Mais si l’on peut se féliciter de ce travail de fond, menant à une meilleure coordination des acteurs associatifs vers un développement territorial intégré, il n’en résulte pas moins que les moyens alloués sont peu conséquents et que la volonté d’un travail d’animation des logiques territoriales disparaît fondamentalement des missions incombant traditionnellement aux services publics, les reléguant ainsi à une mission de contrôle.
Le pôle territorial de coopération associative
L’idée d’une création d’un tel pôle associatif est ambitieuse mais revêt deux travers :
- d’une part, l’État délègue encore un peu plus sa connaissance du terrain, ce qui la met à mal pour effectivement proposer des contrôles de qualité, n’ayant qu’une connaissance moindre des acteurs ;
- d’autre part, en créant des PTCA, sans travailler à rapprocher ces logiques des PTCE, l’administration centrale délaisse son rôle d’animation territoriale et fait coexister deux outils qui ensemble auraient pu créer une démarche intégrée sur le territoire. En effet, les associations sont trop souvent considérées comme des outils d’implication sans prendre en compte leurs impacts économiques et sociaux. Séparer PTCA et PTCE peut être une manière de légitimer chaque pôle dans son action territoriale ; cependant, il est grandement nécessaire de créer des logiques aux réalités hybrides, permettant de faire coexister économie et engagement et de créer des pôles territoriaux de coopération et d’engagement pour le territoire.
La valeur centrale attendue par la multiplication de ces nouveaux dispositifs est de recréer de l’intérêt général de proximité, là où les collectivités, l’État et les acteurs économiques (parmi lesquels les associations) cœxistent aujourd’hui sans parvenir à suffisamment travailler ensemble.
Si, dans les faits, le travail en synergie est une réalité, les efforts à fournir sont encore nombreux pour faciliter une véritable logique de coopération et surtout pour la rendre plus lisible auprès des usagers. En ce sens, il pourrait être intéressant de penser des liaisons PTCA/PTCE pour créer des plateformes de partenariat à l’échelle des territoires, favorisant la valorisation du territoire et l’engagement de collectifs pour celui-ci.
Certains exemples peuvent nourrir cette réflexion. Le travail engagé par la coopérative Villages Vivants permet de recréer un lien fort entre habitants et entreprises en réfléchissant à l’impact territorial de leur action dans des territoires à régénérer. Pour redynamiser les centres-bourgs, Villages Vivants achète, rénove des locaux et installe des activités favorisant les rencontres entre habitants. Cette dynamique s’appuie sur les acteurs qui choisissent de placer leur argent dans des foncières urbaines, sur le modèle des foncières de Terres de Liens dans le monde agricole. Ces réflexions mêlent engagement, militantisme de l’épargne et action concrète pour protéger des économies pleines de sens. Basées sur des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), ces foncières sont de réels outils pour le développement de coopérations territoriales mêlant différents collèges d’acteurs, au sein desquels les collectivités ont un rôle majeur à jouer.
Ces nouvelles formes de coopération, basées sur l’usager, peuvent et doivent nourrir le monde associatif. Adhérer est un choix ; contribuer relève dès lors de l’éthique de responsabilité de chacun des adhérents qui ne recherche pas seulement son bien-être mais la possibilité de contribuer aux communs. Cependant, ces coopérations se frottent à une donnée majeure : le temps.
Quels temps pour agir ensemble ?
Si l’engagement est aujourd’hui perçu comme pluriel, il n’en demeure pas moins profondément associé à des concepts historiquement marqués. Les différentes études qualitatives sur l’engagement auxquelles nous pouvons nous référer1
montrent volontiers l’évolution de la durée de l’engagement ou du changement de territoire. Elles font relativement souvent écho à des structures d’engagement stables, ancrées sur les territoires depuis des décennies.
Si ces études nourrissent nos réflexions sur les mouvements et créent par ce biais une historicité des processus, il conviendrait cependant d’étudier des réalités plus agiles. En prenant en compte l’éphémère, voire le temporaire, nous touchons à ce qui constitue aujourd’hui non seulement un repère, mais qui tend aussi à devenir une valeur pour les générations actuelles.
En se nourrissant des exemples offerts par les projets d’occupation temporaire de sites urbains, nous pouvons analyser combien les publics cibles engagés dans ces processus de coopération sont mixtes et contribuent à redéfinir le territoire sur ce temps donné. Les réussites des projets menés par Plateau Urbain et l’association Aurore sur les sites des Grands Voisins ou des Cinq Toits sont à ce titre des modèles de coopération entre acteurs économiques, associatifs et collectivités.
Dans la continuité, les exemples de partage et de mutualisation de services entre acteurs publics, privés et associatifs se retrouvent dans des flottes de véhicules en partage, voire dans la mutualisation de compétences. Restent à créer des mises à disposition de bâtis sur des temporalités évolutives. Les écoles publiques pourraient par exemple bénéficier à des associations pour pratiquer des actions lors des vacances scolaires et en soirées.
La coopération entre acteurs publics et acteurs économiques au sens large du terme est encore trop souvent pensée sur des termes longs, qui font écho à des processus politiques et urbains. Ce temps long laisse la place avant tout au futur, en essayant de garder une trace du passé. La création de communs se fait avant tout au présent, en tentant de se projeter dans l’avenir.
Face à ces réalités protéiformes de coopération, comment sortir de nos schémas traditionnels pour donner plus de souplesse à nos modèles ? Comment conserver l’équilibre entre individu, collectif et notre ressource commune, celle qui est à l’interstice entre l’individu et le collectif et que l’on tente encore de nommer lien ?
- 1Enquête IFOP - France Bénévolat, 2019.