Prospective Enjeux sociétaux

Fiche ODD n°11 - Villes et communautés durables

Tribune Fonda N°237 - Faire des ODD un projet de société - Mars 2018
Philippe Queruau Lamerie
Philippe Queruau Lamerie
Présentation et approche prospective de l'Objectif de développement durable n°11. Cette fiche est publiée dans le supplément au numéro 237 de la Tribune Fonda « Faire des ODD un projet de société ».
Fiche ODD n°11 - Villes et communautés durables

Cette fiche a été réalisée par Philippe Queruau-Lamerie, étudiant en master International Energy à Sciences Po, avec le concours de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles International, et Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda.
 

Faire en sorte que les villes soient sûres, résilientes et durables. « La moitié de l’humanité — 3,5 milliards de personnes — vit aujourd’hui dans des villes et ce nombre continuera d’augmenter. Étant donné qu’à l’avenir une grande partie de la population mondiale vivra en zone urbaine, les solutions à certains des principaux défis de l’être humain — la pauvreté, les changements climatiques, les soins de santé, l’éducation — doivent être trouvées dans la vie urbaine. »1
 

Repères


PRÉSENTATION DE l'ODD 

Les problèmes que l’on retrouve dans les villes aujourd’hui (taudis, embouteillages, pollution,  inégalités, sécurité …)  sont un frein au bon développement de la société et apportent donc une contribution négative aux autres ODD. Ces problèmes sont généralement les conséquences d’une urbanisation qui reste trop souvent subie et mal orchestrée.

Planifier la ville de manière durable, où chacun puisse contribuer effectivement à sa dynamique, offrirait à tous ses citoyens une meilleure qualité de vie et une certaine stabilité sociale.
 

SITUATION DE l'ODD EN FRANCE


Indicateurs à suivre 

Qualité de vie dans les villes :

  • Nombre de personnes sans logement ou vivant dans des conditions de logement très difficiles 
  • Nombre de personnes sans domicile en France métropolitaine
  • Victimes de harcèlement

Transport durable :

  • Part de transport collectif de voyageurs (intérieur terrestre)
  • Population vivant dans les « périmètres de transport urbains »

Environnement :

  • Part de déchets collectés et traités sur le total généré par les villes
  • Taux d’artificialisation des sols
  • Part de stations de mesure ayant dépassé dans l’année le seuil journalier pour les particules PM10 (par taille d’agglomération)


Où en sommes-nous en France ? 

Si la croissance urbaine se fait à un rythme élevé en France, il faut veiller à ce que la croissance des métropoles ne se fasse pas au détriment des petites villes. Il faut aussi veiller à pouvoir maintenir une certaine qualité de vie dans les métropoles, en particulier pour les plus démunis.

Le rapport 2018 de la Fondation Abbé Pierre signale près de 4 millions de personnes sans logement ou en conditions de logement très difficiles – dont 143 000 sont sans domicile, tandis que 12 millions de personnes sont dans une situation de fragilité par rapport au logement. Plus généralement, davantage d’efforts doivent être fournis en faveur des zones défavorisées : logements sociaux, rénovation urbaine, accès aux services publics, etc.

En ce qui concerne les critères environnementaux, la pollution est un enjeu majeur pour les villes. Les solutions consistent à développer des transports durables et favoriser l’accès aux transports publics. Pour garantir leur durabilité, les villes doivent accentuer leurs efforts concernant le traitement des déchets, la résilience face au changement climatique ou la part d’espaces verts, tout en continuant à préserver le patrimoine culturel et naturel.

Des mesures sont prises en France pour tenir compte de ces points d’attention pour les villes. Des investissements sont faits dans les transports en commun et la mobilité douce, dans la rénovation des quartiers les plus dégradés, dans les logements sociaux, dans la rénovation énergétique des habitations ou encore dans les territoires dits « à énergie positive ».

La France accompagne aussi vingt collectivités qui se sont engagées comme « villes respirables en cinq ans ».

La participation de la société civile à la gestion des villes fait également partie des cibles de l’ONU pour l’ODD n°11. En la matière, la démocratie participative a connu de réels développements au cours des dernières décennies en France. Les villes de Kingersheim et Saillans figurent parmi les plus avancées en matière de démocratie participative.

