Prospective Enjeux sociétaux

Fiche ODD n°15 - Vie terrestre

Tribune Fonda N°237 - Faire des ODD un projet de société - Mars 2018
Mateusz Evesque
Mateusz Evesque
Présentation et approche prospective de l'Objectif de développement durable n°15. Cette fiche est publiée dans le supplément au numéro 237 de la Tribune Fonda « Faire des ODD un projet de société ».
Fiche ODD n°15 - Vie terrestre

Cette fiche a été réalisée par Mateusz Evesque, étudiant en master Politiques publiques à Sciences Po, avec le concours de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles International, et Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda.


Les forêts sont un écosystème d’une valeur inestimable. La qualité de notre air (production d’oxygène par photosynthèse) comme de notre eau (alimentation des nappes phréatiques grâce aux racines des arbres) en dépend. Préserver les écosystèmes terrestres, en luttant contre la déforestation, la désertification et la dégradation des terres est ainsi l’objectif principal de cet ODD. 
 

Repères


SITUATION DE l'ODD EN FRANCE


Indicateurs à suivre

  • Taux de boisement en France métropolitaine
  • Surfaces occupées par les sols artificialisés, les terres agricoles et les espaces naturels
  • Indice de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)
  • Montant de l’aide publique au développement dans le secteur de la protection de l’environnement
  • Évolution du nombre d’espèces protégées


Où en sommes-nous en France ?

La France n’est concernée ni par la désertification, ni par la déforestation, le taux de boisement en France étant continûment positif sur ces dernières années : 0,7 % par an depuis 1980 selon l’Institut national de l’information géographique et forestière.

L’érosion des sols quant à elle touche la France  : un cinquième du territoire métropolitain présente un aléa d’érosion moyen à très fort selon un rapport de 2011 du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Sol. Un des principaux facteurs se situe au niveau de l'artificialisation des sols, qui en les imperméabilisant, les dégrade irréversiblement. 

Enfin, en matière de protection de la biodiversité, le bilan est en demi-teinte. La France se situe certes à un bon niveau - la biodiversité y étant extrêmement riche - mais depuis 2010, date de prise d’engagement de la France en matière de protection de la biodiversité, celle-ci n’a fait que chuter.

D’après les chiffres du ministère de la Transition écologique et solidaire, la France, qui fait partie des dix pays hébergeant le plus d’espèces menacées, compte 3 671 espèces menacées au niveau mondial, dont 31 % sont éteintes ou menacées en France (4 % éteintes, 27 % menacées).
 

Prospective exploratoire


Tendances lourdes


 L’appauvrissement de la biodiversité

L’appauvrissement de la biodiversité est une réalité qui touche la France. L’Observatoire nationale de la biodiversité (ONB) montre ainsi par exemple qu’en 2016, les espèces spécialistes de la faune aviaire ont connu une réduction importante, contrairement aux espèces généralistes.  

Par espèces spécialistes, on entend les espèces qui ne peuvent s’épanouir que dans des conditions environnementales ou d’alimentation restrictives. Le koala, qui ne mange que des feuilles d’eucalyptus, ou le panda du bambou, sont des exemples d’espèces spécialistes. Les espèces généralistes sont, elles, en mesure de prospérer dans un grand nombre de conditions environnementales, pouvant faire usage d’une grande variété de ressources. Le rat, présent partout sur le globe, en est l’exemple typique. 

Les chercheurs parlent actuellement de « sixième extinction des espèces » pour qualifier le phénomène en cours, comparable aux cinq autres grandes extinctions de l’Holocène (époque géologique de ces 10 000 dernières années). 

Elle touche particulièrement les espèces de vertébrés (en diversité et en quantité). Une étude publiée en juin 2013 dans Sciences Advances montre ainsi que depuis le début du XXe siècle, l’extinction des espèces est cent fois plus élevée qu’auparavant, chiffre par ailleurs restreint aux seules espèces dont nous avons connaissance. 
 

 L’augmentation du taux de boisement

Si la régression des surfaces couvertes de forêts a été le phénomène majeur du XXe siècle (la moitié des forêts de la planète ayant été détruites au cours de ce siècle), la France est toutefois épargnée par la déforestation et connaît une augmentation de son taux de boisement. 

L’Institut national de l’information géographique et forestière chiffre la progression du boisement à 0,7 % par an depuis 1980. Les régions les plus touchées par l’extension de la superficie sont le grand arc méditerranéen (Corse incluse), la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. 
 

Incertitudes majeures


 Quelle évolution de la dégradation des sols ?

