Cet article est une contribution de la version numérique enrichie de la Tribune Fonda n°236. Il ne figure pas dans la revue papier.
Engagée depuis 2009 pour l’accrochage et la réussite scolaires des élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés au Maroc, la Fondation Sanady s’appuie sur un modèle économique où le secteur privé est mis à contribution pour l’amélioration de la performance scolaire des élèves de l’école publique, à travers notamment le financement de cours de soutien scolaire.
Elle dispose de son propre modèle pédagogique, reconnu par l’État, et s’appuie sur des métiers et compétences spécifiques pour participer, à son échelle, à l’équité des chances au niveau de ces zones d’intervention.
Contribuer localement à répondre aux besoins socio-éducatifs
Depuis bientôt neuf ans, l’action de la Fondation Sanady s’inscrit dans le cadre d’un contexte éducatif national qui se singularise globalement par les caractéristiques suivantes :
- Le constat consensuel de l’échec et l’absence de projet éducatif adapté ;
- Des taux d’apprentissage alarmants relevés par toutes les évaluations nationales et internationales, avec un déficit de qualité de l’enseignement qui est en partie responsable de l’abandon et l’échec scolaires ;
- La volonté partagée de capitaliser sur les diagnostics successifs depuis la Réforme de 2000 ;
- La mobilisation de toutes les parties et ressources en vue de la réalisation des objectifs de la Vision Stratégique 2015-2030 pour l’éducation et la formation.
Un.e élève qui se rend à l’école cinq jours par semaine et qui n’apprend rien se démotive, et court un risque accru d’abandon et de décrochage - en particulier dans les foyers précaires, avec une vulnérabilité accentuée pour les filles des zones rurales.
Quelques chiffres alarmants (mais qui évoluent « positivement » sur les 50 dernières années)
- Malgré de réels progrès en matière de scolarisation des enfants marocains, la moyenne du nombre d’années de scolarisation pour les +de 15 ans est très basse : seulement 5,6 années (même pas le cycle primaire complet !).
- Rentrée 2016-2017 : 218 141 décrochages (Source : Cour des comptes).
- Entre les années scolaires 2011-2012 et 2014-2015, le taux de décrochage scolaire dans le secondaire est passé de 10,4% à 12,2% (source : Ministère de l’Education Nationale marocain).
- Jeunes de 15-24 ans NEET (ni à l’école, ni en formation) : 1,7 million (27,6% en 2016)
Et pourtant (le paradoxe) :
En 2018, 25% du budget de l’Etat sera affecté à l’Education nationale (en 2015 : 22,2%)
Pour répondre à cette problématique sociétale, la Fondation Sanady propose depuis 2009 des Activités Scolaires Complémentaires après l’école, dont principalement le soutien scolaire. En parallèle, les activités périscolaires (théâtre, sports, arts et culture, etc.) apportent la brique supplémentaire pour consolider l’épanouissement et l’éveil des élèves bénéficiaires.
Elle dispose de son propre contenu pédagogique, et s’appuie pour certains
segments sur celui développé par les experts du ROLL (Réseau des Observatoires Locaux de la Lecture).
Et pourtant, elle n’est ni un Groupe scolaire ni une école privée, elle opère clairement en tant que structure non lucrative d’utilité sociale. Le développement de son expertise en Sciences de l’éducation et de la pédagogie s’est fait progressivement, avec un rythme adapté qui lui a permis de consolider la boite à outils dans la durée.
En 2018, elle envisage de partager sa mallette pédagogique en ligne (cf. ci-dessous), à la disposition des autres enseignant.e.s qui souhaitent l’utiliser dans le cadre de leurs activités - avec la possibilité d’une formation à son usage.