 

Prospective exploratoire


Tendances lourdes


 La prise en compte par les métropoles des enjeux environnementaux

« Les villes n’occupent que 3 % de la masse continentale mondiale, mais elles produisent plus de 70 % de ses émissions de dioxyde de carbone et consomment entre 60 à 80% de l’énergie mondiale 2. »  Ces chiffres montrent l’enjeu que représentent les villes dans le développement durable, et le lot de défis que va amener l’urbanisation rapide dans un avenir proche. 

Mais le développement des villes représente aussi une opportunité de réaliser des gains d’efficacité et tendre vers un mode de vie plus durable. Dans un contexte de pression démographique et de limitation des ressources, les métropoles se sont saisies de ces enjeux et mènent une politique active en faveur de l’environnement et du développement durable.  Les grandes métropoles qui se sont engagées à lutter contre le changement climatique se sont regroupées dans le réseau C40, dont la présidence est assurée par Anne Hidalgo, maire de Paris.

En France, cette appropriation des défis de la ville se traduit par l’émergence de projets innovants pour une ville durable, ainsi que le développement d’éco-quartiers ou d’éco-cités. Le réseau Vivapolis vise à fédérer les acteurs français œuvrant pour la ville durable, dans une optique d’innovation et de partage  d’informations.
 

Une qualité de l’air qui préoccupe dans les villes (cf. Cécile Desaunay)

Les villes ont vu une baisse des émissions de polluants atmosphériques ces vingt dernières années. Mais même si cette tendance est amenée à se poursuivre, les concentrations de certains polluants vont rester préoccupantes. Certains polluants atmosphériques, comme les particules ultrafines ou l’ozone troposphérique, n’ont en effet pas de seuil fixé.

Les émissions de ces particules sont principalement liées aux transports, à l’industrie et à l’agriculture. Les émissions liées aux transports et à l’industrie ont elles tendance à diminuer. De nombreuses grandes villes européennes, comme la ville de Paris, prennent très au sérieux ce problème et mènent une politique assez forte envers la réduction de la pollution.

La pollution atmosphérique est un problème qui ne se limite généralement pas à une ville ou une région, les émissions pouvant concerner les régions voire les pays voisins. Son impact sur les économies, lié au coût des problèmes de santé est réel et commence à être mesuré. 
 

Incertitudes majeures


Quel équilibre entre deux tendances lourdes : les « smart cities intégrées » et le mouvement participatif citoyen ? (cf. Frédéric Weill)

Avec le développement de nos ressources technologiques, en particulier la collecte et l’analyse de toujours plus de données par le Big Data, une tendance lourde se dégage qui laisse apparaître un nouveau modèle de ville intelligente. L’analyse en masse des données permettrait d’assister les organes décideurs dans leur prise de décision, dans un but d’optimisation des flux et des consommations. Le pilotage des villes serait alors davantage la responsabilité des individus développant et maîtrisant ces technologies.

Mais ce développement technologique accompagne aussi le mouvement d’un autre phénomène émergent : une gestion plus citoyenne de la ville. Elle donne la possibilité aux citoyens de s’investir davantage dans la vie politique de la ville, comme nous en donnent l’exemple les villes de Nantes et de San Francisco.

Les deux options visent à transformer positivement les villes en un lieu plus sûr et plus durable, mais la façon dont elles vont s’équilibrer dans le processus décisionnel des villes reste encore incertaine. La répartition dans la prise de décisions entre les pouvoirs publics, les opérateurs et les citoyens sera déterminante dans le mode de gouvernance de nos villes à l’avenir. 

Un autre point d’attention est le risque que représente le développement des Smart Cities pour le fossé déjà existant entre les grandes métropoles et les villes plus modestes.
 

Implication des citoyens dans la gestion urbaine

Modalité d’implication des citoyens, la démocratie participative vise à combler les lacunes de la démocratie représentative. Différents outils et méthodes permettent de mettre en œuvre des démarches de démocratie participative : organisation de consultations ; mise en place de concertations ; mécanismes de coélaboration ; budgets participatifs…

Ces derniers, inspirés du modèle développé à Porto Alegre au Brésil en 1989, permettent aux citoyens de disposer d’une partie du budget municipal, pour proposer et financer des projets utiles à tous. Des villes comme Rennes, Grenoble ou Paris ont mis en place des mécanismes de budget participatif avancé, permettant aux résidents de soumettre au vote des projets dont ils sont à l’initiative, portant sur une grande diversité de sujets : aménagements urbains, dispositifs solidaires, espaces culturels et d’activités…

Les outils numériques sont porteurs de nombreuses solutions pour faciliter l’implication des citoyens. Des associations telles que Démocratie ouverte ou Kawaa proposent des outils pour construire des débats et faciliter les concertations.

