Prospective Enjeux sociétaux

Fiche ODD n°13 - Changements climatiques

Tribune Fonda N°237 - Faire des ODD un projet de société - Mars 2018
Mateusz Evesque
Mateusz Evesque
Présentation et approche prospective de l'Objectif de développement durable n°13. Cette fiche est publiée dans le supplément au numéro 237 de la Tribune Fonda « Faire des ODD un projet de société ».
Fiche ODD n°13 - Changements climatiques

Cette fiche a été réalisée par Mateusz Evesque, étudiant en master Politiques publiques à Sciences Po, avec le concours de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles International, et Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda.


Les activités humaines ont atteint une telle ampleur qu’elles affectent durablement le climat, dont l’évolution conditionne des phénomènes climatiques problématiques (montée du niveau des mers par exemple) contre lesquels il s’agit de lutter en amont et de se prémunir en aval.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique et prévenir les conséquences naturelles engendrées par le réchauffement climatique sont ainsi les deux enjeux clés de cet ODD.
 

Repères


SITUATION DE l'ODD EN FRANCE

Indicateurs à suivre

  • Nombre de catastrophes naturelles en France
  • Émissions de gaz à effet de serre par secteur
  • Plans de prévention inondation mis en place dans les communes
  • Fonds et financement dédiés à la lutte contre le réchauffement climatique.


Où en sommes-nous en France ?

Cet ODD intéresse la France sur trois points : l’amélioration des capacités d’adaptation face aux risques climatiques, l’incorporation des enjeux climatiques aux politiques nationales, la mise en place de mesures d’atténuation du changement climatique.

Sur ces trois points, la France réalise cet ODD. Elle s’adapte aux risques climatiques, comme en témoigne l'augmentation des plans de prévention inondation dans les communes, devenus obligatoires. Elle incorpore la préoccupation écologique à ses politiques nationales, avec par exemple la loi de transition énergétique, et internationales, et avec l’Accord de Paris du 4 novembre 2016, qui vise à réduire le réchauffement climatique d’origine anthropique à moins de 2° Celsius, et 1,5° si possible, à l’horizon 2050. Enfin elle initie des actions concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique, avec par exemple l’adoption de la taxe carbone en 2014.

On peut toutefois nuancer ce diagnostic : d’un côté les émissions de gaz à effet de serre en France connaissent depuis 1990 une réduction moindre que la moyenne européenne ; de l’autre, la faible part du carbone en France tient pour une grande partie à son parc nucléaire, qui pose d’autres questions d’ordre écologique.

Le réchauffement climatique s’est accru de 40 % entre 1990 et 2016. Cet accroissement est dû à 80 % aux gaz à effet de serre (GES), qui absorbent une partie des rayons solaires en les redistribuant sous forme de radiation au sein de l’atmosphère terrestre. 

Certaines zones françaises sont exposées au risque de montée des eaux dû au réchauffement climatique (la Camargue ou la région Charente-Maritime par exemple) et le nombre d’événements naturels graves est passé de 3 à 14 entre 2010 et 2014.
 

Prospective exploratoire


Tendances lourdes


 L’instauration de normes et objectifs environnementaux

La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 a pour objectif la réduction de 40 % des émissions d’ici 2030 par rapport à la quantité émise en 1990.

En 2014 déjà, la mise en place de dispositifs incitatifs comme la taxe carbone allait dans le sens d’une économie bas-carbone. Les conférences de parties (COP) de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont lieu chaque année depuis 1991 et sont parfois d’une importance majeure. La COP 3 au Japon en 1997 qui permit la signature du protocole de Kyoto (mise en place notamment d’un marché du quota d’émissions) ou bien l’accord de Paris, ratifié par 55 pays représentant au moins 55 % des émissions de GES, qui se veut un accord universel sur le climat, font parties des plus importantes.


— La prise de conscience de la société civile

La Marche mondiale pour le Climat de fin novembre 2015 organisée par Avaaz qui a réuni des centaines de milliers de personnes en est la démonstration récente la plus patente. La naissance de la prise de conscience des enjeux planétaires environnementaux peut être située au Sommet de Rio de 1992, qui rassembla chef de gouvernement et ONG de 178 pays, en vue de répondre aux enjeux environnementaux et a permis de préciser la notion de développement durable.

Consécutivement à ce sommet fut déployé l’Agenda 21, démarche globale intégrant les problématiques de développement durable en y associant tous les acteurs. Une association comme le Comité 21 a notamment œuvré au déploiement des initiatives de ce type. 

La société civile joue aussi un rôle important dans les COP de la CCNUCC, à titre d’observateur (présence de la WWF, de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), mais aussi des universités comme l’Institut de développement durableet des relations internationales (IDDRI) ou l’Imperial College de Londres). Leur rôle d’observateur n’en fait pas moins des acteurs engagés. Ces organisations sont souvent porteuses d’un savoir qui se révèle décisif. 

Les scientifiques surtout, par leur expertise - par exemple les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) - tout comme leur engagement - appel de 15.000 scientifiques en 2017 alertant sur l’état de la planète - permettent de mettre cette question à l’agenda politique.
 

Incertitudes majeures


 Quel futur pour la responsabilité sociale des entreprises ?    

