Partie I : De la nécessité de s’assurer de la véracité des engagements de la production et de la consommation responsable
I. 1. Du consumérisme à la consommation responsable
Tout d’abord, il convient de s’attarder sur ce que recouvre la Responsabilité sociale des entreprises (RSE). La définition de la Commission européenne est utile à cet égard. Elle prend en compte les impacts de l’activité des entreprises et explicite les attentes sociales, environnementales, économiques/éthiques des affaires.
Définition de la RSE par l’Union européenne
La Commission européenne définit la RSE dans sa 3e Communication sur la RSE (2011) comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société. » L’UE a aussi, afin de proposer un cadre pour les entreprises souhaitant s’investir dans le développement durable, a publié en 2001 un Livre vert de la Responsabilité sociale des entreprises. Elle y donnait alors la définition suivante : « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir « davantage» dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes ».
Sur le plan international, la norme ISO 26 000 fait allusion aux 7 principes généraux interconnectés, référence en matière de RSE.
- La gouvernance de la structure
- Les Droits de l’Homme
- Les conditions et relations de travail
- La responsabilité environnementale
- La loyauté des pratiques
- Les questions relatives au consommateur et à la protection du consommateur
- Les communautés et le développement local
Dans ces lignes directrices, l’ISO donne la définition suivante : « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui
- contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ;
- prend en compte les attentes des parties prenantes ;
- respecte les lois en vigueur et qui est en accord avec les normes internationales de comportement ;
- et qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations ».
Sur le plan européen, le Pacte vert mobilise des projets de véhicules réglementaires et des fonds européens pour une transition juste et pour accompagner les ruptures.Sur le plan français, la Loi Pacte1 impose, en effet, une nouvelle mesure qui vise à une plus grande transparence des salaires : l’obligation de révéler certains écarts salariaux pour les entreprises de plus de 1000 salariés. Selon l'article 1933 du Code civil, l'entreprise doit identifier les objectifs sociaux et avec l'article 1835 du Code civil, elle peut inscrire dans son statut une raison d’être. Celle-ci est définie comme « les principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Cette forme de déclaration publique, inscrite dans les fondements de la société, n’est pas nécessairement orientée vers la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux. En effet, rien n’empêche légalement une société de se doter d’une raison d’être qui est de faire du profit, quels qu’en soient le coût ou les impacts.
L'article L210-10 du Code de Commerce crée néanmoins un nouveau statut, celui de société à mission (crée par la loi PACTE). En parallèle aux véhicules cités plus haut, le rapport de gestion de l’entreprise demeure de l’actualité. Celui-ci porte essentiellement sur la situation de la société durant l’exercice écoulé et apporte un éclairage sur celui qui s’engage. C’est un complément des états financiers annuels dont le but est de présenter les commentaires et les différentes analyses de l’équipe de direction sur les comptes. Le rapport de gestion est un document dont la lecture est recommandée aux actionnaires puisqu’il fait un point sur la situation de la société, mais aussi sur son évolution prévisible.
Crée en 2013, la Plateforme RSE est placée sous l’autorité de la Première ministre. Elle a la double mission d’émettre des recommandations sur les questions sociales environnementales et de gouvernance soulevée par la responsabilité sociétale des entreprises. L’ensemble de ce cadre réglementaire est de susciter l’attention des entreprises envers la démarche RSE et d’y trouver leur intérêt. S’agissant d’une démarche à long terme elle peut entrer en conflit avec les intérêts des actionnaires, placés eux à plus court terme. Il est à noter que l’ensemble de la démarche peut interroger la loyauté dans la concurrence : ceci est particulièrement vrai à l’heure de soulever des allégations mensongères en matière sociétale et environnementale.
Les risques de la protection du consommateur peuvent néanmoins amener les entreprises à être opposables. Quand bien même le droit se trouverait en pleine mutation, la possibilité existante est maigre.Loi Climat et résilience a créé un tel dispositif, mais d’autres schémas sont-ils envisageables ? La RSE soulève en effet la question du rôle croissant du consommateur désireux de vérifier la véracité des données renseignées. Nous sommes dans une société de l’hyperresponsabilisation et de la vigilance. Des outils se créent pour assurer la véracité, tels des labels : l’exemple de My Label2 est mis en avant.
Considère-t-on pour autant que le législateur soit à même de savoir-faire une fois les applications mises sur le marché ? Auparavant, l’engagement RSE n’avait pas d’impact envers le consommateur. Si non respect il y avait, l’infraction était de moindre nature. Tandis que de nos jours, les consommateurs se posent plus de questions. Les années à venir verront émerger des actions dont à l’origine se trouvent les associations de consommateurs d’une part, et la puissance publique — DGCRF — pour le non-respect des critères et normes, d’autre part.
