C’est le titre du rapport que François Taddei, Catherine Becchetti-Bizot et Guillaume Houzel viennent de rendre au ministre de l’Education nationale, dans lequel ils proposent une politique de recherche et développement de l’éducation tout au long de la vie. Il s’agit de répondre à l’objectif de la Stratégie de l’enseignement supérieur visant à « construire une société apprenante capable d’évoluer en permanence, au sein de laquelle chacun a appris à apprendre pour progresser tout au long de sa vie professionnelle et citoyenne ».
Leurs propositions visent d’abord à rapprocher, au-delà de la seule recherche pédagogique, le monde de la recherche et ceux de l’éducation et de la formation professionnelle. Il s’agit également de créer des tiers-lieux physiques et numériques, à différentes échelles, pour faciliter et accompagner la rencontre et les collaborations des chercheurs et des praticiens. Il faut qu’un corpus de règles éthiques et méthodologiques régule l’expérimentation pédagogique. Il faut enfin « constituer sur la base du volontariat, les communautés éducatives élargies en alliances territoriales facilitant les coopérations pour chercher ensemble des pistes d’amélioration et construire des territoires apprenants ».
Nous retrouvons là le concept de communauté d’action forgé à partir de nos observations et de notre démarche prospective : l’Éducation se trouve, comme les autres institutions, confrontée à l’impératif paradoxal de devoir sortir de ses frontières institutionnelles pour être en mesure de poursuivre sa mission dans une société à la fois plus fragmentée et plus fluide.
Pour ma part, après un an passé à la tête de l’Agence du Service civique, je retrouve là des idées qui me sont devenues familières. Initialement conçu pour être une école pratique de l’engagement citoyen, le service civique est en passe de devenir une école tout court, ou plus exactement une étape-clé de cette formation tout au long de la vie que l’école est appelée à devenir en sortant de ses murs. Le témoignage des jeunes volontaires démontre que l’expérience de l’engagement est bien souvent le moment où l’on passe de l’état d’enseigné à celui d’apprenant. Le volontariat, l’autonomie, la confiance accordée, la capacité d’initiative créent les conditions qui permettent à chacun d’entre eux, dans la singularité de son parcours, de relier les connaissances, les valeurs et l’action.
C’est aussi pourquoi le service civique est souvent le moment décisif de leur orientation, celui où ils peuvent articuler leurs aptitudes, leurs compétences et leurs projets. Et ce n’est évidemment pas un hasard si plus de trois-quarts des missions de Service civique sont proposées par des associations. C’est que l’association est une « organisation apprenante » avant la lettre, du bénévole au dirigeant, de la dynamique de groupe à la délibération collective, de l’envie d’agir à la stratégie. La bienfaisance, le scoutisme, l’éducation populaire ou l’aide au développement sont autant de terrains d’apprentissage permanent.
Le moment est venu de célébrer à nouveau les noces du fait associatif et du fait éducatif. Pour jouer leur rôle de pionnier et de facilitateur des transitions auxquelles la société est confrontée, les associations ont besoin d’adopter une posture apprenante plus audacieuse. Plutôt que de vouloir « industrialiser », c’est-à-dire reproduire à l’identique et en plus grand, les innovations sociales porteuses de solutions pour demain, peut-être vaudrait-il mieux, plus modestement, essayer d’en apprendre quelque chose.
Quant aux enseignants, dont la mission de transmission de connaissances est depuis longtemps "ubérisée", ou plus exactement "wikipédiée", ils pourront peut-être retrouver l’autorité qu’ils ont perdue (auctoritas : capacité de faire grandir) en conduisant le partage de connaissances si aisément accessibles mais si souvent brouillées par le bruit du babil numérique.
La forme la plus ancienne de l’association est sans doute la société savante. Il s’agissait déjà de mettre des connaissances en commun et de les diffuser. C’est au même idéal que se rattache le projet d’une société apprenante mais il lui ajoute la dimension démocratique de ce qu’on appelle aujourd’hui une société inclusive
On trouvera dans les articles de la Tribune Fonda plusieurs approches pragmatiques de cet idéal.