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est l’ensemble des pratiques que mettent en place les entreprises pour respecter les principes du développement durable, dont elle intègre les trois piliers, économiques, sociaux et environnementaux. Elle comprend par exemple la mesure des émissions de gaz carbonique, la fixation d’un prix interne du carbone ou l’utilisation d’énergie renouvelable.

La prise en compte des enjeux climatiques s’inscrit directement dans les problématiques RSE, les entreprises étant largement responsables des émissions de gaz à effet de serre : 90 multinationales seraient responsables des deux cinquièmes des émissions de CO2 et de méthane entre 1854 et 2010 (données Novethic).

Les entreprises ont également pris conscience du risque que le réchauffement climatique représente pour elle : selon une estimation réalisée par The Economist Group, les pertes liées au réchauffement pourraient être comprises entre 4 200 et 57 000 milliards de dollars (cité par Constant Calvo).

La pérennité et la capacité des politiques de RSE à répondre aux enjeux environnementaux est cependant sujette à interrogations. Le fonctionnement de nos économies et les finalités des entreprises peuvent en limiter la portée. Constant Calvo souligne ainsi que la RSE, fondée sur l’autorégulation, peut trouver ses limites. Une communication efficace centrée sur quelques activités peut ainsi masquer une stratégie globale avant tout orientée sur la maximisation du profit.

Du côté de la pression exercée par la demande des consommateurs, Antoine Rémond rappelle que l’achat résulte d’un arbitrage entre engagement, préférences et habitudes, où la question de la satisfaction conserve une place importante. La demande ne suffit donc pas à orienter autrement les politiques des entreprises.
 

 L’ambivalence du progrès technique dans l’instauration d’une économie décarbonée

La question ici posée est celle de savoir si, de manière agrégée, le coût environnemental total (en production de CO2) pour produire les biens économiques pourra être compensé par les gains éventuels en matière de réduction du CO2 produits par certains de ces biens ou s’il sera nécessaire de réduire la production de certains biens.

La question, posée précédemment à l’échelle agrégée, se pose aussi à l’échelle d’un seul bien : par exemple pour la voiture particulière, France stratégie dessine deux scénarios pour s’orienter vers une économie décarbonée, la mise en place progressive d’une voiture thermique à la consommation réduite en essence ou d’une voiture électrique.

Là encore, que ce soit pour l’une ou l’autre des voitures, la question se pose de savoir si la production de tels biens n’est pas déjà trop intense en CO2 et ne pollue pas d’une autre manière la planète (question de l’impact du lithium sur la planète par exemple). 
 

Émergences


 Le rôle croissant des acteurs non-étatiques dans la lutte contre le réchauffement climatique

Entreprises, villes et territoires ont bien souvent des objectifs de réduction des émissions plus ambitieux que ceux des États. C’est le cas par exemple de l’initiative Science Based Targets pour que les entreprises mettent en phase leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre avec les trajectoires de réduction définies par l’accord de Paris.

C’est le cas aussi des transporteurs routiers via la charte « Objectif CO2, les transporteurs s’engagent », des investissements à impact social ou de l’émission d’obligations vertes, en forte croissance. Le C40 Cities Climates Leadership Group montre bien comment émerge au niveau mondial une dynamique pour lutter contre le dérèglement climatique (devise du C40) qui n’est pas cantonnée à la sphère étatique : ce rassemblement des plus grandes villes du monde (81 plus grandes villes du monde et 6 villes observatrices, les premières représentant 75 % de l’émission de gaz à effet de serre), a été créé en 2005 par l’ancien maire de Londres Ken Livingstone, et se pose comme l’avant-garde éclairée de la lutte contre le réchauffement climatique. 
 

 L’essor des techniques de séquestration du dioxyde de carbone

Les techniques de séquestration du CO2 - stockage à long terme de ce gaz hors de l’atmosphère dans des puits de carbones, naturels (photosynthèses des océans, sols, flores) ou artificiels - pourraient être vues comme une solution possible à l’émission de gaz à effet de serre. La séquestration naturelle existe déjà, insuffisante face au réchauffement climatique d’origine humaine (anthropique) mais sa stimulation, déjà envisagée, s’avère insuffisante et problématique (danger de destruction des écosystèmes). Stimulé par de pareilles limites, les techniques de captages et stockages artificiels du CO2 (CSC) sont aujourd’hui techniquement possibles mais peu efficaces car elles entraînent une surconsommation d’énergie.

→ Découvrez des projets en coopération qui répondent à cet ODD.

 

 


Ressources

_ Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), « La France passera-t-elle les Objectifs du développement durable ? ».

_ Comité 21, « Quelle appropriation des ODD par les acteurs non-étatiques français ? », 2017.

_ Novethic, « Entreprises et climat : adapter les modèles économiques et réduire les émissions ».
 
_ Constant Calvo, « Les entreprises face aux défis du changement climatique », Les Échos ; « L’auto-régulation des entreprises en sursis », Les Échos.

_ Antoine Rémond, « Responsabilité sociale des entreprises et capitalisme financier : pourquoi la régulation fait défaut », Revue française de socio-économie 2009/2 (n°4), p.155-175.

_ Futuribles international, Rapport Vigie 2016

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