Il est possible d’observer que l’autorégulation est arrivée par les organisations, par l’intermédiaire des règles publicitaires/professionnelles/d’un Jury déontologique publicitaire (JDP). Cependant, des clauses RSE et de manquement contractuel en cas d’absence de respect de charte éthique voient le jour. Il est question de mettre en lumière le fairwashing/blanchiment éthique : affichage d’engagements éthiques sur les droits des travailleurs non respectés.
I. 2. Comment les consommateurs perçoivent-ils les engagements des entreprises ?
Il est possible de citer différents types d’attentes de la part des consommateurs — liste non exhaustive ci-dessous — :
- Critères du local, de la qualité et de la durabilité qui engagent le fournisseur sur l’ensemble de la chaîne.
- Transparence dans le moteur de recherche en fonction de critères (national, régional, local)
- Transparence sur l’affichage produit : origine, métiers, pratiques.
- CAMIF se positionne depuis 2007. Différence sur l’e-commerce.
- En quoi l’entreprise est-elle utile à la société ? Question structurante des échanges qui s’en sont suivis.
Ces objectifs de missions matérialisent une tendance de consommation, dont l'impact dans la marque. Il est cherché qu’il ne le soit pas au détriment de la performance même si une perte de valeur économique à court terme peut se dessiner.
- Valorisation du CO2 en Europe.
- Catalogue écocircularité : embarquer l’écosystème du producteur.
- Catalogue écoconception : principe recteur à l’avenir pour la fabrication des produits.
- La sincérité des entreprises peut-être également un levier de performance : les collaborateurs peuvent décrypter facilement les allégations.
Les objectifs généraux de ce type de solutions sont d'enrichir l’information produit, d'accompagner ses clients dans leur transition, de démontrer ses engagements à l’appui d’une information crédible.Parmi les limites du label, on trouve la difficulté à se faire connaitre et à trouver l’adhésion du consommateur3 .
Quelles sont les difficultés internes des entreprises dans l’engagement extrafinancier ? En 2020, sont comptabilisées en France 672 entreprises à mission, en augmentation de 14 % par an. Le dirigeant affiche globalement une appétence pour entamer le chemin de la transformation. Cette volonté ne se délègue pas. C’est la gouvernance qui doit engager les collaborateurs, travailler à la traçabilité et aux objectifs connus de tous, elle doit également veiller au partage d’informations entre pairs.
Une certaine complémentarité existe entre la mission et la RSE3 .Mais une certaine hétérogénéité des sociétés existe. Cela induit une maturité aussi différente que non représentative. Certaines ont été déclenchées par des marqueurs particuliers, d’autres sont poussées par les applications.
Partie II : Comment créer de l’adhésion à une économie de la circularité et de la fonctionnalité pour s’aligner avec le développement durable, mais surtout pour la survie de la planète et l’humanité
Une attention est portée au point de bascule dans lequel nous nous trouvons de nos jours : du fait de nombreuses crises en cours et du fait de crises à venir. On observe néanmoins une certaine incapacité à comprendre le changement, il est urgent de faire appel aux disciplines molles telle la sociologie pour éclairer les acteurs en France et en UE. Cependant, une coalition internationale entre ceux qui font avancer les choses commence à faire progressivement son chemin (par le biais de la Due Diligencie qui vise à impacter les chaînes de valeur de la production/entreprises)
Les grands traits relatifs aux freins au développement durable par le maintien de la consommation de masse sont listés ci-dessous :
- L’enjeu de la compréhension de la démarche dans sa globalité — positionnement sur la philanthropie, sur la transformation, sur les deux à la fois…Il devient, en effet, urgent que les dirigeants connaissent les tenants et les aboutissants de la démarche de la circularité.
- Problème d’indicateurs de mesure pour piloter avec une bonne grille de lecture, qui soit connue de tous.
- Injonctions contradictoires à court et à moyen terme.
- Tendance à dissocier l’aspect environnemental et le social.
- Dimension des transformations à venir engagent tant l’écosystème dans son amont et son aval.
- Il reste que la mobilisation des entreprises et de toutes ses parties prenantes demeure une nécessité.
II. 1. Certaines entreprises sont originellement alignées avec ces ambitions pour une prospérité responsable. Ce sont les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Quelle place occupe ce secteur dans l’économie française aujourd’hui ?
L’ESS correspond à des modèles économiques directement orientés vers une consommation responsable (ODD 12). La Commission Juncker arrivée à terme en 2019 aurait reconnu l’importance pour le projet européen du rôle de l’ESS dans le tissu social. L’impulsion donnée pour une Europe sociale constituerait une balbutiante reconnaissance de son rôle clé dans le maintien du lien social, la création d’emplois, et comme une des réponses à apporter face aux inégalités. Maintenir les dynamiques à l’œuvre et prôner une politique transversale qui s’ancre dans les institutions européennes pour assurer le développement de tous les acteurs de l’ESS, tels sont les enjeux pour l’avenir. Car en pratique, l’ESS modifierait les frontières entre les institutions et les citoyens, et irriguerait celui-ci des bonnes pratiques créatrices de la valeur, d’emplois et d’alternatives.
