Du 23 au 26 mai 2019 se tiendront les élections au Parlement européen qui verront sept cent cinq eurodéputés élus. Les futurs députés participeront au choix du prochain président de la Commission européenne, et une nouvelle Commission entrera en fonction en novembre 2019. Dans cette optique, des orientations stratégiques sont définies.
La Commission Juncker qui arrive à terme en 2019 aurait reconnu l’importance pour le projet européen du rôle de l’ESS dans le tissu social. L’impulsion donnée pour une Europe sociale constituerait une balbutiante reconnaissance de son rôle clef dans le maintien du lien social, la création d’emplois, et comme une des réponses à apporter face aux inégalités.
Maintenir les dynamiques à l’œuvre et prôner une politique transversale qui s’ancre dans les institutions européennes pour assurer le développement de tous les acteurs de l’ESS, tels sont les enjeux pour l’avenir. Car en pratique, l’ESS modifierait les frontières entre les institutions et les citoyens, donnerait davantage de la lisibilité à l’écosystème institutionnel et irriguerait celui-ci des bonnes pratiques créatrices de la valeur, d’emplois et d’alternatives.
Les valeurs européennes et l’Économie sociale et solidaire
Les valeurs promues par l’ESS sont liées aux fondements de l’Union européenne (UE) et son action en faveur de la paix. En effet, l’UE est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’Homme. Sa vocation est de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses citoyens. Le chemin poursuivi par l’UE a permis de garantir la paix, d’accroître les échanges et de favoriser le développement.
S’est développée en Europe une action de groupements fonctionnant sur la base de principes d’égalité des personnes et de solidarité en promouvant le bien-être collectif. Des spécificités sont intrinsèques à ces structures de l’ESS : leur gouvernance, leur absence de but lucratif ainsi que leur approche ouverte et inclusive.
En matière de participation, les rapports entre les institutions et les citoyens continuent à se chercher, et ces derniers s’affirment dans l’arène européenne. Nul doute que la citoyenneté européenne, bien que renforcée dès l’institution du Parlement, a besoin d’un renouveau. Celui-ci passe par une vulgarisation du travail des institutions avec les citoyens. Améliorer la lisibilité de travaux de l’Union européenne afin qu’elle puisse être mieux comprise devient donc une urgence citoyenne.
La participation aux prochaines élections européennes de mai 2019 demeure un enjeu de taille. Sans les citoyens de l’Europe, le projet ne pourra pas progresser et sera mis à mal par les attaques des mouvements populistes.
Il convient alors de définir un cadre européen en matière d’action sociale. Au Titre I du Traité sur le fonctionnement de l’UE relatif aux catégories et domaines de compétences de l’Union, l’article 3 prévoit que l’Union peut prendre des initiatives pour assurer la coordination des politiques sociales des États membres.
Au sens de l’application du même Traité, Titre II, l’article 9 stipule que dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine.
Ainsi, dans la définition des politiques, la commissaire Marianne Thyssen indiquait poursuivre deux objectifs :
- d’une part, « favoriser la création d’emplois et améliorer la protection sociale »,
- d’autre part, « lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. »
Le cadre de ces objectifs est le livre blanc sur le futur de l’UE publié par la Commission Juncker en 2017.
La dimension sociale de l’Europe, dès lors intégrée, et le Socle européen des droits sociaux pourraient constituer les prémices d’une Europe plus sociale, orientée vers l’ESS. Leur déclinaison opérationnelle se concrétise donc lentement ; reste à faire vivre le contenu de deux documents au-delà de 2019.
L’économie sociale et solidaire réparatrice du lien social dans les sociétés européennes
Les politiques économiques restrictives ont abîmé les classes moyennes et marginalisé davantage les plus exclus en Europe. Résultantes de la politique ultralibérale de la Commission Barroso, les politiques d’austérité sont allées à l’encontre d’un modèle fraternel de vivre ensemble. Force est de mesurer les conséquences de l’ancrage du néolibéralisme de nos jours : l’individualisme accru au détriment du lien social.
Or, les politiques européennes doivent être bénéfiques au bien-être collectif. L’Union européenne a donc tiré des leçons des dommages générés par l’empire du système financier. Déconnectés de l’économie réelle, ces acteurs ne peuvent plus continuer à faire valoir leurs intérêts particuliers par-dessus le bien-être collectif impunément.
Afin de remonter la pente de la crise économique, un nouvel élan pour une Europe sociale a été l’une des priorités de Madame Thyssen. La notion de l’ESS se retrouve dans de nombreux documents de travail, directives et rapports de la Commission Juncker. La participation du tissu associatif européen renforce cette dynamique et implique les citoyens dans cette perspective. Néanmoins, si l’inclusion sociale est d’actualité pour la commission Juncker, elle reste inachevée tant sur le plan de sa lisibilité que sur la pérennité des outils encourageant l’économie sociale et solidaire
Le tissu associatif constitue un apport constructif dans un monde en mutation. Pour certains, la participation à la conduite de l’Europe se limiterait à émettre un choix lors des élections européennes tous les cinq ans. Cependant, la participation à l’animation territoriale par le tissu associatif existe déjà. L’humain s’y retrouve au centre.
C’est également le cas pour la notion d’ESS. Il s’agit de groupements qui fonctionnent sur la base des principes d’égalité des personnes, de solidarité et d’alternative économique. Les expériences démontrent que la notion d’ESS peut être utilisée afin de lutter contre l’exclusion sociale. Elle permet de favoriser la création d’emplois, l’insertion sociale, et elle impacte les mœurs et les comportements. Après la crise de 2008, ce constat n’est pas sans intérêt. Le modèle de l’ESS a pu faire ses preuves dans des nombreux pays où les espaces de solidarité existaient par le passé.
Actuellement, on voit apparaître un intérêt de certains pays du continent pour l’ESS : en Roumanie, en Bulgarie, en Estonie, en Finlande... C’est une dynamique qui semble confirmer l’apport d’une solution opérationnelle aux inégalités d’accès au marché de l’emploi, notamment pout les plus exclus et les personnes en situation de migration, et aux incertitudes de son évolution.
Au moment où les futurs décideurs sont en train de concevoir les orientations pour l’avenir de l’Europe, dans un monde en mutation, le lien qu’il est possible de tisser avec la société civile est une plus-value pour la société. L’exclusion sociale due aux inégalités ambiantes — perçues ou réelles — doit devenir une préoccupation permanente et à part entière de l’Union européenne. Une politique transversale devrait être consacrée aux projets des associations, chantiers d’insertion, coopératives, mutuelles en lien avec les institutions financières de l’économie sociale et solidaire. Leur financement serait ainsi sécurisé — pluri-annualité — pour favoriser la création d’emplois et le vivre ensemble.
Les élections européennes sont un moyen pour la diffusion des idées de l’ESS et la reconnaissance de leur bien-fondé en faveur de la paix en Europe. Les députés.es élu.es pour les cinq prochaines années éliront à leur tour le prochain président de la Commission ; il sera issu de la nouvelle majorité du Parlement. Redonner au rêve européen des valeurs de solidarité, de bien-être collectif et de respect de la dignité de chaque homme sur cette terre est possible et reste entre leurs mains.
L’année 2019 peut-être identifiée comme une année charnière pour l’avenir du projet européen qui doit canaliser les demandes de ses citoyens et, ce faisant, les rapprocher.
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