*Sans sous-estimer les travaux qu’il reste à conduire pour que la Fonda aille au terme de sa « réflexion prospective, transversale et à moyen terme sur les enjeux, les positionnements et les financements de la vie associative », les réflexions qui précèdent et qui se réfèrent à l’expérience des associations, permettent d’avancer des perspectives et des propositions. Des travaux du comité Dsva d’une part et du séminaire qui a permis de les valider et de les enrichir d’autre part, il ressort que les associations sont en mesure de faire face aux contraintes de l’environnement économique et politique, dès lors qu’elles les ont clairement identifiées.
– Les associations sont comme « coincées » entre deux types de contraintes : d’une part, elles sont poussées dans le champ de la concurrence et soumises notamment au code du commerce ; d’autre part, elles sont en présence d’élus qui montrent une certaine méfiance à leur égard et ont tendance à mettre en œuvre une démocratie directe qui marginalise les corps intermédiaires.
– Les associations sont souvent l’objet d’une double instrumentalisation, d’une part celle des pouvoirs publics et d’autre part celle de nouveaux membres et de bénévoles, qui ont tendance à se servir de l’association pour développer leurs propres projets.*
La reconnaissance des spécificités associatives
Les associations ne peuvent se refonder qu’à partir de ce qui fait leur spécificité dans l’espace public :
- la liberté d’association, comme liberté de développer son propre projet et de pouvoir le faire évoluer, comme liberté de se choisir une organisation et un fonctionnement. Certes, cette liberté de management est à l’épreuve du marché et de la concurrence, des dispositifs publics et des cadres réglementaires qui s’imposent à elles ;
- l’écoute des populations et un ancrage dans les réalités économiques et sociales des territoires, y compris les plus complexes et les plus problématiques, avec une capacité à relever les défis du moment (sociaux, humanitaires, environnementaux, etc.) ;
- des modèles d’associations et d’actions collectives efficaces et différents, qui intègrent le bénéficiaire et le producteur, des salariés et des bénévoles, qui se donnent des échéances. Plus les associations s’inscrivent dans une activité économique et un système de prestations, plus le problème du management associatif se pose, avec des salariés qui peuvent avoir des statuts différents, mais aussi avec des bénévoles, des volontaires, des donateurs, des dirigeants associatifs, qui sont eux-mêmes dans des situations différentes, toutes situations qui contribuent à constituer un ensemble fragile ;
- un fonctionnement économique et une gestion financière subordonnés au projet non lucratif. Aujourd’hui, les pouvoirs publics, à tous les niveaux, demandent des comptes aux associations sur ce qu’elles font, sur ce qu’elles reçoivent et sur ce qu’elles donnent, sur leur utilité sociale et sur leur position dans la société. Face à la Lolf et aux critères d’évaluation qui se mettent en place, il est urgent que le monde associatif se saisisse de cette question et impose ses propres critères et sa propre évaluation. Dans le cas contraire, il ne faudra pas s’étonner que les associations voient leur utilité sociale contestée et leur spécificité niée. Les résultats de la recherche de l’Avise sur l’évaluation de l’utilité sociale vont paraître sous peu ; l’Uniopss a travaillé sur cette question et d’autres réseaux l’ont également fait. à partir de ces travaux, dont les conjonctions sont réelles, comment arriver à avoir un débat avec les pouvoirs publics pour qu’ils reconnaissent ce qui est en jeu au travers des associations et d’une évaluation de leurs projets et de leurs actions qui ne peut être simple contrôle ?
- une mission d’intérêt général et d’utilité sociale, pour nombre d’associations, qui s’inscrit dans le cadre des régulations nationales, européennes4 et mondiales, mais aussi dans un contexte de reflux de l’état qui voit, par exemple, des régions adopter des plans ou des programmes de développement de l’économie solidaire. Il est nécessaire d’asseoir de nouvelles légitimités associatives dans un paysage économique et politique qui a changé et change encore : d’une part faire reconnaître qu’il est normal et légitime que les associations aient une production économique ; d’autre part faire reconnaître par les politiques que des organisations collectives de citoyens exerçant une fonction critique et innovante soient légitimes dans l’espace public ;
- une capacité à promouvoir des organisations inter-associatives et/ou à s’inscrire dans des collectifs qui portent le développement des territoires, autour de projets partagés et d’une économie sociale et solidaire. à cet égard, l’existence de groupes et de réseaux informels et de petites associations ne peut être éludée. Quel appui apporter – sans les trahir – à des modes d’organisation éphémères et à géométrie variable ? à l’échelon local, quelles associations peuvent aider des habitants ou des groupes qui souhaitent un minimum d’organisation à se structurer, à trouver leur légitimité et leur place dans la cité ? La Fonda et notamment la Fonda Rhône-Alpes y réfléchissent et ont des expériences et des analyses à faire valoir en ce domaine.
