Prospective Enjeux sociétaux

Fiche ODD n°4 - Une éducation de qualité

Tribune Fonda N°237 - Faire des ODD un projet de société - Mars 2018
Aleth Vennin
Aleth Vennin
Présentation et approche prospective de l'Objectif de développement durable n°4. Cette fiche est publiée dans le supplément au numéro 237 de la Tribune Fonda « Faire des ODD un projet de société ».
Fiche ODD n°4 - Une éducation de qualité

Cette fiche a été réalisée par Aleth Vennin, étudiante en master Politiques publiques à Sciences Po, avec le concours de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles International, et Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda.


Cet objectif vise à assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et à promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. L’éducation est présentée par l’ONU comme la clé de voûte de la réalisation des autres objectifs de développement durable : elle permet de sortir de la pauvreté, de réduire les inégalités et d’instaurer un climat de paix et de tolérance dans chaque société.
 

Repères


SITUATION DE l'ODD EN FRANCE

Indicateurs à suivre 

  • Taux d'accès annuel à la formation des 18-64 ans, par sexe (Insee)

  • Enquêtes PISA : proportion de jeunes de 15 ans ayant acquis les compétences nécessaires en lecture et mathématiques

  • Taux de réussite au baccalauréat (Éducation nationale)

  • Nombre d’élèves sortant du système scolaire sans aucun diplôme (Éducation nationale)

  • Nombre de projets d'éducation au développement durable dans les écoles, collèges et lycées (Insee)


Où en sommes-nous en France ?

 Le système éducatif en France est globalement de bonne qualité : le taux de scolarisation des moins de 16 ans est de quasiment 100 % (96,5 % selon l’Insee), l’école maternelle est bien structurée, et les élèves ont du plaisir à apprendre (Charbonnier, 2013). 

Cependant, les résultats de l’enquête PISA, réalisée par l’OCDE, soulignent les inégalités présentes dans ce système.  La différence de résultats entre les élèves de 15 ans les plus défavorisés (quartile inférieur de l’indice du milieu socio-économique) et les plus favorisés (quartile supérieur de l’indice du milieu socioéconomique) est particulièrement marquée en France, pays de l’OCDE où le déterminisme social est le plus fort (OCDE, 2012). Cependant, l’enquête PISA ne fait pas l’unanimité, les critiques lui reprochant de se fonder sur une conception trop utilitariste de l’éducation, et d’évaluer uniquement les compétences les plus aisément mesurables.

Sur la période 2009-2013, le ratio des écarts concernant le taux d’achèvement du collège est de 0,84 (une égalité parfaite correspond à un ratio de 1). La  loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (2013) fixe l’objectif de ramener à moins de 10 % l’écart de réussite scolaire entre les élèves de l’éducation prioritaire et les autres élèves de France.

 En France, les élèves de 15 ans des milieux les plus défavorisés sont surreprésentés dans les filières professionnelles.

 En 2015, 88,6 % de jeunes réussissent leurs études secondaires - CAP, BEP, Bac, etc. (Éducation nationale).

 En 2013, 660 000 étudiants, soit 35 % d'entre eux, bénéficient d’une bourse dans une formation y ouvrant droit (Ministère de l’Éducation nationale, 2015).

 Chaque année, 100 000 jeunes décrochent du système scolaire sans diplôme (ministère de l’Éducation nationale). Les personnes n’ayant aucun diplôme ont particulièrement du mal à s’insérer sur le marché de l’emploi, à accéder à la formation continue, et sont le plus touchées par la précarité.

 17 millions de personnes bénéficient d’une formation continue chaque année (Fédération de la formation professionnelle). 

 La dépense nationale pour la formation continue et l’apprentissage est de 31,4 milliards d’euros en 2013. Ce chiffre est stable depuis une petite dizaine d’années. 


Prospective exploratoire


Tendances lourdes

 Les études comparatives (cf. Alain Michel)

Ces dernières années, les enquêtes internationales comparatives et leurs recommandations pour les politiques nationales éducatives ont connu une influence grandissante. Depuis 1990, avec son rapport annuel « Regards sur l’éducation », l’OCDE publie des indicateurs internationaux comparatifs.  

