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La politique souffre d’un paradoxe. Alors qu’elle est associée à l’idée d’engagement, voire sa forme la plus noble, capable de porter des transformations durables, une crise politique profonde s’observe. Elle porte notamment sur sa capacité réelle à changer les choses du politique, sur la sincérité et la représentativité des élus. Quelles sont les différentes facettes de l’engagement politique ? Dans quelle mesure les associations et une évolution des institutions peuvent-elles revivifier la démocratie ?
Politique et engagement : être un acteur du changement
La politique renvoie à « l’art, la manière de diriger, en vue du bien commun, toutes les activités d’une société1 ». Elle revêt intrinsèquement un pouvoir de changement des personnes concernées, selon Michel Maietta, et est donc liée à l’engagement.
Il observe une double relation entre l’engagement et le pouvoir : « Le pouvoir est un élément déclencheur de l’engagement, mais aussi le pouvoir est l’effet recherché par l’engagement ».
L’engagement politique peut prendre diverses formes : en militant dans un parti politique, en participant à l’élection des représentants ou à des dispositifs de démocratie directe par exemple. Pour avoir été élue à Paris, Pauline Véron souligne que « le fait d’être élue est une forme d’engagement politique total, c’est une fonction permanente. » L’engagement politique se manifeste également dans les associations : « elles se mobilisent pour défendre une société juste, équitable, enfin meilleure », complète Michel Maietta.
Aujourd’hui, les citoyens veulent s’engager en politique, mais pas dans le cadre d’un parti qui dispose d’un corpus idéologique global. Ils préfèrent s’engager directement pour des causes, comme la lutte contre l’exploitation des ressources naturelles, note Pauline Véron. Cela témoigne d’une défiance forte à l’égard des partis politiques.
Une défiance accrue à l'égard du personnel politique
Pauline Véron explique cette situation en partie par l’effondrement dans les années 1990 d’un monde très idéologisé, celui de la Guerre froide. L’opposition entre les deux grandes puissances — les États-Unis et l’URSS — structurait jusqu’alors la vie politique.
Il semble que la chute du mur de Berlin en 1989 ait conduit à une désagrégation des partis politiques, en raison d’une désaffection à leur égard liée à une forme de désenchantement. Les partis politiques sont en crise aujourd’hui, alors même qu’ils « peuvent être émancipateurs de l’individu en proposant des lieux de socialisation et d’éducation populaire et un cadre de réflexion et de construction de solutions politiques », témoigne Pauline Véron.
À cela s’ajoute une défiance des citoyens à l’égard du personnel politique, qui est considéré comme inefficace pour relever les défis contemporains. Pauline Véron identifie deux raisons principales : le peu de marges de manœuvre du personnel politique par rapport au poids de la finance et de l’économie, ainsi que le manque de représentativité des élus par rapport à leurs concitoyens.
Michel Maietta complète cette analyse en soulignant le fait que « dans les cercles démocratiques, certains hommes et femmes politiques détournent le pouvoir pour leurs intérêts personnels et ont perdu le sens de l’engagement politique : celui de contribuer à la vie démocratique et de construire une société meilleure ».
L'engagement associatif comme contre-pouvoir politique
« Dans un système politique qui ne fonctionne plus très bien, les associations peuvent être un excellent relais et contrebalancer l’incarnation politique », remarque Michel Maietta, tout en précisant « que nul n’est parfait. Le pouvoir peut corrompre n’importe quelle structure, y compris les associations ».
Michel Maietta distingue deux types d’associations en fonction de l’inclusion dans leur gouvernance des personnes concernées par leur mission. D’un côté, il existe les associations créées et gouvernées par des personnes directement concernées par la mission de l’association, comme AIDES pour la lutte contre le sida et les hépatites ou bien encore ATTAC pour la justice fiscale, sociale et écologique.
De l’autre, les associations créées et gouvernées par des personnes ayant une sensibilité pour une cause, sans être directement concernées, par exemple, Action contre la faim qui lutte contre la faim dans le monde.
Cette distinction a son importance. Dans les associations gouvernées exclusivement par des personnes ayant une sensibilité pour une cause, Michel Maietta observe « une professionnalisation de la structure aboutissant à des simulacres d’engagement où les personnes ne luttent plus réellement pour le changement, la survie de l’association prend ainsi le dessus sur sa mission ».
Il recommande d’inclure systématiquement dans la gouvernance les personnes concernées par la mission de l’association, afin de ne pas perdre le sens des réalités et produire une vraie valeur ajoutée vers les changements attendus.
Cette approche pourrait se transposer à une échelle plus vaste : celle de la démocratie, où les associations gouvernées par des personnes concernées exercent aussi un rôle de relais face à des engagements politiques défaillants ou déviés.
La construction d'institutions plus ouvertes et participatives
« Il est devenu nécessaire de développer une démocratie participative, au service d’une démocratie vivante », insiste Pauline Véron. L’envie des citoyens est là, comme elle a pu le constater par exemple lors de l’organisation du Grand débat national à Paris. Elle en tire deux enseignements : l’intérêt réel des Français pour le débat public et leur bonne connaissance des grands sujets de société.
La participation des citoyens à des dispositifs de démocratie participative permettrait de redonner du sens au fait d’être citoyen en dehors des élections, de valoriser leur expertise d’usage, et ainsi de construire des politiques publiques plus efficaces.
Compte tenu de la crise politique actuelle, la démocratie participative ne peut pas tout résoudre, selon Pauline Véron. « Nous avons besoin de changer aussi les règles du jeu, car les outils de la Constitution de la Ve République ne correspondent plus aux aspirations des citoyens d’aujourd’hui », estime-t-elle.
Elle rêve d’organiser en France une assemblée citoyenne constituante, comme cela s’est fait récemment au Chili, en Irlande et en Islande. Ce serait l’occasion d’établir un nouveau pacte social et politique national, et plus globalement un nouveau projet pour vivre ensemble.
Michel Maietta conclut en rappelant que tout le monde est concerné directement ou indirectement par une cause. Il invite chacun à s’engager afin d’être pleinement un acteur du changement.
Conclusion
L’engagement politique s’avère protéiforme et ne se limite pas au vote. Les associations sont des espaces privilégiés, pour les personnes concernées par une cause, de faire entendre leur voix, de structurer ensemble une action collective et d’être ensemble des actrices du changement politique.
Face à la crise démocratique, un nouveau pacte social et politique apparaît nécessaire pour refaire société. Au-delà des innovations démocratiques, il s’agit d’un élan collectif à soutenir.
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Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti de la Fonda et relu par Michel Maietta, Charlotte Debray, Anna Maheu, Agathe Thiebeaux et Pauline Véron dans le cadre de la journée d'étude de la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.
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- 1Centre national des ressources textuelles et lexicales, « Politique », Ortolang, [en ligne], consulté en avril 2023.