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Ressource #17 Présentation des travaux de recherche sur le processus de radicalisation des individus.
Présenté par Hasna Hussein, sociologue.
Mots clés : #Radisalisation #Djihadisme #Réseaux sociaux
Brève présentation de la chercheuse
Hasna Hussein est chercheuse associée au Centre Emile Durkheim à l’Université de Bordeaux et sociologue des médias et du genre. Elle est membre du comité scientifique du centre d’action et de prévention contre la radicalisation des individus de Gironde, ainsi que de l’Observatoire de la haine en ligne du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA).
Depuis 2015, suite aux attentats djihadistes en France, elle mène un travail de recherche sur l’analyse de la propagande djihadiste en trois langues : arabe, français et anglais, sur des productions médiatiques variées (image, texte et son).
Elle souhaite comprendre les enjeux, techniques et mécanismes de manipulation de la propagande djihadiste, notamment par le biais des plateformes numériques et des réseaux sociaux. Pour y parvenir, elle mobilise les outils et les techniques de la sociologie.
Elle est l’autrice du carnet de recherche « Contre-discours radical » qui regroupe une cinquantaine de contributions pluridisciplinaires en la matière.
Genèse de la propagande djihadiste
Bien que née dans une région arabophone, l’idéologie djihadiste va très rapidement dépasser les frontières régionales et agir au niveau international. C’est pour cela que la propagande de Daesh1 existe dans une trentaine de langues. Elle réussit à mobiliser entre 30 à 50 000 combattants qui rejoignent le territoire syro-irakien, alors qu'Al-Qaïda n’arrivait pas à réunir autant de monde dans les années 1990.
« Venez comme vous êtes » est le slogan de Daesh, comme celui de l’entreprise McDonald’s au demeurant. Il montre que tout le monde est accepté, quel que soit son background2 , et peut trouver sa place. « Chacun peut choisir différents niveaux d’engagement » note Hasna Hussein.
Pluralité des engagements djihadistes
L’idéologie djihadiste amène à une diversité d’engagements. Cela peut prendre la forme d’un engagement corps et âme pour la cause, où les personnes viennent sur le territoire syro-irakien pour combattre ou apporter leur contribution à la hauteur de leurs moyens. Ils risquent leur vie pour la cause.
Cet engagement peut également être plus diffus, via les outils numériques. Il peut se manifester par de la traduction et le relais de propagande ou bien encore de recrutement des individus. Hasna Hussein observe d’ailleurs qu’un public jeune, composé de pré-adolescents et d’enfants, peut y prendre part sans nécessairement comprendre cette idéologie et ses implications.
Les méthodes de recrutement ne se limitent pas qu’au web visible, avec Facebook, Tik Tok ou Snapchat, elles s’étendent aussi au darkweb et aux jeux vidéos, comme Fortnite, Cash of Clans, Grand Theft Auto (GTA), etc.
Évolution de la propagande djihadiste
Dans un contexte de défaite territoriale, la propagande djihadiste évolue pour continuer à recruter de nouvelles personnes. Elle montre des images de destruction présentes sur le territoire de Daesh afin d’alimenter un discours victimaire et de vengeance à l’égard des pays opposés au djihadisme. Cette propagande explique qu’il n’est plus nécessaire de faire son hijra3 sur le territoire syro-irakien, mais qu’il est possible de la faire de manière verticale vers Dieu. La personne radicalisée va alors s’engager en-dehors du territoire du califat par des attaques terroristes, comme celle de Conflans-Sainte-Honorine marquée par l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020.
Caractéristiques des personnes radicalisées
Le phénomène de la radicalisation est complexe. Hasna Hussein a cependant identifié quelques constantes chez les personnes qui se radicalisent. Elles présentent des vulnérabilités :
- Une structure familiale marquée par un éclatement ;
- Un milieu social souvent défavorisé, quels que soient les pays étudiés ;
- L'âge. Plus l’individu est jeune, plus il a la capacité à absorber tout ce qu’il entend sur Internet avec un manque d’esprit critique et n’a pas le réflexe de vérifier l’information.
Prévenir le phénomène de radicalisation
Pour remédier au processus de radicalisation en ligne, Hasna Hussein a créé l’association PREVA. NET en décembre 2016. Outre l’organisation d’études scientifiques sur ce thème, cette structure propose plusieurs dispositifs de prévention et de lutte contre la radicalisation, pas seulement djihadiste.
L’association vise à renforcer l’esprit critique des jeunes qui peuvent être plus perméables à des discours radicaux. A cette fin, le dispositif ADEC, atelier d’expression citoyenne, propose un théâtre-forum où des témoignages de jeunes repentis de la radicalisation djihadiste sont présentés. « C’est l’occasion d’amener les jeunes à réfléchir sur ce qui amène à un engagement vers une radicalité, mais aussi à réfléchir aux facteurs de protection pour éviter que la personne soit facilement manipulable, dans un contexte bienveillant » indique Hasna Hussein.
A la suite de la crise sanitaire du COVID-19, Hasna Hussein observe le fait que de plus en plus de problématiques, telles que l’enfermement, la rupture, l’addiction aux écrans ou bien encore aux jeux vidéo, les théories complotistes, mènent vers une forme de radicalité. Il est nécessaire que l’ensemble de la société civile se saisisse de ces enjeux pour agir ensemble.
Ressource pour aller plus loin
- Hasna Hussein, Contre-discours radical, [en ligne].
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Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti et Anna Maheu, relu par Hasna Hussein et Yannick Blanc et mis en page par Guillemette Martin pour la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.
- 1L’organisation Daesh est également appelée État islamique.
- 2En français, background renvoie aux antécédents d’une personne.
- 3Plus connu en français sous le terme « hégire », l'hijra est un terme arabe désignant l'exil des compagnons de Mahomet de La Mecque vers Médine. Il s'agit dans le contexte contemporain de déménager pour aller vivre en terres musulmanes.