Cette internationalisation des normes éducatives, conséquence de l’impact des classements internationaux tels que le classement de Shanghai, est de plus en plus critiquée. 

 Internationalisation de l’enseignement supérieur (cf. Lorène Prigent) 

Les établissements d’enseignement supérieur connaissent un mouvement d’ouverture, l’internationalisation étant devenue un critère d’attractivité et de modernité. Les universités se rassemblent selon une logique de compétitivité : en témoigne la création de Communautés d’universités et d’établissements (ComUE) en France telles que Paris Saclay ou Paris Sciences et Lettres.  

Ce mouvement, combiné à l’influence des classements internationaux, présente le risque d’un alignement de l’offre scolaire mondiale derrière celle des pays riches (Baudelot). En effet, en comparant avec une échelle unique l’ensemble des pays, les classements tels que PISA offre un modèle unique et ne permettent pas de prendre en compte des critères plus qualitatifs de l’enseignement. 

 L’investissement croissant des familles dans l’éducation (cf. Bernard Hugonnier)

L’éducation est perçue en France comme le meilleur rempart contre les aléas du marché du travail (chômage, précarisation). Ainsi, les familles investissent de plus en plus dans l’éducation des enfants, en les plaçant dans les établissements privés (17 % des effectifs par an), ou en faisant appel à des organismes privés de soutien scolaire (les dépenses privées d’éducation dans les pays de l’OCDE se sont accrues de 45 % entre 2000 et 2011).

 La perte de confiance dans l’école républicaine 

La population française souffre d’un manque de confiance dans la capacité de l’école à assurer l’égalité des chances : 69 % des Français estiment que l’Éducation nationale ne garantit plus cette égalité et 55 % pensent que l’école joue de moins en moins un rôle de promotion sociale (IFOP, 2014). 

 Une formation professionnelle continue inégalitaire

Les parcours professionnels sont de moins en moins linéaires. Par conséquent, la formation continue professionnelle devient indispensable pour préparer les individus à des changements d’emplois et à s’adapter à de nouveaux environnements professionnels. Cependant, des inégalités d’accès à cette formation continue existent.

Les personnes occupant un emploi ont plus souvent accès à une formation que les chômeurs : en 2012, entre 25 et 54 ans, 60 % des personnes en emploi ont participé à au moins une formation au cours des douze mois précédant l’enquête de l’Insee, contre 40 % des chômeurs. En 2012, 68 % des cadres supérieurs et 61  % des professions intermédiaires ont eu accès à la formation professionnelle continue, contre 37 % des ouvriers et 43 % des employés (Insee). 

Ainsi, la formation professionnelle continue profite en premier lieu aux personnes qui en ont le moins besoin, car elles sont déjà bien intégrées sur le marché du travail. La
formation professionnelle est ainsi davantage utilisée pour adapter au changement et renouveler les compétences des salariés les plus diplômés, que pour constituer une deuxième chance pour les salariés les moins qualifiés. 

Le financement de la formation professionnelle continue est principalement assuré par les employeurs : en 2012, 43 % des formations étaient financées par les entreprises, contre 14 % de l’État et 14 % des régions (Insee). Ainsi, les salariés bénéficient plus facilement de formations que les non-salariés (51 % contre 33 % en 2012).

De plus, la méconnaissance de l’existence des dispositifs comme le Compte personnel de formation (CPF) parmi les personnes éloignées du marché du travail, explique les inégalités de taux d’accès à la formation continue. 

 Développement de nouvelles formes de coéducation (cf. Lorène Prigent)

On observe depuis les années 2000 une ouverture de l’école française vers les parents, les territoires, et les professionnels de la santé. L’effet de ce mouvement est controversé, car il pousse à dévaluer le rôle de l’enseignant. En résultent un malaise et une perte de confiance des enseignants au sein de l’Éducation nationale.
 

