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Extension du domaine de l’engagement

Lors du renouvellement du projet stratégique de la Fonda en 2022, nous nous sommes interrogés sur l’extension du champ sémantique de l’engagement, bien au-delà de celui de l’engagement bénévole associatif que la Fonda arpente depuis plus de quarante ans. Désormais, l’engagement est invoqué fréquemment dans le langage des institutions, des entreprises ou même des marques. 

Certains ont pu dénoncer ce phénomène de dilution, estimant que ce mot passe-partout ne voulait plus rien dire. « Je suis de ceux qui pensent au contraire que lorsqu’un mot est sur toutes les lèvres, ceux qui le prononcent croient y trouver un sens ou sont à la recherche d’un sens », explique Yannick Blanc.

Transition institutionnelle en cours

 Cette extension du domaine de l’engagement intervient dans le contexte de ce que nous avons appelé la transition institutionnelle. Les institutions du savoir, du pouvoir et de la foi qui ont structuré notre société et encodé le lien social depuis des siècles, sont entrées dans une phase de déclin. 

L’ère de la « post-vérité »1 , la contestation des savoirs scientifiques, la défiance à l’égard des institutions témoignent chacune à leur manière de ce déclin. C’est dans ce contexte que la Fonda observe dans la société la recherche, souvent confuse, de quelque chose pour remplacer cet héritage institutionnel ancien. Notre hypothèse est que l’extension du domaine de l’engagement est peut-être ce qui, après sa désinstitution, pourrait permettre la réinstitution du lien social. 

Mais quel chemin va prendre cette transition institutionnelle ? Quels effets aura-t-elle sur la distribution du pouvoir et des conflits ? Quelles menaces et opportunités pour les acteurs et les organisations de la société civile ? Sommes-nous devant un boulevard, une impasse ou un chemin de crête ? 

Comprendre le présent de la société de l’engagement

C’est pour répondre à ces interrogations que nous avons lancé fin 2022 une démarche de prospective, intitulée « Vers une société de l’engagement ? ». Sa première séquence « Comprendre le présent » a consisté à construire la base prospective en faisant un état de la littérature et en croisant les regards. 

Plus d’une centaine de partenaires et bénévoles ont pris part à cette communauté apprenante. Ils ont contribué, selon des intensités variées, aux différents espaces de travail animés en intelligence collective par la Fonda : 18 séances de club de lecture, l’audition de 67 experts et chercheurs, quatre journées d’étude, trois groupes de travail, neuf réunions du groupe de pilotage et un séminaire. 

Ces travaux nous ont permis d’identifier cinq transformations irréversibles : 

1. Fin d’une certaine abondance, conjuguée au dérèglement climatique et à l’effondrement du vivant ; 
2. Société vieillissante ; 
3. Société apprenante ; 
4. Marchandisation de la connaissance ; 
5. Impuissance démocratique et polarisation de la société. 

Et neuf questions essentielles pour l’avenir de la société de l’engagement : 

1. Marchandisation et instrumentalisation de l’engagement ; 
2. Écologie, la grande cause des engagements ; 
3. Polarisation ou coopération des engagements ; 
4. L’engagement, cause ou remède à la fragmentation ; 
5. L’engagement comme vecteur d’émancipation ; 
6. L’engagement, du local au global ; 
7. Liberté ou obligation de s’engager ; 
8. Les engagements en réponse aux besoins sociaux ; 
9. L’engagement, matrice de la démocratie. 

Explorer les futurs possibles

Sur cette base, et avec l’aide de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles International, nous avons élaboré quatre scénarios contrastés et schématiques à l’horizon 2040. Pour cette Université, ils nous permettent de formuler collectivement « ce qui compte », de construire une vision partagée des valeurs et des enjeux auxquels nous sommes attachés. Autrement dit, il s’agit d’identifier les opportunités et les menaces de chaque scénario, et de formuler les priorités stratégiques. 

Pour nous permettre d’imaginer un futur souhaitable, la réaffirmation des priorités devra également conduire à identifier les marges de manœuvre dont nous disposons, acteurs et organisations de la société civile : où sont les leviers ? Quels verrous faire sauter ? Quels acteurs impliquer ? À quelles conditions ? 

Cette Université de prospective a été l’occasion pour les participants de s’approprier les futurs possibles de la société de l’engagement, mais surtout de définir leur futur souhaitable et les chantiers stratégiques pour le voir advenir.

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Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti de la Fonda et relu par Yannick Blanc, Charlotte Debray et Anna Maheu. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.

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• 1Steve Tesich définit la « post-vérité » comme les « circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles ». Steve Tesich, « The Watergate Syndrome: A government of lies », The Nation, 6 janvier 1992.