleurs à temps partiel étant des femmes en 2014. En 2015, 1,2 million de femmes salariées sont en situation de temps partiel subi, contre 471 800 hommes (Insee). 

Depuis 1998, la proportion de femmes occupant des postes à responsabilité (cadres moyens et supérieurs) a connu une hausse jusqu’en 2011, puis a retrouvé son niveau initial. Elle est actuellement de 31 %.

Les femmes se heurtent souvent au « plafond de verre » qui les freine dans leur carrière et les empêche d’accéder à de hautes responsabilités.

Le taux d’activité des femmes diminue avec l’arrivée des enfants. Il est de 79,9 % avec un enfant de moins de trois ans, et de 65,7 % avec deux enfants dont un au moins de moins de trois ans. Pour les hommes, ces chiffres sont respectivement  de 95,9 % et 96,9 %. 

Inégalité de répartition des charges domestiques

La répartition des charges domestiques n’a pas évolué au cours des 25 dernières années : en 2010, les femmes étaient responsables de 64 % des tâches domestiques et 71 % des tâches parentales au sein du foyer. En 1985, ces taux étaient respectivement de 69 % et 80 %. 

Les femmes sont également concernées par la charge mentale : dans les couples hétérosexuels, même si le partage des tâches est équitable, les femmes sont souvent considérées comme responsables de l’organisation et de la gestion du foyer.
 

Incertitudes majeures

Prise en charge de la petite enfance

L’un des freins principaux à l’accès des femmes au marché du travail est le mode de garde des enfants en bas âge. À la naissance de leur enfant, un tiers des parents souhaitent obtenir une place en crèche. Or, seulement 16 % des enfants sont en crèche. 

Le premier mode de garde est ainsi informel, un enfant sur deux étant gardé par un membre de sa famille. L’aide familiale joue un rôle important. La France est donc en déficit de modes de garde adaptés aux nouveaux modèles familiaux. La gestion des modes de garde pose la question de la responsabilité collective, ainsi que du modèle de solidarité intergénérationnelle qui permettra de réaliser l’objectif d’égalité entre les sexes.

Le développement d’un accueil universel de la petite enfance est mis en avant comme objectif prioritaire par les défenseurs de l’investissement social, comme un mode de prévention de la reproduction des inégalités et pour faciliter l’accès des femmes au marché de l’emploi .
 

Émergences

La question des personnes transgenres

Dans sa formulation, l’ODD 5 parle d’égalité entre les sexes, sans mentionner la question du genre. Il s’agit pourtant d’un aspect important, tant les freins à la mobilité sociale et professionnelle des femmes reposent sur des représentations genrées. Parler de genre incite  également à poser la question de la place des individus transgenres dans la société. Ces derniers sont victimes de nombreuses discriminations sur le marché du travail, et de différentes formes de violences transphobes ou homophobes, peu prises en considération jusqu’ici. 

Un sursaut de conscience

Ces dernières années, de nombreux mouvements de revendication d’égalité entre les sexes ont connu un fort succès médiatique. C’est notamment le cas du mouvement #MeeToo, hashtag utilisé sur les réseaux sociaux afin de dénoncer les agressions et harcèlement sexuels, et lancé en octobre 2017 après la révélation de l’affaire autour de Harvey Weinstein.

Des mouvements sociaux se créent autour de cette nouvelle vague de réaffirmation des femmes sur ces enjeux. Cette évolution est accompagnée par la mise
sur l’agenda politique de mesures de lutte contre les discriminations sexuées, telles que le congé paternité (2002), ou des mesures de discrimination positive. 

 


Ressources

_ « La pauvreté selon le sexe », par l’Observatoire des Inégalités.

_ Classement du Forum économique mondial sur la parité de genre.

_ « Chiffres clés de l’égalité entre les femmes et les hommes », Secrétariat d’État chargé de l'Égalité entre les Femmes et les Hommes.

_ Fabienne Rosenwald, « Filles et garçons dans le système éducatif depuis vingt ans », Insee Première, La société française - données sociales, édition 2016.

_ L’Investissement social, quelle stratégie pour la France ?, La Documentation française.
 


 

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