Cette note d'éclairage de la Fonda fait suite aux réflexions engagées lors de l'atelier « Associations et territoires » organisé lors de l'université de prospective de novembre 2011, et animé par Romain Guerry (CEGES), avec l’appui de Pierre Vanlerenberghe (Fonda), Brigitte Giraud (CELAVAR), Luc de Backer (RNMA) et Georges Gontcharoff (Adels).
Le local est-t-il aujourd’hui le terreau de nouvelles synergies associatives ? Le modèle d’organisation classique que représente la fédération d’associations semble en déclin. Peut-on, dès lors, imaginer que la mutualisation des moyens qui se fait actuellement sous contrainte en raison de leur rareté, se transforme en mutualisation intelligente, c’est-à-dire en regroupements d’associations autour de projets communs sur un territoire donné ?
À partir de cette nouvelle structuration, quel type d’organisation les associations peuvent-elles se donner au plan national et européen ? Autrement dit, existe-t-il des modèles alternatifs qui puissent s’étendre au-delà d’un territoire donné ?
Les conséquences de la nouvelle organisation des collectivités territoriales sont nombreuses : transferts de l’État vers les collectivités sans les moyens à la hauteur des exigences qu’on leur pose, phénomène de polarisation territoriale, inégalités territoriales croissantes, déserts ruraux et ghettos urbains. Ces dynamiques nouvelles ont contribué à transformer l’image des collectivités territoriales, aujourd’hui considérées comme les premiers partenaires des associations.
Des territoires comme points d’ancrages au développement de la vie associative
On constate aujourd’hui un formatage excessif par les pouvoirs publics et une logique de mise en concurrence progressivement renforcée de Paris à Bruxelles. Parallèlement à ces mutations, on observe un fort développement des solidarités territoriales en même temps qu’un déclin des fédérations.
Il semblerait que les innovations soient aujourd’hui essentiellement portées par les nouvelles associations toujours plus mobiles (télétravail, accélération des projets…), dont le rapport au temps est aussi plus immédiat. Comme en politique ou en économie, le court terme a tendance à l’emporter sur la vision à long terme.
Risques à venir et opportunités à saisir
Quel que soit le scénario à l’avenir, le risque d’accroissement des inégalités territoriales est grand. Tandis qu’en zone rurale, les ressources humaines et financières restent difficiles à mobiliser, en zone urbaine, la marchandisation, considérée comme plus facile, conduit à l’exclusion des plus démunis avec la crainte que ni les pouvoirs publics, ni les associations n’aient les moyens d’assumer à terme les besoins des plus défavorisés.
Les risques sont de deux ordres : le premier concerne les relations entre l’État et les collectivités qui deviennent de plus en plus conflictuelles du fait d’injonctions contradictoires de la part de l’État poussant des associations prises en étau à devoir arbitrer. Le second implique les clusters territoriaux, qui, s’ils se mettaient en place, pourraient être menacés d’être instrumentalisés par des clusters plus organisés, plus puissants, y compris au sein des associations.
Ces menaces peuvent cependant faire l’objet d’une autre lecture, et apparaître également comme des opportunités à saisir. C’est ainsi l’occasion pour bon nombre d’associations de libérer leur créativité, de multiplier les initiatives et de nouer de nouvelles solidarités de proximité, au plan urbain comme au plan rural. À condition de se donner les moyens d’une ambition – difficile à maintenir – de pratiquer une péréquation entre territoires riches et pauvres.
C’est aussi l’occasion pour les associations de mutualiser leurs moyens et de créer de nouvelles alliances entre secteurs sur l’ensemble des territoires afin de renforcer leur action politique à l’échelon local comme au plan national. Comme le souligne Luc de Backer, Président du Réseau National des Maisons des Associations : « le développement de la vie associative est lié à celui des territoires.
Les associations se pensent, non seulement par rapport à leur objet propre, mais dans la complémentarité avec les projets d’autres associations sur le même territoire. L’inter-associatif se concrétise par des projets communs ou par la mutualisation de moyens. Il est essentiel de penser sur chacun des territoires, y compris ruraux, des lieux et structures permettant d’accompagner et d’outiller les associations qui développent cette dynamique partenariale. »
À défendre et à obtenir
Les associations, notamment les plus performantes, doivent intervenir dans le débat politique local et national pour le maintien du principe des financements croisés. La défense de ce principe, qui recouvre la défense de la clause de compétence générale et implicitement de la subvention, est essentielle à la vitalité des réseaux, à l’autonomie et au développement de la vie associative sur l’ensemble des territoires.