Le modèle pédagogique et sa boîte à outils
Pensée, conçue et élaborée par une équipe pédagogique pluridisciplinaire, elle se veut une boite à outils pédagogiques et didactiques mise à la disposition des enseignants de la Fondation Sanady. Elle se compose de ressources, d’outils et de supports pédagogiques et didactiques relatifs aux matières privilégiées (français et les mathématiques pour le primaire et le collège, plus la physique chimie pour les trois niveaux de ce dernier cycle).L’ensemble des fiches pédagogiques sont élaborées dans un souci de formalisation claire et nette de trois orientations fondamentales :
- Le geste professionnel de l’enseignant.
- Une posture de l’élève.
- Des activités pédagogiques le plus possible significatives, cohérentes et adaptées.
Mobiliser les compétences spécifiques en Sciences de l’éducation et pédagogie
Dès l’origine, le directeur pédagogique de Sanady a mis à profit sa solide expérience au sein de l’Éducation nationale (en tant qu’enseignant puis inspecteur) afin de proposer un modèle pédagogique de qualité, qui puisse être suffisamment innovant pour capter l’intérêt des élèves et motiver les professeurs.
Le dispositif vise notamment la remédiation (dite non institutionnelle) ainsi que le renforcement des acquis et des apprentissages des élèves au niveau des matières jugées prioritaires pour la réussite de leur parcours scolaire (le français et les mathématiques).
En-dehors du temps scolaire, la méthodologie de remédiation se décline globalement en trois phases, pour les matières scientifiques (mathématiques, sciences physiques) :
Phase 1 - Émergence de la difficulté
Proposition et gestion d’activités et de situations pédagogiques selon une démarche qui vise à faire émerger la difficulté en faisant en sorte que les élèves en prennent conscience et s’aperçoivent des déficits qui la sous-tendent (elle est mieux surmontée lorsqu’elle est conscientisée).
Phase 2 - Traitement de la difficulté
Grâce aux interactions, à des rappels, à des exemples, etc., il s’agit de mettre à disposition des élèves les divers outils conceptuels et procéduraux nécessaires pour l’évincer.
Phase 3 - Ancrage et stabilisation
Il est question de mettre les élèves en situation d’équilibre en les amenant à réinvestir les outils et les ressources qu’ils ne maîtrisaient pas initialement dans des situations et des activités pédagogiques de la même famille que celles qui ont servi lors des deux premières phases.
Pour le cas du soutien en langue française, le dispositif pédagogique mis en place vise le renforcement et le développement des deux aptitudes fondamentales : la compétence orale (comprendre et produire de l’oral) et la compétence écrite (orientée principalement vers la compréhension de l’écrit, la lecture).
Relever le défi de la formation continue pour assurer la progression
Au niveau des « nouveaux » métiers, le principal défi concerne d’une part la formation continue (soit environ 200 enseignant.e.s) et d’autre part la formation de formateurs pour les associations qui souhaitent dupliquer localement le modèle de Sanady.
Les enseignant.e.s sont précisément au cœur du dispositif de réussite de l’élève, et donc de l’utilité effective du projet associatif pour accompagner celles/ceux qui le souhaitent. Leur implication se renforce dans la durée par l’amélioration continue de leurs compétences humaines et professionnelles.
Ils/elles bénéficient déjà de ce type de formation, dans le cadre notamment d’un protocole de supervision pédagogique. Pour l’année à venir, il s’agit de systématiser et professionnaliser la démarche.
Plusieurs options sont ainsi envisagées : y répondre en interne en créant une nouvelle fonction de formateur, ou recourir à des formateurs externes, par exemple dans le cadre d’un partenariat technique et/ou financier. Dans les deux cas de figure, un plan de financement dédié devra être développé afin d’en assurer la faisabilité et durabilité.
Pour bien s’y préparer, il est essentiel d’avoir à l’esprit que la formation continue est un métier à part entière, autant que la formation de formateurs. Sa conception s’appuie sur une méthodologie bien spécifique, qui fait intervenir tant les savoirs et savoir-faire propres aux métiers (sciences de l’éducation, de la pédagogie, de la didactique, des sciences cognitives et comportementales, etc.), que la formation à la communication efficace ou la gestion des conflits. Un accompagnement spécialisé devient nécessaire. Reste à en définir les modalités…