La Tribune Fonda n°222 est consacrée à la transition économique de la société, aux espoirs autant qu'aux controverses qu'elle suscite.
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Compétitif / collaboratif
Depuis le lancement de Faire ensemble 2020, nous n'avons cessé de dire que ce que nous appelions la crise était en réalité une grande transition économique, mais aussi écologique, technologique et sociétale. Cette idée fait aujourd'hui assez largement consensus, mais en attendant, la crise est bien là, avec sa courbe du chômage en forme de droite ascendante, ses investissements au point mort et la pauvreté de masse qui s'installe.
Les effets de la crise autant que les comportements et les politiques mobilisés pour y faire face contribuent largement à ce que, dans notre tableau des tendances prospectives, nous appelons le courant de la fragmentation : accroissement des inégalités, démantèlement de l'État-providence, comportements défensifs, solidarités communautaires. L'attitude prospective consiste à dire qu'il est moins utile d'appeler à la résistance contre ces tendances, parfois mortifères, que de faire levier sur les tendances de la fluidité et de l'empathie, en un mot de surfer sur la transition pour aller vers le futur souhaitable.
Cette livraison de la Tribune Fonda est consacrée à la dimension économique de la transition, aux espoirs autant qu'aux controverses qu'elle suscite. Côté espoir, l'adoption de la loi sur l'ESS pose un nouveau cadre d'action mais elle ne remplacera pas l'action. À peine avons-nous acquis la reconnaissance, la clarification des critères de l'utilité sociale, la définition ou la légitimation des outils, que nous devons nous poser à nouveaux frais la question stratégique que je crois pouvoir formuler ainsi : l'ESS transformera-t-elle l'économie de marché de l'intérieur ou par l'extérieur ? Doit-elle favoriser un développement autonome au nom de ses valeurs et de l'intégrité de son modèle ou au contraire contaminer toute l'économie pour favoriser l'éclosion de nouvelles formes d'entreprises hybrides ?
La réponse est d'autant moins évidente qu'elle ne dépend pas des seuls acteurs patentés de l'ESS et des institutions créées par la loi pour faire vivre le « label », mais que l'on voit émerger toutes sortes d'entrepreneurs innovants et d'innovations dans les entreprises, qui se réclament de l'esprit de l'ESS, de son humanisme et de sa lucidité écologique.
Est-ce faire preuve de cynisme ou d'empathie que d'élaborer des produits bancaires ou d'imaginer des activités économiques pour les pauvres, est-ce installer la pauvreté dans le paysage ou fournir aux pauvres les moyens de leur émancipation par l'accès au marché ?
Il n'est cependant pas sûr que l'économie de marché sorte elle-même indemne de la transition : l'économie circulaire, l'économie du partage, l'économie de la fonctionnalité, l'open innovation sont autant de modèles émergents dans lesquels la chaîne de valeur se construit, non sur la concurrence entre les agents économiques, mais sur leur capacité à coopérer. C'est, si l'on veut bien me passer le néologisme, dans la collaborativité que l'on cherche désormais le ressort de la compétitivité. Après nous avoir trop longtemps seriné, notamment à Bruxelles, que les associations étaient des entreprises comme les autres, on commence donc à s'aviser que les entreprises auraient tout à gagner à se considérer comme des associations...
Au cœur de ces incertitudes, le rôle de la Fonda n'est pas de bâtir ou de défendre une doctrine mais, faut-il le redire, d'éclairer les choix stratégiques des associations, y compris en faisant vivre les controverses nécessaires. C'est ce que nous proposons au lecteur dans ce numéro de la Tribune Fonda.