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Hypothèses et principes d’action
L’Expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD) est un projet novateur, qui vise à apporter une nouvelle réponse au problème du chômage. Elle a été impulsée par le mouvement Agir tous pour la dignité (ATD) Quart Monde, rejoint par divers acteurs engagés dans la lutte contre les exclusions (Emmaüs France, le Secours Catholique, le Pacte Civique, la Fédération des acteurs de la solidarité, etc.).
Ce projet se donne pour mission de créer des emplois, et s’appuie pour cela sur trois hypothèses :
- Personne n’est inemployable, car toutes celles et tous ceux qui sont durablement privés d’emploi ont des savoir-faire et des compétences ;
- Ce n’est pas le travail qui manque, c’est l’emploi, puisque de nombreux besoins de la société ne sont pas satisfaits ;
- Ce n’est pas l’argent qui manque, puisque chaque année le chômage de longue durée entraîne de nombreuses dépenses et un manque à gagner que la collectivité prend à sa charge.
Une loi d’expérimentation votée à l’unanimité par le parlement le 29 février 2016 permet de déployer ces principes pendant cinq ans (2017 – 2021) sur 10 territoires1 .
Ces emplois sont créés au sein d’Entreprises dites à but d’emploi (EBE) qui ont pour objectifs de concevoir de nouvelles activités non concurrentielles et d’embaucher – sur la base du volontariat – des chômeurs de longue durée, domiciliés depuis au moins 6 mois sur le territoire concerné, en CDI, au Smic et à temps choisi, afin de réaliser des travaux utiles localement mais non réalisés à grande échelle car jugés peu rentables pour le marché classique. Le financement de ces EBE repose, en grande partie, sur la réaffectation de l’équivalent des coûts et des manques à gagner liés à la privation durable d’emploi.
Le projet d’ETCLD sur le quartier Saint-Jean à Villeurbanne
La candidature villeurbannaise à l’expérimentation nationale fut déposée le 25 octobre 2016. Depuis le 21 novembre 2016, le quartier Saint-Jean est inscrit comme l’un des 10 territoires de l’expérimentation nationale « Territoire zéro chômeur de longue durée » ou TZCLD. Le Comité local pour l’emploi (CLE) constitue l’instance responsable du pilotage de l'expérimentation. Il rassemble des personnes morales (institutions, entreprises locales, structures associatives, bailleurs sociaux, représentants des partenaires sociaux, …) et des personnes physiques (des demandeurs d’emploi, des personnes qualifiées, des habitants du quartier).
Le CLE de Villeurbanne-Saint-Jean s’appuie sur deux instances : le Forum du CLE regroupant l’ensemble des parties prenantes au moins une fois par an et le Bureau du CLE2 qui se charge du pilotage opérationnel lors de réunions environ tous les mois.
Pour atteindre les objectifs de l’expérimentation, deux autres structures ont été mises en place : il s’agit de l’entreprise à but d’emploi EmerJean qui recrute les Personnes privées durablement d’emploi (PPDE) et d’une association dénommée le Booster de Saint-Jean3 qui agit pour le compte du CLE par la double mission de recherche d’exhaustivité territoriale (via le dispositif dénommé Booster de talents) et de développement des activités (Booster d’activités) s’inscrivant dans le cadre de l'expérimentation.
L’évaluation locale : moyens et processus
Au-delà de l’évaluation nationale prévue par la loi n°2016-231, du 29 février 2016, et son décret d’application n°2016-1027 du 27 juillet 2016, les initiateurs villeurbannais du projet ont inscrit dès le dossier de candidature le principe d’une évaluation locale de la déclinaison spécifique du projet sur ce territoire.
Dans les conditions matérielles et financières prévalentes, la modalité d’une démarche d’évaluation exécutée par capitalisation des moyens entre les parties prenantes a été adoptée (mises à disposition partielles d’agents de la Ville de Villeurbanne, participation bénévole de personnes qualifiées) et en mobilisant des étudiants.
Le protocole d'évaluation a été validé en juin 2019. Il s’articule autour de 3 objectifs :
- D’une part, évaluer l’impact de l'expérimentation auprès des salariés de l’EBE, des personnes résidant à Saint-Jean antérieurement privées durablement d’emploi, volontaires pour rejoindre l’expérimentation. Il revient à ce volet d’analyser les effets de la reprise d’emploi sur les bénéficiaires directs de l'expérimentation en termes d'employabilité, de compétences générées, d'estime de soi, et de capacité d’agir.
- D’autre part, tenter de mesurer les impacts territoriaux engendrés sur le quartier de Saint-Jean (on parlera alors de « développement du quartier » ou de « développement local »), tant au regard des habitants et des familles que des entreprises et plus généralement des activités productives et de services qui y sont présents. Cette partie de l'évaluation concerne plus généralement l’analyse de la valeur ajoutée des activités créées dans le cadre de l'expérimentation pour le territoire et la manière dont elles participent à favoriser le développement local.
- Enfin, sur un plan plus général, évaluer l’impact auprès de l’ensemble des parties prenantes de l’expérimentation, afin d’apprécier la manière dont la dynamique collective du projet nourrit leurs coopérations et transforme leurs modalités d’intervention sur le territoire (on parlera ici de « dynamique territoriale »). Il s’agit ici d’analyser la dynamique des interactions constitutives du projet, leurs liens avec une « dynamique territoriale » plus large et d’éclairer la valeur ajoutée d’ETCLD Villeurbanne-Saint-Jean, mais également de montrer comment et à quelles conditions cette valeur ajoutée peut être créée.
