Cette note d'éclairage de la Fonda fait suite aux réflexions engagées lors de l'atelier « Associations et société civile » organisé lors de l'université de prospective de novembre 2011, et animé par Carole Salères (Ligue de l'enseignement), avec l’appui de Jean Bastide (la Fonda), Jean-Michel Bloch-Lainé (la Fonda) et Jean-Baptiste de Foucauld (Pacte civique).
La notion de société civile traduit une idée d’émancipation, d’autonomie, qui signifie que la société s’organise en dehors de l’autorité publique. Dans bon nombre de ses usages contemporains, elle apparaît comme un concept polémique que la formule « la société civile contre l’État » résume bien.
Historiquement, il n’y a pas de définition stable de cette notion. L’histoire de la société civile, surtout en France, est étroitement liée à la conception de l’intérêt général.
Qu’est-ce que la société civile ? Pourquoi est-elle aujourd’hui en mesure de répondre aux défis de la société ?
La notion de « société civile » connaît en France un regain d’intérêt dans le débat politique et le discours philosophique depuis une quarantaine d’années. La société civile im-plique un mouvement actif au sein de la société, sous forme de groupes marqués par un lien conscient, une communauté de pensée, d’engagement et d’action, entre des gens qui s’associent et s’organisent sous diverses formes et peuvent se mobiliser. C’est ce qui permet de la distinguer de l’opinion publique.
Quel est le périmètre de la société civile, autrement dit, quelles en sont ses composantes ? La question se pose notamment pour les activités économiques ; le monde de l’entreprise, le secteur de l’économie font-ils partie de la société civile ? La réponse serait positive si la société civile incluait tout ce qui relève de la sphère non publique.
Cette conception ne correspond pas à l’usage le plus répandu. Pour ce dernier, la société civile n’est pas le marché, ni l’entreprise en tant que telle, mais plutôt les organisations professionnelles, les organisations patronales ainsi que les organisations représentatives des milieux sociaux, des associations dans leur diversité, des organisations culturelles. Des alliances s’établissent entre elles autour de projets communs ; c’est ce qu’on nomme « la société civile organisée », c’est-à-dire un ensemble d’entités organisées sur une base volontaire de personnes qui se rassemblent autour de valeurs partagées en vue d’atteindre un but commun. La société civile reflète un système de valeurs telles que l’autonomie, la participation, la responsabilité, la solidarité et le pluralisme .
Place et rôle de la société civile
On assiste aujourd’hui à un phénomène social de repli qui n’épargne pas non plus le monde associatif. Cette évolution est accentuée du fait de l’absence de stratégies d’alliances entre associations et entreprises, associations et syndicats ou encore avec les médias et le monde de la recherche. Les représentations et clivages hérités du passé et les concurrences entre associations sur les territoires, qui ternissent parfois les relations inter-associatives, contribuent à renforcer cet isolement et engendrent des tensions au sein d’un monde associatif qui demeure clivé. Pourtant, de leur côté, les entreprises ont compris que les associations pouvaient être des partenaires, notamment pour diversifier leur recrutement fidéliser un public ou encore communiquer.
Par ailleurs, la société civile est aujourd’hui en mesure de proposer des réponses aux principaux défis de la société. Elle est source d’innovation sociale et contribue fortement à la transformation de la société. Son utilité sociale ne fait aucun doute : elle dispose des outils du vivre ensemble, a pris conscience de la nécessité de peser sur l’avenir de la société et de trouver de nouvelles formes d’action collective. Cependant, on observe un manque de visibilité et de lisibilité des associations, au sein de la société civile dans l’espace public. On assiste également à la naissance d’un citoyen actif, mais peu désireux de rejoindre des institutions.
Quels sont les risques encourus et les opportunités qui s’offrent aujourd’hui à elle ?
Points de vigilances et occasions à saisir
Suivant les scénarios, le clivage entre associations dites gestionnaires et associations citoyennes est plus ou moins marqué. Il y a un risque important pour la plupart des associations d’oublier dans ce cas quelque peu le projet associatif lorsque des opportunités de financements se présentent pour participer à des programmes qui n’ont qu’un lointain rapport avec l’objet de l’association.