À l’heure où l’euroscepticisme et l’europhobie mettent en cause l’avenir commun des sociétés européennes, il convient de faire masse autour d’un projet européen porteur d’avenir pour les citoyens. Le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), miroir de la diversité européenne, peut être un levier pour façonner les politiques européennes au service de l’intérêt général. L’ESS s’est beaucoup développé depuis 2015 avec le « Paquet économie circulaire » (7 directives)
Les valeurs promues par l’ESS sont également liées aux fondements de l’Union européenne (UE) et son action en faveur de la paix. En effet, l’UE est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’Homme. Sa vocation est de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses citoyens. Le chemin poursuivi par l’UE a permis de garantir la paix, d’accroître les échanges et de favoriser le développement.
L’économie sociale et solidaire serait réparatrice du lien social dans les sociétés européennes. Les politiques économiques restrictives ont abîmé les classes moyennes et marginalisé davantage les plus exclus en Europe. Résultantes de la politique ultralibérale de la Commission Barroso, les politiques d’austérité sont allées à l’encontre d’un modèle fraternel de vivre ensemble. Force est de mesurer les conséquences de l’ancrage du néolibéralisme de nos jours : l’individualisme accru au détriment du lien social. Or, les politiques européennes doivent être bénéfiques au bien-être collectif. L’Union européenne a donc tiré des leçons des dommages générés par l’empire du système financier. Déconnectés de l’économie réelle, ces acteurs ne peuvent plus continuer à faire valoir leurs intérêts particuliers par-dessus le bien-être collectif impunément.
Afin de remonter la pente de la crise économique, un nouvel élan pour une Europe sociale a été l’une des priorités de Madame Thyssen. La notion de l’ESS se retrouve dans de nombreux documents de travail, directives et rapports de la Commission Juncker. La participation du tissu associatif européen renforce cette dynamique et implique les citoyens dans cette perspective. Néanmoins, si l’inclusion sociale est d’actualité pour la commission Juncker, elle reste inachevée tant sur le plan de sa lisibilité que sur la pérennité des outils encourageant l’économie sociale et solidaire.
Le tissu associatif constitue un apport constructif dans un monde en mutation. Pour certains, la participation à la conduite de l’Europe se limiterait à émettre un choix lors des élections européennes tous les cinq ans. Cependant, la participation à l’animation territoriale par le tissu associatif existe déjà. L’humain s’y retrouve au centre.
II. 2. Au-delà des transformations que les entreprises peuvent entreprendre par elles-mêmes, un cadre normatif pour les guider vers cette nouvelle de prospérité n’est-il pas nécessaire ?
Le levier normatif est nécessaire pour un passage à l’échelle d’une prospérité plus responsable. On citera ci-dessous les principaux leviers identifiés :
- Le premier levier activable est proposé par la Plateforme RSE : donner du pouvoir aux ONG en rendant le name & shame juridiquement opposable
- Le second levier activable proposé par la CCC est régulation de la publicité (antigreenwashing / fairwashing)
- Le troisième levier activable serait de lutter contre la démultiplication des labels sociaux et environnementaux/se doter d’une régulation de ces labels
- Enfin, pourquoi ne pas aller jusqu’à un seul et unique label ODD ?
Tous les jours, nous observons que le fait associatif est l’un des piliers de la vitalité démocratique. Nous valorisons également sa contribution à la création de valeur économique comme au lien social. Cela passe notamment par le développement de leur pouvoir d’agir, mais aussi de la capacité des organisations à agir en coopération, de la remise en cause de la logique de compétition.Cela implique également de bousculer nos représentations de la valeur et de l’utilité sociale, pour que l’engagement et le fait associatifs soient reconnus comme des forces transformatrices de premier plan.
- 1Cette loi, en vigueur depuis 2019.
- 2Il s’agit d’une application mobile, développée par la société myLabel, de notation de produits selon des critères sanitaires, environnementaux et sociaux grâce à l’expertise d’associations et ONG indépendantes. En complément du Nutri-Score, myLabel vous indique la qualité nutritionnelle des produits en l’adaptant au sexe, à l’âge et à la portion moyenne réellement consommée. L’information que donne l’application se situe au plus près du consommateur et en amont à l’acte d’achat de celui-ci. Cette application peut être considérée comme un miroir, un moyen situé en amont de la loi qui permet de pratiques sans prendre des risques.
- 3 a b Guide des bonnes pratiques élaboré conjointement avec le MTE, l’ADEME et MEFSIN. Publication attendue avant fin 2022. Il a été publié en 2014 et pour donner suite à l’une des recommandations du Grenelle de l’environnement. En cours d’actualisation par l’administration actuelle.