Tout au long de l’ouvrage, les regards et les questions se croisent pour nous faire vivre un parcours original. Nous découvrons une méthode qui s’invente, fruit d’expériences différentes, d’interrogations mutuelles, de confrontations à des réalités aux multiples facettes, de mises en œuvre concrètes sur plusieurs territoires. C’est aussi un travail réflexif sur la démarche pour en extraire des enseignements.
Une nouvelle vision du volontariat
La mission était ambitieuse. Elle se situe dans une époque bousculée par des mouvements importants, un monde et des situations locales qui évoluent rapidement et une conception du volontariat qui se diversifie. Il s’agissait donc de renouveler l’approche du volontariat avec une visée de professionnalisation pour répondre à des projets à présent co-construits avec les acteurs locaux. Ces derniers exigeant un réel transfert de compétences.
La démarche prospective a permis d’affirmer les orientations de ces « jardiniers du monde » que l’on peut résumer autour de quatre valeurs : « Solidarité, Citoyenneté, Mobilité, Hospitalité ». Elles se déclinent dans des principes d’action. Si l’enjeu est de produire une activité à la hauteur de la situation et utile socialement dans un espace de mobilité, il exige néanmoins de l’humilité, car elle ne pourra jamais tout résoudre du désordre du monde. Elle requiert de penser l’aide dans une relation à l’autre en acceptant les effets diffus. Ainsi, pour atteindre cet objectif, deux conditions sont à réunir : la reconnaissance des institutions (d’envoi et d’accueil) et la construction par le volontaire de son parcours de professionnalisation, individuel et citoyen, à travers de multiples rencontres.
Application et bénéfices
Ce récit nous fait découvrir l’animation d’une équipe-projet et les fruits de nombreux groupes de travail, de séminaires et de colloques au centre de Cerisy. Des activités qui ont favorisé le croisement de connaissances des nouvelles mobilités par leur nature et leurs espaces différents. Le fil directeur de la démarche puise son inspiration dans la « Prospective du présent » popularisée par Jean-Paul Bailly lors d’un débat au CESE. Elle vise tout à la fois à stimuler l’intelligence collective des situations, à réaliser le diagnostic d’une société locale avec ses mouvements, ses tensions locales et globales, à construire un questionnement prospectif, à examiner ce qui marche, à imaginer des avenirs souhaitables et à les confronter au réel.
L’ensemble des informations sont progressivement organisées d’une manière ascendante. La démarche favorise l’élargissement du débat, l’émergence d’acteurs collectifs entre les volontaires et parmi les bénéficiaires, ainsi que la recherche d’une articulation des différentes initiatives dans le cadre d’une stratégie qui intègre les dimensions économiques, politiques, sociales et culturelles.
Ce livre nous incite à observer la lente maturation des idées par la confrontation des expériences, la transformation des pratiques, la modification du regard des institutions et des contractualisations. La mesure de l’impact de l’engagement est à examiner en intégrant les articulations des différentes actions menées et le travail de préparation de la mission, son accompagnement et son suivi, ainsi que les découvertes faites par le volontaire. C’est le résultat d’interactions multiples qu’il faut appréhender et expliciter en acceptant que tout ne soit pas perceptible spontanément.
La démarche initiée montre également, et ce n’est pas un mince apport, que le volontariat peut être ouvert à tous et non réservé qu’aux jeunes formés. Mais, il réclame pour cela que les acquis de la professionnalisation soient reconnus et facilités par les institutions.
Édith Heurgon et Alain Raymond, Tous volontaires au monde, jardiniers du bien commun – Solidarité, citoyenneté, mobilité, hospitalité – Une prospective du présent à deux voix, éditions Hermann, septembre 2019, 288 pages.
— Les auteurs
Édith Heurgon, docteur en mathématiques appliquées, dirige depuis plusieurs décennies le Centre culturel international de Cerisy. Parallèlement, elle est conseillère en prospective du présent pour divers organismes parmi lesquels la plateforme France Volontaires.
Alain Raymond est ingénieur en agro-développement international (ISTOM-Angers), a diverses expériences de volontariat en Afrique et en Haïti avec les Volontaires du progrès, est fondateur et dirigeant des Ateliers de coopération (ACID), vacataire d’enseignement à l’Université Bordeaux Montaigne, ainsi que délégué à la prospective et à l’innovation chez France Volontaires.