Les tendances lourdes sont des phénomènes inévitables, qui structurent nos sociétés. Les signaux faibles sont des phénomènes émergents, qui peuvent se généraliser et/ou introduire des changements profonds dans nos sociétés.
Ces éléments avaient été communiqués aux participants de l'atelier d'écriture1
animé par Éva Almassy, lors de l'université de prospective « Faire ensemble 2020 » organisée par la Fonda les 7 et 8 avril 2016.
Tendances lourdes
► Le vieillissement démographique : l’accroissement inéluctable du nombre et de la proportion dans la population totale des classes d’âges les plus âgées. Cette tendance résulte de la baisse de la fécondité et de l’allongement de l’espérance de vie observées dans le passé, et de la pyramide d’âge de la population actuelle de la France. Demeurent cependant des incertitudes sur la fécondité, la mortalité et les migrations futures.
► La transformation de la structure familiale : baisse des mariages, augmentation des divorces, essor de nouvelles formes d’union (concubinage, Pacs, etc.), précarité desdites unions, fréquences des recompositions familiales. L’allongement de l’espérance de vie coïncide avec l’existence de familles à trois et même à quatre étages, sinon davantage.
► La transformation des parcours d’activité et hybridation des statuts d’activité, entraînant le brouillage de l’opposition traditionnelle entre activité et inactivité. Elle est particulièrement sensible chez les 55-75 ans, chez qui l’on observe un pic de l’engagement bénévole. On assiste à un effacement relatif de la notion de « passage à la retraite », la sortie du marché de l’emploi se faisant plus progressive. En outre, les marqueurs signalant le passage à la vie adulte (accès au logement, insertion professionnelle, fondation d’un foyer) sont atteints à un âge plus tardif.
► La crise du système de protection sociale : elle résulte de la fin du plein emploi, impliquant un déséquilibre croissant entre le nombre d’actifs occupés et cotisants et celui des allocataires, et entre les ressources, essentiellement fondées sur le rendement des cotisations sociales, et les dépenses, essentiellement composées des dépenses de santé et de retraite.
► La décentralisation et la montée en puissance des collectivités locales, singulièrement du département dans le domaine des politiques d’aide et d’actions sociale.
► La résurgence de phénomènes de pauvreté et de précarité, qui résulte de la moindre croissance économique, de l’augmentation du chômage et du sous-emploi, et a pour effet l’essor des politiques d’aides et d’actions sociales, et notamment de dispositifs tels que le RSA.
► L’essor des technologies numériques et de leurs nombreuses applications : développement de l’automatisation, de la robotisation, informatisation de la société, essor d’Internet et des réseaux sociaux, redistribution des tâches entre le marchand et le non marchand, désynchronisations des temps et des lieux de vie. La massification de la collecte des données individuelles et leur traitement automatisé au moyen d’algorithmes s’accompagne de la montée en puissance des plateformes d’intermédiation entre offreurs et demandeurs de services.
► La crise des institutions politiques au niveau mondial, européen et national : le discrédit des élites dirigeantes se traduit par l’essor, singulièrement en France, d’une « société de défiance », et par la montée des populismes et des extrémismes.
► La crise des corps intermédiaires, singulièrement des syndicats de salariés et d’employeurs.
► L’essor de nouvelles formes d’engagement : le numérique transforme profondément les manières de militer, communiquer, collecter des fonds. Les pétitions en ligne, les lanceurs d’alerte, la militance sur les réseaux sociaux, le crowdfunding en sont des manifestations tangibles. Se développent également de nouvelles solidarités de proximité. L’engagement est vécu comme un temps où l’on peut être utile, contribuer à un projet d’intérêt général, tout en en retirant un bénéfice personnel : des rencontres, de nouvelles compétences...
Signaux faibles
► Essor de l’autoproduction : les consommateurs participent à la conception et à la fabrication des biens, notamment dans l’alimentation, le bricolage ou la préparation des produits d’entretien. L’imprimante 3D pourrait renforcer cette tendance, et permettre le développement de micro-usines fonctionnant en grande partie grâce à des particuliers.
► Désinstitutionnalisation de l’éducation et de la formation : avec l’informatisation des supports de savoirs (Wikipédia, développement des MOOC, etc.), l’institution scolaire et de formation perd le monopole de la transmission de la connaissance et n’est plus le seul lieu légitime du développement des compétences.
► Essor de nouveaux espaces de travail : à l’intérieur des organisations, se développent de nouveaux espaces d’échanges entre salariés, et de nouvelles méthodes
de management, collaboratives et ouvertes, mettent à profit l’expérience et les connaissances de chacun. Les « tiers lieux » de travail se multiplient, notamment investis par les travailleurs indépendants.
► Essor de l’exode urbain : dans les pays riches, les régions à forte densité connaissent un solde migratoire qui devient négatif. L’exode urbain, qu’il soit contraint par les prix de l’immobilier ou choisi pour développer de nouveaux modes de vie, alimente les zones périurbaines ou les petites villes.
► Développement des smart cities : le développement de l’infrastructure urbaine permet d’envisager l’espace urbain comme un métabolisme dont le fonctionnement pourrait être optimisé et piloté à partir d’objectifs de gouvernance démocratique et/ou de transition écologique.
- 1Les contraintes de rédaction étaient les suivantes : travailler sur le thème « Les associations en 2030 » et/ou « Être responsable associatif en 2030 » ; et prendre en considération dans le récit deux tendances lourdes et deux signaux faibles. Les cinq « Nouvelles du futur » produites lors de l'atelier sont à découvrir au sein de la revue papier La Tribune Fonda n°231 seulement.