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Quelque chose est commun à toutes les formes d’engagement : l’intensité humaine. Les quatre grandes thématiques abordées nous ont offert un panel d’intensité, soulevant des questions d’ordre éthique, politique et stratégique.
Engagement et confiance
Lors de l’échange sur la fragmentation sociale, Laurence de Nervaux nous a expliqué que la polarisation des discours était reliée à des attitudes de défiance et provoquait attentisme et retrait. Inversement, nous ne pourrons pas rétablir la confiance dans les institutions sans la reconnaissance et la valorisation de l’engagement.
À propos du revenu de base inconditionnel, abordé par Marion Ducasse, il est encore question de faire confiance. Il y a aujourd’hui une institutionnalisation de la méfiance, dans la distribution des aides, qui est sans doute la principale source de non-recours aux droits. Il y a donc définitivement quelque chose à articuler entre l’engagement et la confiance.
Aussi j’ai été marqué par le fait que les quartiers les plus préservés des violences lors des émeutes de juillet 2023 étaient ceux où il y avait le plus d’associations selon Christine Duval. Cela montre l’importance de créer les espaces où l’on sait qui est qui et sur qui on peut compter.
En ce sens, les associations sont productrices de confiance, car elles permettent de faire vivre le lien entre les gens. Pour l’avenir, il est nécessaire de faire revivre l’intensité humaine et l’inter-dépendance entre nous pour contrer cette fragmentation sociale.
Construire une éthique partagée du numérique
À la Fonda, nous nous intéressons au sujet de la numérisation de la société depuis quelque temps. Dès lors qu’on l’aborde, on se rend compte que les personnes peuvent être rapidement perdues. Cette table ronde a permis de situer les principaux enjeux, un grand merci à Yaël Benayoun, Pierre-Antoine Marti et Valérie Comblez pour leurs regards complémentaires et didactiques.
Mon principal apprentissage est que la régulation par le marché et la régulation par la norme ne suffiront pas à faire des outils numériques d’intérêt général. Pour que ces outils ne soient pas un danger pour la société, nous avons besoin de traduire des sujets d’expertise en sujets de société, d’en faire des sujets d’engagement. Cela suppose de surmonter l’engagement émotionnel au profit de la construction d’une éthique partagée du numérique.
Le kairos de l’engagement climatique
Pour la troisième table ronde, nous sommes montés d’un cran en matière d’intensité humaine. En effet, le dérèglement climatique est le sujet qui étouffe, domine, déstabilise tous les autres.
Les témoignages de cette table ronde, dont celui incarné de Valérie Paumier, nous ont permis de comprendre que devant l’immensité et la complexité de ce problème, nous avons besoin d’intelligence stratégique.
Tout se joue dans le moment et la façon dont l’engagement citoyen s’articule ou non avec la décision politique. Cela peut prendre la forme d’un lobbying réussi, une victoire électorale ou une émotion partagée. Dans tous les cas, il y a un problème de kairos, de saisir le bon moment, en grec le « temps de l’occasion opportune ». L’accélération du dérèglement climatique nous impose des moments de transformation radicale.
Quand on devient militant associatif, le projet est toujours peu ou prou de changer le monde par l’exercice de la volonté collective. La période dans laquelle nous vivons fait que la transformation radicale est en cours, l’enjeu est savoir si nous la subissons ou si nous nous y adaptons.
Pour nous adapter, nous avons besoin de rassembler toutes les compétences nécessaires, d’avoir les bons leviers et savoir les mobiliser au bon moment, ce à quoi nous a exhorté Alexandre Florentin.
C’est de l’intelligence stratégique, qui ne construira que grâce à la coalition d’associations et au faire ensemble. La finance a un rôle à jouer comme nous l’a rappelé Laurent Coudercher. Tout comme pour les évolutions du numérique, nous avons besoin de plus que des mécanismes de régulation : l’engagement prendra des formes que nous n’avons pas inventées.
La chaîne d’engagements pour la santé mentale
Enfin lors de notre dernière table ronde, l’intensité humaine était à son maximum. Le sujet de la santé mentale est le cœur de la question plus large de l’évolution des métiers du lien et du soin. Toutes ces activités sont en situation de crise, car ce modèle s’est construit compartiment après compartiment comme nous l’a rappelé Jean-Baptiste Hazo.
En matière de médecine, la construction du cadre éthique de l’exercice du soin est une longue aventure. Il faut mesurer le temps parcouru pour le bâtir et sa récente bascule dans les années 1980 avec la prise en compte des droits des patients dont a pu témoigner Maxime Perez Zitvogel.
L’enjeu de la santé mentale est le révélateur des faiblesses dans le prendre soin et la création de liens. Pour agir au bon niveau et au bon moment, chaque étape a sa place : de l’écoute entre pairs présentée par Nathalie Roudaut aux consultations de professionnels de santé.
Chacun des intervenants de la chaîne de santé mentale doit se sentir contributeur et dépendant du maillon d’avant et d’après. C’est grâce à cette prise de conscience que chaque acteur peut organiser au mieux son action, en sortant de son périmètre de solidité de convictions.
Construire cette chaîne de l’écoute, de l’empathie et de l’action demande l’engagement de chacune des catégories d’acteurs.