Projets en coopération

Faire (ensemble) système ? - Université du Faire ensemble

La Fonda
Et Florence Provendier, Alexandre Giraud, Fondation de France, Bastien Engelbach, Luc Hansen
L’approche systémique se renforce dans les différentes strates de la société : monde associatif, entrepreneurial, public et académique. Elle résonne avec le constat de la complexité des enjeux et défis contemporains, qui nécessite le croisement des expertises. Les Objectifs de développement durable (ODD), objets d’un récent rapport, formalisent et donnent un cadre à cette vision. En conséquence, les pratiques de soutien et d’accompagnement des projets d’intérêt général évoluent. Comment mieux relier les initiatives porteuses de changement entre elles ? Comment renforcer les coopérations ?
Faire (ensemble) système ? - Université du Faire ensemble
Université du Faire ensemble © Sébastien Thubert / Agathe Thiebeaux - La Fonda

Animée par Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda, cette quatrième table-ronde de la 7e édition de l'Université du Faire ensemble a réuni Florence Provendier, alors députée de la 10e circonscription des Hauts-de-Seine et Alexandre Giraud, directeur du mécénat à la Fondation de France.

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Les objectifs de développement durable (ODD), un langage commun pour faire ensemble système

Florence Provendier, alors députée, a remis en février 2022 un rapport sur les Objectifs de développement durable (ODD) à la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili1 .

Ce rapport avait pour but de mieux faire connaître les 17 ODD et d’établir un état des lieux sur l’avancement de leur appropriation en France. Il avait également pour ambition, en positionnant les ODD comme une grammaire universelle, de favoriser le dialogue entre État, collectivités, entreprises, associations, citoyens, etc.

Cela vaut également à l’international. L’intérêt des ODD, et de l’approche systémique sur laquelle ils se fondent, est qu’ils n’ont pas été construits par un seul pays « vertueux », mais par plusieurs États, en lien avec des représentants de la société civile.

Ce facteur favorise le dialogue pluriacteurs, à toutes les échelles de l’action collective.

Pour Florence Provendier, l’État peut avoir un rôle « mobilisateur et facilitateur » dans cette approche. Néanmoins, pour amplifier ce rôle, il lui est nécessaire d’actualiser et de piloter la Feuille de route de la France pour l’Agenda 2030, présentée en septembre 2019 par Élisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique et solidaire.

Cette feuille de route, encore trop confidentielle, a besoin d’un portage politique et d’une traduction en objectifs évaluables. Son pilotage pourrait s’appuyer sur la création de coalitions et de groupes de travail ad hoc.

Les ODD seraient un logiciel parfaitement adapté pour engager la transformation de l’action publique. À l’instar du Budget vert, les budgets de l’État et des collectivités pourraient être analysés à l’aune de leur contribution aux ODD.

Une méthode d’analyse d’impact, mesurant l’atteinte ou non des ODD, pourrait également être appliquée à l’ensemble des stratégies et plans d’investissement nationaux.

La feuille de route de la France pour l'Agenda 2030, encore trop confidentielle, a besoin d'un portage politique et d'une traduction en objectifs évaluables.

L'adaptation stratégique de la Fondation de France vers une approche systémique

La Fondation de France structure son action autour de 40 programmes, dans tous les domaines de l’intérêt général : vulnérabilités, recherche médicale et santé, environnement, enfance et éducation, solidarités internationales, etc.

Les équipes de ces programmes coordonnent des comités d’experts « brillants », mais qui ne travaillent pas ensemble. Pour Alexandre Giraud, la mise en réseau de leurs expertises et le développement d’un travail en commun entre les différents programmes leur permettraient d’avoir un impact plus important. Il faut « se doter d’un cap commun » pour faire évoluer le fonctionnement de la Fondation.

En 2022 la Fondation de France fait un autre constat : la superposition des crises. Aux crises du COVID-19, environnementales et sociales est venue s’ajouter la guerre en Ukraine. Ces crises ne se superposent pas, mais, emboîtées les unes aux autres, s’amplifient mutuellement.