Ainsi les acteurs associatifs exprimeront leur volonté de s’émanciper des cadres de plus en plus normés, notamment par le biais d’une organisation horizontale du travail, prenant appui sur le local, les besoins spécifiques des territoires et la mutualisation de fonctions, support et de compétences, autour de projets communs.
Autre cheval de bataille des associations : la défense de l’idée républicaine de l’égalité territoriale qui passe par un renforcement et un meilleur ciblage des dispositifs de péréquation, mécanisme de redistribution qui vise à réduire les écarts de richesse et donc les inégalités entre les différentes collectivités territoriales. L’effort de péréquation va de pair avec la défense des services publics et la promotion de la diversité des ressources financières, si possible ancrées localement, y compris en mobilisant l’épargne locale via les banques. Cette refonte des modes de financement doit être pensée par les associations.
Des actions ciblées et concrètes peuvent d’ores et déjà être mises en place afin de renforcer l’inter-associatif et le rôle politique des associations, véritables parties prenantes des collectivités territoriales et du dialogue civil.
Des idées aux actions
Les acteurs associatifs ne sont pas en panne d’idées pour redynamiser l’inter-associativité sur l’ensemble des territoires et faire en sorte que les associations non fédérées soient entendues. Les propositions formulées, notamment lors de l’Université d’automne de la Fonda, organisées les 22 et 23 novembre derniers à la Bourse du Travail de Paris, visent une politique plus participative et plus démocratique, basée sur des débats, des conférences régionales et un inter-associatif renforcé pour gagner la bataille de la représentativité.
Pour un « Grenelle des territoires » …
En premier lieu, parmi les propositions des participants, un « Grenelle des collectivités locales » : il s’agit de proposer dès maintenant un moratoire sur la réforme des collectivités territoriale, une pause législative en quelque sorte, afin lancer des débats internes, préalables à ce Grenelle et donner un poids à la voix associative : les associations doivent être enfin pleinement considérées comme parties prenantes d’une réforme qui les touche directement.
À cette occasion, pourraient être établis des diagnostics territoriaux permettant à tous les acteurs de se projeter à dix ans pour mieux préparer l’avenir et impliquant les CPCA régionales et locales.
En second lieu, on pourrait développer des clusters ou regroupements associatifs dans la perspective de renforcer l’inter-associatif opérationnel et politique tant du point de vue intersectoriel et intra-sectoriel. La création de systèmes inter-associatifs locaux (clusters) permettrait de favoriser l’échange de compétences, ainsi que la mise en place d’un système de formation par les pairs ou encore l’élaboration de diagnostics partagés.
L’enjeu véritable est la reconnaissance du droit à l’expérimentation sociale pour les associations et l’accès pour tous à des emplois de qualité.
… et un « Grenelle des associations »
Mais le débat ne concerne pas uniquement la préparation d’un « Grenelle des territoires » dans le cadre de la réforme des collectivités locales, loin s’en faut. Il est nécessaire, en effet, de lancer un débat public sur la place des associations sur un territoire afin de rendre visible et légitimer le monde associatif. Ce débat qui permettrait à toutes les associations qui le souhaitent de participer et d’apporter ainsi leur contribution pourrait être envisagé quant à lui comme un « Grenelle des associations », mis en place, par exemple, dans le cadre des conférences régionales sur le partage des compétences.
L’enjeu est de favoriser la rencontre et de valoriser les compétences, à travers notamment des formations communes aux élus territoriaux, aux administrateurs associatifs et aux techniciens associatifs. En parallèle, les acteurs associatifs reconnaissent également la nécessité pour eux de reprendre la main sur la conférence de la vie associative, son ordre du jour et son calendrier, afin d’être des acteurs décisionnaires de tout ce qui touche au monde associatif.
Le territoire, terreau des synergies associatives
On ne peut aujourd’hui laisser les associations en dehors des prises de décisions qui affectent la configuration et la dynamique des territoires, terreau de l’innovation sociale et des synergies associatives. Parties prenantes des collectivités locales, les associations sont les acteurs incontournables des institutions car les garantes de leur vitalité, à tous les niveaux y compris à l’échelon local. Véritables leviers d’émancipation collective, elles se développent grâce à des formes de fertilisations locales qu’elles viennent nourrir en retour par leur créativité et leur capacité à produire du lien social, renforçant ainsi le maillage territorial et l’idée républicaine d’égalité territoriale.
16 mars 2012