Les six questions évaluatives :
Référentiel de l’évaluation locale ETCLD Villeurbanne-Saint-Jean / juillet 2019
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La posture évaluative : l'équipe et les précautions méthodologiques
Pour porter un regard sur le travail réalisé et ses résultats, il est important de rappeler les fondamentaux du projet : il s’agit d’un projet de création d’emplois nouveaux pour toutes les personnes privées d’emploi depuis au moins un an, et non d’un projet d’insertion. De ce fait, l’ensemble des membres du CLE se sont accordé sur le fait qu’il ne s’agit pas ici d’une évaluation de l’EBE mais bien du projet de territoire.
Aussi, la démarche évaluative définie se veut embarquée, partenariale et participative.
En ce sens, elle a été pensée dès le démarrage du projet, et l’ensemble des parties prenantes (financeurs, opérateurs, bénéficiaires directs et indirects, etc.) ont pour objectif d’être associés dans l’idée d’identifier et de valoriser ce que l’expérimentation a apporté respectivement à chacune d’entre elles.
Analyser la mise en oeuvre de l’ETCLD Villeurbanne-Saint-Jean suivant cette posture revient à faire des enseignements évaluatifs, chemin faisant, un outil de pilotage et de levier d’ajustement in itinere et d'amélioration continue de l'expérimentation au niveau du territoire. Comme indiqué, les divers travaux évaluatifs ont été réalisés par capitalisation des moyens des parties prenantes avec l’appui d’un Comité de pilotage dédié et d’un groupe de travail spécifique. Tout au long du processus, l’ensemble des travaux réalisés a fait l’objet de diverses restitutions aux acteurs locaux via le Bureau du CLE.
Cette co-construction de l'évaluation avec l’ensemble des parties prenantes et de manière concomitante avec le projet s'est avéré être une richesse de part et d’autre, considérant le caractère “mouvant” de l'expérimentation.
Ce caractère dynamique de l'expérimentation fait que son analyse ne peut se réduire à ce rapport, car des évolutions sont en cours et sont susceptibles de faire apparaître d’autres éléments non encore pris en compte [ANNEXE 1]. De même, si par cette évaluation on cherche à faire ressortir les effets impactants de l’ETCLD sur la baisse du chômage de longue durée sur le territoire et la dynamique territoriale qu’elle engendre, il est néanmoins important de ne pas faire abstraction de l’environnement socio-économique urbain du projet, des dynamiques métropolitaines à l’oeuvre et des acteurs présents sur le territoire (projet de renouvellement et de développement urbain, etc.).
Sous ces précautions d’interprétation, le rapport intermédiaire de l’évaluation de l’expérimentation locale de Saint-Jean-Villeurbanne se présente en quatre parties : la première visant à restituer ce que nous appelons la « sociogenèse » de l’expérimentation afin de mettre en exergue les spécificités du territoire, de son histoire et de ses acteurs ; les suivantes reprennent les trois axes du protocole d’évaluation de l’expérimentation locale, à savoir les mesures d’impacts :
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- 1La Métropole européenne de Lille, le Pays de Colombey et du Sud Toulois, le 13ème arrondissement de Paris, les communes de Pipriac et Saint-Ganton, la Communauté de communes Loire, Nièvre et Bertranges, les communes de Jouques, de Thiers, de Mauléon, de Colombelles et le quartier Villeurbanne-Saint-Jean.
- 2Le Bureau du CLE est composé de représentants de la Ville de Villeurbanne (élus, DDEEI, 3DVQ), de la Métropole de Lyon (MdM de Villeurbanne et direction de l’Emploi et de l’insertion), de l’Etat (Direccte, Délégué du préfet), du Service public de l’emploi (Pôle emploi, Mission locale), de la Mrie, du Centre d’animation Saint-Jean, de syndicats de salariés, d’habitants et demandeurs d’emploi du quartier, de personnes qualifiées et de représentants de la direction de l’EBE.
- 3La création de cette structure est une spécificité villeurbannaise dans l’expérimentation nationale, afin d’adapter celle-ci aux réalités locales. Trois raisons principales ont conduit les acteurs du projet à imaginer sa constitution : - Saint-Jean se caractérise par un tissu économique dense dans lequel il faut inscrire l’expérimentation ; dans un tel contexte, il semblait difficile pour le CLE et l'EBE d'assumer toutes les fonctions nécessaires à la mise en oeuvre de l’expérimentation. - Les acteurs locaux ont choisi de doter l’EBE du statut juridique de Société par action simplifiés (SAS) (cas unique parmi les 10 territoires), par ailleurs agréée Esus. Si cette forme juridique permet d’ancrer l’entreprise et les demandeurs d’emploi dans une dynamique économique, elle restreint la participation des acteurs privés et publics. La création de l’association permet de fédérer ces derniers par le biais de la participation et du mécénat. - Le Booster constitue également une réponse au déploiement de l’expérimentation afin que l’EBE ne constitue pas l’unique solution pour les demandeurs d’emploi de longue durée et que la démarche ne soit pas perçue comme concurrente des Structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) et du service public de l’emploi.