La démocratie participative interroge cependant dans sa capacité à mobiliser l’ensemble des citoyens. Investie par les personnes les plus aisées, elle souffre également de demeurer liée à la volonté des élus de les mettre en place. Des efforts restent encore à accomplir pour assurer une concertation continue, avec un droit d’initiative partagé. Des expérimentations telles que les Tables de quartier cherchent à pallier ces difficultés, en ouvrant des espaces pour permettre aux citoyens de s’exprimer à partir de leur vécu.

En Italie, la ville de Bologne et le Laboratoire des subsidiarités (LabSus) ont proposé en 2014 un règlement pour l’administration partagée, promouvant la gestion conjointe de biens communs désignés par les élus et les citoyens (cf. Tribune Fonda N°232).
 

Émergences


 Le développement des éco-quartiers

En France, les éco-quartiers ont été initiés en 2008 et ont fait l’objet d’un label spécifique en 2012. De 2009 à 2016, 51 éco-quartiers ont obtenu le label, régi par une Charte fondée sur une série de vingt engagements (données ministère de la Cohésion des territoires). Ces éco-quartiers, en rupture avec les visions du développement urbain qui ont conduit au phénomène de périurbanisation, coûteux en ressources et générateur de nombreux déplacements, s’efforcent de promouvoir une vision durable de la ville. 

Les éco-quartiers combinent ainsi des objectifs environnementaux, en intégrant les préoccupations liées à la place de la nature en ville, en faisant le choix de matériaux durables, en reliant les espaces par des mobilités adaptées, préoccupations sociales, en veillant à conserver une mixité sociale et fonctionnelle et en assurant la participation des habitants. Terrains d’innovation, ces éco-quartiers sont encore peu nombreux et suscitent des interrogations sur leur capacité à s’intégrer à la ville dans son ensemble - et plus encore à étendre leur modèle au-delà de leurs limites - et à accueillir une population variée. 
 

 Un retour des bidonvilles/abris précaires

Dans un contexte de pression démographique croissante, où la situation du logement en ville est un problème majeur, l’arrivée récente d’un nombre important de migrants et réfugiés ajoute une pression supplémentaire sur les villes. Ce mouvement s’est accompagné du développement de camps et abris précaires dans ou en bordure des villes, augmentant alors les inquiétudes sur les conditions de vie et la sécurité dans les villes.
 

 Une aspiration croissante à l’amélioration de la sécurité dans les villes

Le développement rapide des villes et de leur périphérie amène aussi une pression sur les habitants. Dans un tel contexte, les citoyens expriment de plus en plus d’inquiétude concernant la sécurité dans les villes. Ainsi, les villes prennent ce problème au sérieux et engagent de plus en plus de fonds dans la sécurité, pour répondre à la demande de leurs habitants.
 

→ Découvrez des projets en coopération qui répondent à cet ODD.

 


Ressources

_ Fondation Abbé Pierre, « 23e rapport sur l’état du mal logement en France ».

_ « Quelle intelligence pour quelle ville ? », Futuribles international, 2015.

_ Frédéric Weill, « Les smart cities, vers une gestion intelligente des écosystèmes territoriaux », Rapport Vigie 2016, Futuribles International.

_ Cécile Désaunay, « Évolutions contrastées de la qualité de l’air selon les pays et les villes », Rapport Vigie 2016, Futuribles international

_ Site du C40 Cities Climate Leadership Group : www.c40.org

_ Ministère de la Cohésion des territoires, « Les éco-quartiers » (version 9 décembre 2016) 

_ « Mairie : les budgets participatifs séduisent de plus en plus les Français », Le Monde, 27/02/18.

_ « Démocratie contributive : une renaissance citoyenne », La Tribune Fonda, 232, 2012.

  • 1Descriptif de l’ODD n°11 par l'ONU
Outils et ressources utiles
Note d'éclairage