Émergences

La transformation des pratiques d’apprentissage

L’entrée du numérique dans le champ de l’éducation modifie profondément les apprentissages. Le phénomène de classe inversée permet aux élèves d’acquérir les savoirs fondamentaux chez eux, tandis que la classe est réservée à des accompagnements plus personnalisés, ou à des travaux pratiques.
L’éducation en ligne illustrée notamment par les Mooc, bouleverse l’enseignement supérieur, les universités et écoles supérieures adaptant leur formation au numérique. Cependant, les Mooc ou le e-learning ont un taux de décrochage très élevé, car très peu de personnes suivent ces formations jusqu’au bout. 

Afin d’accompagner la transition vers une société du savoir, de nouvelles formes de pédagogie émergent. Le rapport « Vers une société apprenante » de Taddéi, Houzel et Beccheti-Bizot indique « Dans une société apprenante, chaque individu doit pouvoir à son niveau construire et partager ses connaissances et ses découvertes avec les autres, documenter ses apprentissages, disposer des ressources, des lieux et des accompagnements nécessaires pour progresser mais aussi pour permettre à d’autres de s’en inspirer et d’améliorer leurs pratiques. » 
 
Ces dernières années, la pédagogie vise ainsi à donner à  l’apprenant un rôle de plus en plus actif dans son apprentissage. En particulier, des méthodes participatives et des parcours apprenants ont pour but de permettre le développement personnel et professionnel à tout âge.

Les outils numériques constituent des leviers potentiels d’universalisation de l’accès au savoir, à condition d’en connaître les logiques et enjeux sous-jacents. Ils permettent la personnalisation et l’autonomie des apprenants, ainsi que de collecter des données pour améliorer la qualité des apprentissages. Les nouvelles technologies bouleversent l’accès et les lieux de transmission de savoir. 

Ainsi, l’émergence de réseaux sociaux d’échange de savoirs et de communautés professionnelles apprenantes remettent en question la relation entre élève et professeur, soulevant l’enjeu de réappropriation par les enseignants des nouvelles méthodes pédagogiques. 

De même, l’apport des sciences cognitives et les avancées scientifiques promettent des bouleversements de la pédagogie. En témoigne le nouveau conseil scientifique que le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a créé. Ce conseil, composé de personnalités venant de disciplines différentes, a pour but d'éclairer les décisions politiques à la lumière des apports scientifiques. 


Incertitudes majeures

Le déclin du niveau des mathématiques

Selon la dernière enquête PISA datant de 2015, la proportion des élèves ayant atteint le niveau minimum de compétences en mathématiques en France baisse légèrement ces dernières années. Cette tendance constitue un frein à l’atteinte de l’objectif de 100 % des élèves ayant accès à une éducation de qualité en 2030.

→ Découvrez des projets en coopération qui répondent à cet ODD.

 

 


Ressources

_ Catherine Becchetti-Bizot, Guillaume Houzel et François Taddei, « Vers une société apprenante. Rapport sur la recherche et développement de l'éducation tout au long de la vie », 2017. 

_ Page internet de la Direction de l'évaluation de la prospective et de la performance (DEPP) sur le site www.education.gouv.fr

_ Alain Michel, « L’influence croissante des études comparatives », Rapport Vigie 2016, Futuribles International, 2016, p.132. 

_ Bernard Hugonnier, « Investissement croissant des familles dans l’éducation », Rapport Vigie 2016, Futuribles International, 2016, p. 139. 

_ Lorène Prigent, « Internationalisation de l’enseignement supérieur et des établissements », Rapport Vigie 2016, Futuribles International, 2016, p.133. 

_ Lorène Prigent, « Développement de nouvelles formes de coéducation : un défi pour les enseignants » Rapport Vigie 2016, Futuribles International, 2016, p. 131.

_ Christian Baudelot, « Vers une mondialisation de l'éducation », Sciences Humaines, « Les grands enjeux du monde contemporain », mars-avril 2017.

_ Sébastien Gossiaux, Patrick Pommier, « La formation des adultes : un accès plus fréquent pour les jeunes, les salariés des grandes entreprises et les plus diplômés », Insee Première, N° 1468 - Octobre 2013.

 

Outils et ressources utiles
Note d'éclairage