Prospective Enjeux sociétaux

Faire ensemble 2030, entre urgence et prospective

Tribune Fonda N°237 - Faire des ODD un projet de société - Mars 2018
Yannick Blanc
Yannick Blanc
Éditorial de la Tribune Fonda n°237 « Faire des ODD un projet de société ».
Faire ensemble 2030, entre urgence et prospective


En intitulant notre nouveau cycle de prospective Faire ensemble 2030, nous nous situons d’abord dans la continuité du précédent : il s’agit d’éclairer les acteurs de la société civile, de décrypter les multiples mutations à l’oeuvre dans la société pour identifier les leviers d’action. 

La démarche prospective lancée en 2011 a été reprise par de nombreux réseaux associatifs. Elle leur a permis par exemple de situer les mutations du bénévolat dans le contexte de la reconfiguration des rapports entre l’individu et le collectif et de l’émergence d’une société de l’engagement. Ces travaux ne sont pas terminés. Nous publierons cette année les résultats d’une  enquête sur le bénévolat menée auprès d’un échantillon de 5000 personnes, exercice qui n’avait pas été mené depuis 2002. L’étude sur l’ESS et la création de valeur que nous conduisons avec l’Avise et le Labo de l’ESS, qui est la suite des réflexions que nous avons animées sur le modèle économique des associations, va nous permettre d’expérimenter une approche novatrice de la  mesure de l’impact social sur plusieurs années. Nous pouvons relire aujourd’hui sans rougir les quatre scénarios d’évolution du fait associatif que nous avions élaborés en 2011.

Mais scénariser n’est pas prévoir et il s’est produit pendant cette période une série de ruptures et d’accélérations qui doivent nous amener à rebattre les cartes et à remettre en jeu une vision de l’avenir immédiat et lointain. Je n’en citerai que trois qui donnent la mesure des défis que nous avons devant nous.

La première est l’effondrement des systèmes politiques qui ont structuré la vie des grandes démocraties depuis un demi-siècle. Le Brexit, l’élection de Trump, la montée des régimes autoritaires et des partis d’extrême-droite en Europe nous obligent à engager de nouveaux combats pour les valeurs démocratiques et les libertés fondamentales. Nous qui répétons volontiers qu’il n’y a pas de vitalité démocratique sans vitalité associative sommes maintenant au pied du mur. Les questions posées par l’engagement, la citoyenneté, le pouvoir d’agir sont devenues les questions centrales de la société démocratique et les réponses sont entre nos mains.

La deuxième est la fin de l’ère néo-libérale. Lorsque le Boston Consulting Group tourne le dos au Total Shareholder Return (tout pour l’actionnaire) et proclame l’avènement du Total Societal Impact, lorsque le PDG du premier fonds d’investissement mondial, Blackrock, annonce qu’il ne financera plus les entreprises qui ne mettront pas la RSE au centre de leur stratégie, cela signifie que le capitalisme se cherche un nouveau régime. Prière aux acteurs les plus militants de la société civile de ne pas être en retard d’une guerre.

La troisième, de très loin la plus importante parce qu’elle conditionne la possibilité même d’un futur, c’est l’urgence écologique. L’accélération du réchauffement climatique est désormais visible et la sixième grande extinction des espèces inéluctable. La transition énergétique a commencé. Pourtant, ce n’est pas le pétrole qui va nous manquer, mais les terres rares indispensables aux technologies numériques. La Cop 21 a beau avoir été un succès diplomatique, ses effets sont décevants. Cela prouve que nous avons besoin, pour être à la hauteur des enjeux écologiques, d’un renouvellement profond des outils et des règles de l’action collective.

C’est dans ce contexte que nous avons décidé de placer notre nouveau cycle de prospective sous le signe des Objectifs du développement durable, adoptés par les Nations unies en septembre 2015. La démarche des ODD rejoint en effet notre propre pratique de la prospective : elle fixe un horizon à quinze ans, qui permet de se projeter dans un avenir imaginable, mais elle s’enracine dans l’action immédiate et quotidienne. Elle ne poursuit pas le fantasme malsain d’une gouvernance mondiale mais organise un système de repères pour que les stratégies d’acteurs indépendants les uns des autres contribuent à une utilité écologique et sociale planétaire. Elle n’a de sens que si elle permet d’éclairer toutes les catégories et toutes les formes de l’action collective. Elle permet à ceux qui agissent localement de donner un sens global à leur action.

En nous alliant avec le Mouvement associatif et le Comité 21, en nous appuyant sur l’expertise de nos amis de Futuribles International, nous faisons le pari de mobiliser la société civile française pour les ODD. C’est une belle ambition pour ce premier numéro de la nouvelle formule de la Tribune Fonda.

 

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