L’érosion hydrique des sols, phénomène d’arrachement de terres agricoles lors d’un ruissellement est la principale source de dégradation des sols et est aggravée par la vulnérabilisation du sol. L’évolution de la dégradation des sols est dépendante premièrement du climat, instable du fait d’un réchauffement climatique qui risque de radicaliser des pluies, mais aussi de l’agriculture, dont l’évolution est liée à la volonté étatique de délaisser l’agriculture chimique.

Le plan Ecophyto 2 ainsi que l'engagement à réduire l'usage des pesticides de 50 % témoignent d'une volonté réelle de contenir les effets néfastes de l'agriculture chimique, mais les récentes hésitations sur le glyphosate soulignent cependant des incertitudes pour la réalisation de cette trajectoire.

La dégradation des sols est également dépendante de l’artificialisation dont le président Macron annonçait dans son programme vouloir arrêter la progression, sans que cela semble pour autant acquis. Pour Eurostat, les sols artificialisés comprennent sols bâtis, sols revêtus et stabilisés (routes, voies ferrées, chemins...). La définition retenue par le ministère de l’Agriculture en France est toutefois plus large : sont ajouté chantiers, terrains vagues et espaces verts artificiels.
 

 Une protection de la biodiversité influencée par le comportement étatique face aux lobbys

L’évolution de la politique de l’État en la matière justifie qu’on puisse parler d’incertitude. Depuis les années 2014 et 2015, l’État a considérablement réduit ses moyens en matière de sauvegarde des espèces, initiée avec les Plans nationaux d’action (PNA), qui avaient notamment permis d’améliorer le statut de conservation des rapaces.

De même, si la France dispose d’un des systèmes les plus efficaces pour lutter contre le braconnage avec son établissement public dédié à la police de la chasse et de la nature (l’ONCFS), l’invocation de traditions par le lobby cynégétique trouve raison auprès de certains élus locaux (exemple de la chasse à l’ortolan, théoriquement interdite). 
 

Émergences
 

 Le développement de l’agriculture biologique

Nombre d’études ayant montré que l’érosion hydrique des sols était plus faible en agriculture biologique qu’en agriculture conventionnelle, l’agriculture biologique est directement reliée à cet ODD.

L'épandage de fumier en agriculture biologique serait ainsi meilleur pour la reconstitution du sol. Si l’essor de cette agriculture est certain (5 % du secteur agricole en 2013 contre moins d’1 % en 1995 selon le ministère de la Transition écologique et solidaire), reste à savoir si le bio pourra à terme être accessible à une proportion plus large de ménages. 
 

  Le changement d’échelle en matière de protection des écosystèmes

La protection d’écosystèmes particuliers (forêts, montagnes...) semble en passe d’être déléguée à un échelon infra-étatique (régions) voire extra-étatique (société civile). C’est ainsi que la Stratégie nationale de création d’aires protégées (SCAP) relève du préfet de région, avec l'appui des services déconcentrés.

L’essor des Parc naturels régionaux (PNR) témoigne aussi d’une approche renouvelée de la gestion de la biodiversité, ouvertement transversale (multiples parties prenantes) et décentralisée. Le parc naturel de la Brenne s'attelle ainsi depuis 2009 à lutter contre les espèces exotiques envahissantes, lutte qui correspond bien à un des enjeux de cet ODD.

Ainsi, la société civile peut être amenée à gérer les forêts dans une optique extra-économique, en vue notamment d’éviter les calculs de courts termes, habituels dans la gestion des forêts, qui aboutissent à des plantations et déboisements non durables. Guy Chiasson, Jacques L. Boucher et Martin Thibault dans une étude intitulée « La forêt plurielle : nouveau mode de gestion et d’utilisation de la forêt, le cas de la Forêt de l’Aigle » (2005) montrent ainsi que la Corporation de la gestion de la Forêt de l’Aigle (CGFA), entreprise associative en charge de la forêt, regroupe diverses parties prenantes aux objectifs et intérêts différents (objectifs récréatifs, de recherche, d’aménagement...). Ce regroupement oblige à mettre en place une véritable coordination entre ses membres, issus tout autant des pouvoirs publics (gouvernements locaux) que des associations autonomes.

La biodiversité des écosystèmes est propice à ce qu’il est convenu d’appeler les « sciences participatives » (ou « collaboratives »), formes de production du savoir où les acteurs non-scientifiques professionnels participent (par exemple pour inventorier les espèces). 
 


Ressources

_ Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), « La France passera-t-elle les Objectifs du développement durable ? », 2016.

_ Comité 21, « Quelle appropriation des ODD par les acteurs non-étatiques français ? », 2017.
 
_ Futuribles International, Rapport Vigie 2016.

_  Étude de l’IFOAM sur l’érosion des sols en agriculture biologique.

Outils et ressources utiles
Note d'éclairage