Il y a alors un risque de perte de l’engagement associatif comme action citoyenne et un risque d’instrumentalisation de la part des pouvoirs publics. Mais il arrive aussi que des programmes d’action soient de véritables opportunités susceptibles de renforcer le projet de l’association.
Tout est conditionné par la place que l’association accorde à son projet : son rôle politique en dépend, sa créativité aussi.
À défendre et à obtenir
Pour que la Société civile soit plus consciente de ce qu’elle représente et du rôle qu’elle pourrait jouer dans la société, notamment en matière de solidarité, les acteurs associatifs souhaitent le développement en leur sein de la mutualisation des moyens, la mise en place de nouvelles alliances sur le territoire, afin non seulement de renforcer le lien avec l’ensemble des parties prenantes du monde associatif, mais également pour permettre l’expression d’une parole commune et audible. Créer des passerelles entre associations est la condition pour agir dans les territoires et peser sur les politiques publiques.
Des actions, un enjeu
Afin de développer les alliances souhaitées, les participants à l’atelier « Associations et société civile », organisé lors de l’Université d’automne de la Fonda des 22 et 23 novembre 2011, ont proposé diverses pistes d’actions visant à renforcer le lien avec l’ensemble des parties prenantes du monde associatif.
La première consiste à mettre en place un réseau « d’universités populaires » dans une perspective d’éducation populaire. Il s’agit de permettre à tous, surtout aux plus éloignés des responsabilités, d’être de vrais citoyens. Il convient dans cet esprit de renforcer la dimension politique, civique et citoyenne de l’action des associations.. pour réduire les inégalités, lutter contre l’exclusion et changer les pratiques des acteurs associatifs, les pistes suivantes prônent la création d’alliances nouvelles.
Nouer de nouvelles alliances, un enjeu majeur
Il s’agit tout d’abord de créer une fonction de « relieur » inter-associatif pour rendre visible les activités des associations sur une thématique ou un territoire donné. Le relieur inter-associatif pourrait mettre à disposition des acteurs associatifs et du grand public, une base de données renseignant sur la géolocalisation et l’activité des associations sur une thématique ou un territoire donné.
Il importe ensuite de monter des maisons de partenariats qui pourraient être envisagées sur le modèle du Comité de bassin d’emploi de Lille ou d’Alsace active, dont l’objet est d’établir un diagnostic territorial. Ces structures permettraient de renforcer les liens sur un territoire donné et de favoriser les échanges entre les différentes parties prenantes du monde associatif. Plus largement, il convient de prendre appui sur les forces de la société civile extérieures aux associations : entreprises, syndicats, recherche et tous les acteurs actifs sur le territoire en construisant des partenariats équilibrés.
Il apparaît enfin nécessaire d’organiser des collectifs éphémères d’acteurs au plan national et européen dont la mise en place sur une thématique donnée permettrait de travailler, non pas sur l’idée de représentativité, mais dans le but de créer des dynamiques inter-associatives sur des thématiques partagées, à l’exemple de l’Alliance européenne sur le bénévolat/volontariat. Les alliances ainsi réalisées entre des acteurs qui ont peu l’habitude de coopérer seraient moins institutionnelles, auraient le mérite de se centrer sur l’action commune menée à partir d’objectifs identifiés.
Aux côtés du Pacte civique
Jean-Baptiste de Foucauld résume à merveille les enjeux de la société civile par ses propos sur le Pacte civique :
« Le Pacte civique, c’est un appel à des personnes et à des organisations qui sont prêtes simultanément à se transformer et à transformer leurs organisations pour transformer la société. Nous avons à inventer ensemble un futur désirable pour tous. Il est temps de réagir aux crises, aux dérives et aux fractures dont souffrent notre société et notre démocratie, et c’est possible comme nous le montrent de multiples initiatives en cours.
C’est pourquoi plusieurs organisations de la société civile et des militants associatifs, après avoir adopté une plateforme commune, ont proposé un Pacte civique pour renouveler le vivre-ensemble et rénover la qualité démocratique. »
Pour avancer, il faut avancer « ensemble » ; tel est le mot d’ordre adressé aux associations et à l’ensemble de la société civile.