Prospective

L'avenir des associations : freins et leviers

Tribune Fonda N°213 - Éclairages pour l'avenir des associations (4) - Mars 2012
Jean Bastide
Jean Bastide
Cet article est une synthèse des ateliers organisés lors de la première université de prospective « Faire ensemble 2020 » organisée par la Fonda les 22 et 23 novembre 2011, sur la question des freins et des leviers pour l'action pour les associations.
L'avenir des associations : freins et leviers

Cet article revient sur les freins soulevés par les participants des ateliers et les idées qui ont émergé pour y faire face et améliorer l'action des associations.

Il apparaît tout d’abord que les préoccupations des participants aux différents ateliers sont très internes au monde associatif, au fonctionnement des associations, à la façon dont elles s’organisent en leur sein ou entre elles. Il existe différents modes de regroupements inter-associatifs selon que les associations ont un champ d’intervention commun, reposent sur un même socle de valeurs, cohabitent sur un même territoire, ou encore travaillent avec les mêmes bénéficiaires.

Dans l’atelier qui avait pour thème l’individu et l’engagement, les participants ont beaucoup parlé du rôle de chacun dans le développement de l’action associative et de la façon dont on s’organisait en interne, en insistant beaucoup sur le sens du projet associatif et la nécessaire reconnaissance des personnes. Est-ce qu’il y a une bonne appréhension par l’ensemble des acteurs de l’association du sens du projet, de ce vers quoi l’on va ? Est-ce qu’il y a une volonté de mobilisation autour du projet associatif ? Les acteurs impliqués sont-ils suffisamment pertinents et suffisamment audibles pour parvenir effectivement à la mobilisation souhaitée ?

Le risque majeur pointé par l’ensemble des acteurs associatifs présents concerne l’exclusion de certaines catégories de personnes. Pour contrer ce risque, nombre d’entre eux ont fait référence à l’éducation populaire. Sans revenir au passé des universités populaires du début du siècle dernier, il s’agit pour eux d’une l’éducation populaire qui fait référence à une attitude, à une méthode de travail, à une pédagogie, à des comportements mais qui ne fait pas référence à un secteur, encore moins à l’ensemble des associations bénéficiant du label attribué par le ministère. L’éducation populaire est par nature transversale. En somme, on n’est pas « d’éducation populaire », on fait de l’éducation populaire, souvent sans le savoir ou le proclamer, ce qui permet à chaque partie prenante interne à l’association, quel que soit son niveau et son rôle, de trouver sa place, que ce soit dans la prise de parole, la prise de décision ou tout simplement dans l’action.

Pour que l’association garde sa fonction civique, ses responsables doivent être très vigilants et ne pas oublier que l’association est non seulement un lieu d’apprentissage, mais aussi de témoignage de citoyenneté – certains ont d’ailleurs parlé « d’éducation populaire et citoyenne ». C’est ce qu’elle doit être pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la prise de parole publique et peser sur les politiques publiques qui la concerne.

Une autre menace interne au monde associatif a été identifiée dans tout ce qui a trait à la gouvernance des associations et notamment au problème du difficile renouvellement des dirigeants associatifs. Sont désignés ici, non pas les professionnels, mais les dirigeants politiques et surtout ceux qui « s’accrochent » à des fonctions dont ils disent ne pas arriver à les quitter, soit parce qu’il n’y a pas de candidats qui se présentent spontanément, soit, cas le plus fréquent, parce que rien n’est fait pour accueillir de nouveaux adhérents et parmi eux de futurs candidats.

Et c’est bien cette question de l’accueil des nouveaux entrants dans le monde associatif qui a été soulignée dans plusieurs groupes de travail. Tous ont reconnu qu’il y avait là un travail nécessaire, qui prenne en compte la diversité, la parité et la mixité indispensables au renouvellement des dirigeants. Cet effort qu’on a constaté dans d’autres types d’organisations, tels que les syndicats ou les partis politiques, doit devenir un impératif du monde associatif.

Un autre but à atteindre, selon les participants, consiste à prendre appui sur l’environnement extérieur aux associations, soit en s’alliant avec d’autres associations, sœurs ou voisines, sur un même territoire, soit en s’alliant avec d’autres forces de la société civile, que ce soit les syndicats ou pourquoi pas les partis politiques, ou encore les médias, les chercheurs, les entreprises ou les pouvoirs publics, sur la base de partenariats équilibrés.