Face à ces situations, des consultations ont été organisées. Plusieurs constats en ont été tirés pour s’adapter aux évolutions contemporaines :

  • Pour faire ensemble il faut du temps, c’est le côté chronophage du partenariat. « Il faut laisser vivre une intention pour lui permettre d’exister ». Dans cette perspective, la Fondation favorise l’octroi de subventions sur trois ans plutôt qu’un seul. Pour permettre un pilotage flexible, chemin faisant.
  • Il faut également composer avec chaque partie prenante. Faire ensemble nécessite de l’écoute, et une compréhension de sa place dans la communauté d’action, pour affiner son propre fonctionnement au sein de celle-ci.

Un récit commun entre émotionnel et relationnel : la méthode d'évaluation d'impact en question

Quelle est la bonne méthode d’évaluation d’impact à adopter ? La bonne grille d’analyse pour prendre en compte les enjeux contemporains ?

Selon Florence Provendier, le récit commun que constituent les ODD est intéressant non seulement parce qu’ils sont coconstruits par plusieurs États, mais également parce qu’ils permettent de « construire des ponts » entre les différents mondes : entreprises, secteur public, associations, société civile, etc.

Par exemple, un collège de Nancy utilise les ODD pour faire évoluer la vie scolaire en associant parents, professeurs, élèves, techniciens, etc. dans son évaluation. On y trouve aussi des classes Ulis qui permettent à chacun de participer aux projets de l’établissement par des actions concrètes sur la consommation d’eau, les circuits courts, etc.

Ces classes permettent aussi d’avoir un impact économique et social : les locaux sont plus respectés, il y a plus de réussite scolaire et de capacité à vivre ensemble, il y a moins de gaspillage et d’absentéisme.

Pour Alexandre Giraud, les ODD ne suffisent pas. Ils peuvent servir « d’indicateurs de développement global », en indiquant des thématiques à  rendre en compte pour s’assurer qu’un projet tienne compte, de la façon la plus large possible, des sujets d’intérêt général. Mais ils ne permettent pas de tout évaluer.

Ils ne permettent pas, par exemple, d’évaluer la qualité des liens avec les acteurs locaux et les habitants, ni les liens entre les ODD. L’évaluation doit aussi comporter une prise en compte des émotions (qui permettent notamment l’expression de la synthèse des situations complexes), de la participation des parties prenantes et inclure une perspective de pilotage.

Le directeur du mécénat fait également remarquer que l’une des spécificités des fondations philanthropiques est que la nature même de leur action a pour corollaire une forte liberté dans la manière d’exprimer la redevabilité de leur impact. Cette spécificité leur permet d’avoir une plus grande liberté dans les stratégies qu’elles souhaitent adopter. C’est sur cette note dynamique que conclut Alexandre Giraud : « Testons et inventons ! »

Conclusion

Les ODD peuvent servir de langage commun pour faire ensemble et encourager les approches systémiques.

Alors que nous sommes pratiquement à mi-chemin entre l’adoption des ODD et l’échéance de 2030, l’État pourrait s’en faire l’ambassadeur en portant et pilotant la Feuille de route de la France pour l’Agenda 2030, encore trop confidentielle.

Alors que la transition écologique est (enfin) au cœur des débats politiques, celle-ci ne peut s’envisager sans une économie innovante qui favorise la prospérité de tous, qui préserve nos biens communs et assure une réelle solidarité universelle : nous avons la feuille de route et il nous reste 8 ans !

La nouvelle stratégie de la Fondation de France fait écho au développement des approches systémiques et se traduit par une volonté de développer plus fortement la coopération entre ses différents programmes. Elle coïncide également avec une volonté d’innovation face à des crises interconnectées.

Selon Alexandre Giraud, les ODD peuvent servir de cadre globale à l’évaluation de l’action, mais doivent être complétés pour tenir compte des activités locales de la Fondation où l’humain tient une place essentielle.

Ce compte-rendu a été rédigé par Luc Hansen de la Fonda et relu par Florence Provendier et Alexandre Giraud dans le cadre de leur participation à l’Université du Faire ensemble organisée par la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.

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  • 1Le rapport de Florence Provendier sur les Objectifs de développement durable est disponible sur le site internet de l'Agenda 2030.
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