Prospective

Une démocratie d’initiative

Tribune Fonda N°219 - Dynamiques associatives dans un monde en transition - Septembre 2013
Yannick Blanc
Yannick Blanc
Éditorial de la Tribune Fonda n°219
Une démocratie d’initiative


Cette livraison de la Tribune Fonda est dédiée à la restitution d’échanges entre responsables associatifs et experts de tous horizons, dans le cadre d’un cycle piloté par Jean-Pierre Duport, qui a ainsi apporté sa contribution à nos réflexions et complété le panorama des tendances qui traversent la société.

« La société a des besoins d'espérance qu'elle ne trouve plus dans les mécanismes démocratiques actuels » dit Jean-Paul Delevoye lors de l'un de ces débats. L'expérimentation démocratique est le fil conducteur de ces échanges à travers lesquels percent l'inquiétude ressentie devant le désenchantement démocratique mais aussi l'optimisme perplexe que suscitent les innovations multiformes de l'altermondialisme, des hackers, des révolutions allumées sur les réseaux sociaux mais vite confrontées à la férule des formes de pouvoir les plus archaïques.

Avant de déplorer l'impuissance des gouvernements et d'en appeler au retour de la « volonté politique », constatons que le principe du gouvernement représentatif est attaqué simultanément sur tous les fronts. Non contents d'avoir obtenu des instances de régulation placées hors d'atteinte du politique (banques centrales et autorités de régulation « indépendantes »), les détenteurs du pouvoir financier se sont émancipés du paiement de l'impôt.

Lorsqu'ils ne se détournent pas silencieusement du suffrage par l'abstention, les citoyens ordinaires ne s'en servent plus que pour sanctionner un pouvoir qu'ils jugent moins sur le sens de son orientation que sur la qualité de son action, la transparence de ses décisions, la lisibilité de la gouvernance.

Les plus actifs et les plus créatifs d'entre nous se détournent des institutions au profit d'actions éphémères, anonymes et informelles c'est-à-dire, au sens propre du terme, anarchiques. Les soubresauts de la puissance numérique sont à la fois l'instrument et le reflet de cet état du monde : l'Internet libère l'hubris (la démesure) de toutes les formes de pouvoir, la spéculation illimitée, la surveillance et l'intrusion généralisées, l'activisme de toutes les communautés, pour le meilleur et pour le pire.

L'éclatement et la démultiplication de la capacité d'agir nous obligent à imaginer de nouvelles dynamiques démocratiques. A quoi bon multiplier les contre-pouvoirs face à un pouvoir qui a perdu le monopole de cette capacité ? Si la démocratie participative n'a pas réussi à remédier à l'essoufflement de la démocratie représentative, c'est parce qu'elle supposait que les gouvernants détenaient une offre qu'ils pouvaient partager avec les gouvernés alors qu'ils avaient déjà les mains vides.

Le community organizing est le prototype de la démocratie d'initiative qu'il faut maintenant inventer et faire vivre. Mais comment passer du « tissage des colères » ou de la conjonction des indignations à l'exercice durable d'une citoyenneté active ? C'est à nos yeux tout l'enjeu de la vitalité du fait associatif et plus particulièrement de son intelligence stratégique.

La question de la gouvernance des associations n'a pas d'intérêt en soi mais seulement dans la perspective du développement de la capacité d'initiative des citoyens. Contrairement au parti politique, l'association n'est pas là pour préparer le jour d'après ou la société de demain, à l'impératif futur, mais pour fabriquer la société d'aujourd'hui, à l'indicatif présent. A travers les questions pratiques de renouvellement des dirigeants, d'égalité femmes-hommes, de formation des bénévoles, de transparence financière, de mesure des résultats de l'action, l'éthique associative consiste bien à tisser la confiance dont la société a besoin sinon pour se réenchanter, du moins pour redonner du goût à l'avenir.

Merci à Valérie Peugeot, Roger Sue, Jacqueline Mengin et Francine Evrard pour la part prise à l'animation de ces débats.
 

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