Des idées assez novatrices ont émergé des ateliers et tout particulièrement de celui qui traitait de la relation des associations et des territoires. Un débat public sur la place des associations dans les territoires mériterait d’être organisé, pourquoi pas un « Grenelle des territoires et des associations » à partir du local et des territoires et pas seulement au plan national. Ce grenelle avait sa place dans les Conférences régionales de compétences territoriales qui doivent se tenir dans chaque région. Se saisir de l’occasion de cette conférence pour demander, pour exiger même, que celle-ci soit ouverte au mouvement associatif, de manière à ce que les associations participent au débat qui va concerner l’ensemble du territoire.

Cet objectif qui sera, certes, difficile à atteindre nécessitera qu’un certain nombre d’instances, dont la CPCA, puisse se mobiliser pour faire en sorte qu’il ne reste pas lettre morte. Comment organiser alors la participation ? Selon quelles méthodes ? Ces questions doivent aujourd’hui trouver des solutions, car le véritable combat est de nature politique : faire en sorte que les associations fassent entendre leur voix et qu’elles soient enfin considérées comme des partenaires incontournables du dialogue civil autour des questions territoriales.

C’est pourquoi il a été demandé qu’un moratoire ait lieu sur la réforme des collectivités territoriales afin que soit menée une réflexion sur une représentation des associations soit conforme à la diversité du mouvement associatif dans l’espace public aujourd’hui.

Les participants à l’atelier « territoires » ont également souhaité qu’il puisse y avoir un droit à l’expérimentation dans le mouvement associatif. au siècle dernier, les associations ont largement démontré leur capacité à expérimenter, ce qui leur a permis d’innover. Aujourd’hui, le contexte est plus complexe : les moyens disponibles pour l’expérimentation, et l’innovation, sont de plus en plus difficile à mobiliser. Pour survivre, les associations sont de plus en plus dépendantes de la commande publique ce qui limite grandement, en l’absence de fonds propres, leur capacité à innover. L’innovation, qui est une des caractéristiques des associations au XXe siècle semble aujourd’hui s’éloigner, à quelles conditions pourront-elles en retrouver le chemin ?

Cependant, la majorité des groupes de travail a mis l’accent sur la nécessité d’envisager désormais la mise en œuvre de formes de regroupements différents, moins institués, sur des objets précis, que ce soit aux niveaux territorial, national, voire européen. L’objectif est le même, le mouvement associatif doit peser dans le débat sur les sujets qui concernent la société car il est un acteur majeur qui doit peser sur les choix politiques qui concernent l’ensemble d’un territoire donné. Il s’agit de prendre des initiatives, qui permettent tout à la fois une certaine médiatisation et une reconnaissance de l’action associative, y compris au plan local.

Afin d’atteindre cet objectif commun, différentes pistes d’actions ont été envisagées, suivant l’exemple actuel de l’année européenne du bénévolat et du volontariat qui a permis à une centaine d’associations nationales, très diverses, petites et grandes, de collaborer dans l’organisation de multiples projets, notamment concernant l’organisation de rencontres dans les écoles, collèges, lycées, pour parler de l’engagement bénévole au bénéfice de la société dans les associations. Cette initiative n’a pas demandé des moyens énormes et pourtant, elle a permis un certain nombre de rencontres inter-associatives sur le territoire et à l’échelle européenne.

2012 est l’année européenne de la solidarité intergénérationnelle. Les associations se saisiront-elles de cette année-là pour créer de nouveaux collectifs qui puissent intervenir au plan national ou européen ? L’Europe est sur toutes les langues en ce moment, on l’accuse en disant qu’elle ne dispose pas des outils nécessaires pour solutionner les immenses problèmes que connaît notre société. Lorsque nos concitoyens entendent « Europe », ils entendent « handicap » plutôt que « projection vers un avenir de progrès». Les associations doivent participer au développement d’une citoyenneté européenne, c’est aujourd’hui un impératif.

Enfin, le modèle économique des associations a fait l’objet de nombreuses réflexions. Mais quel modèle économique ? La diversité des associations est telle qu’il n’y a pas un seul modèle mais plusieurs. On en est plus au temps du tout État mais à celui de la mobilisation d’une diversité des ressources tant interne, qu’externes.

Fut un temps, pas si lointain, où des associations participaient à la co-construction du bien commun et de l’intérêt général. Elles proposent ce qu’elles appellent un « dépoussiérage » du Conseil économique et social et environnemental, c’est à dire un accroissement de ses compétences, notamment une capacité d’initiative législative. Ce dernier point fait partie des questions qui mériteront d’être creusées.

 

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