D’indéniables capacités à se tourner vers l’avenir
Aujourd’hui comme hier, des associations – ce n’est pas la majorité – témoignent d’indéniables capacités à se tourner vers l’avenir et à transformer leur projet et leur fonctionnement en fonction des changements en cours et des nouveaux enjeux sociétaux. Ces capacités à l’œuvre dans certaines associations esquissent une vision prospective :
– mutualiser leurs ressources dans des pôles de coopération ou des regroupements : c’est le travail partenarial qui est entrepris par l’Uniopss avec certains partenaires, dont le Crédit coopératif et l’Institut de développement de l’économie sociale (Ides), sous la forme de la constitution de « pôles de ressources » régionaux dans des domaines, où on assiste à une offensive très marquée du privé lucratif ; il s’agit non seulement de se donner des capacités de résistance, mais aussi de consolider des projets qui concernent tous les Français ;
– diversifier leurs ressources et mixer les moyens financiers, les dons et les contributions volontaires, rechercher des fonds propres et des nouvelles capacités d’investissement : société ou coopérative de financement, titre associatif, épargne salariale, fondation…
– engager des partenariats avec les pouvoirs publics, mais aussi avec des entreprises marchandes (ex. : aide à domicile) : œuvrer pour un « repositionnement » des associations dans le marché comme dans l’espace public ; le dialogue civil est à organiser et à construire, notamment parce que l’apparition de nouvelles légitimités politiques et administratives territoriales fait que des associations éprouvent des difficultés à trouver aujourd’hui un interlocuteur public de leur action ;
– participer à l’élaboration de labels ou de chartes de qualité ; instruire d’autres rapports à l’économique et aux entreprises (ex : commerce équitable) ;
– développer des chartes et des contrats d’engagements réciproques avec les pouvoirs publics, afin de refuser ce qui serait banalisa-tion et instrumentalisation : à cet égard, la partie est loin d’être gagnée et les mises en œuvre de la charte nationale signée en 2001, comme d’ailleurs les déclinaisons locales de cette charte, sont peu nombreuses ou peu probantes ;
– imaginer une démocratie interne, un management pertinent et une gouvernance originale qui articulent les parties prenantes et qui conjuguent les responsabilités respectives des administrateurs, des bénévoles, des usagers/bénéficiaires et des salariés, en prenant en compte les formes nouvelles d’engagement et les légitimes revendications des jeunes (cf. place des jeunes dans les coopératives scolaires) ;
– inventer des démarches et des outils d’évaluation pertinents au regard des projets associatifs : bilan sociétal, audit associatif, guide d’analyse des entreprises de l’économie sociale, comme au Québec ;
– engager des actions de recherche, d’innovation et d’expérimentation avec une inévitable prise de risque : ainsi des foyers de jeunes travailleurs qui se sont attelés à promouvoir une politique de logement de la jeunesse, comme réponse à la diversité des situations personnelles ; c’est l’investissement dans des domaines nouveaux, comme le sont les circuits courts de distribution entre producteurs et consommateurs avec les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) ou les dispositifs d’aide aux personnes et aux familles surendettées ;
– capitaliser les innovations et, de manière générale, les expériences et ce qu’il est convenu d’appeler les bonnes pratiques (benchmarking), à l’instar d’Avise au sujet de l’évaluation de l’utilité sociale ;
– recourir aux nouvelles technologies de communication et d’information.
Conditions de faisabilité d’une posture offensive
De tout ceci il ressort que les associations, comme l’économie sociale, peuvent adopter une « autre posture », tout à fait offensive, et particulièrement dans des secteurs où joue la concurrence : ainsi du domaine des services aux personnes, où les associations ont une position forte et où des démarches sont engagées pour essayer de leur donner le poids nécessaire.
- Questionner les modalités de fédéralisme et de mise en réseau *
À propos de la question des nouvelles légitimités territoriales et de ce nouvel enjeu, qui fait suite à la décentralisation et à l’évolution de l’action publique, il est une raison supplémentaire de repositionner une légitimité territoriale des fédérations, qui réside dans le « décrochage » ou l’absence de relations entre les fédérations et de nombreuses petites associations, qui travaillent sur le terrain, dans les quartiers notamment. Les fédérations ne représentent que 50 à 60 % de l’ensemble des associations françaises. Sous des formes diverses, des fédérations s’efforcent de développer des relations avec ces associations et avec des réseaux, qui ne sont pas de leurs membres. Il y va d’un renforcement de leur représentativité vis-à-vis des pouvoirs publics ?
La Fonda Rhône-Alpes a une expérience en ce domaine : c’est précisément au niveau du territoire qu’il faut inventer des réseaux, des collectifs et un travail transversal qui fasse toute leur place aux petites et nouvelles associations et renforce ainsi leur légitimité. Il y va d’un projet collectif défini ensemble et donc partagé entre ces petites associations et les fédérations qui n’ont pas nécessairement besoin d’être renforcées.
Souscrivant totalement à cette dimension, il en est une seconde qu’il importe de rappeler : dans les statuts des Cpca nationale et régionales, il est bien indiqué que le développement et l’élargissement des coordinations associatives constituent un objectif. En Poitou-Charentes, les coordinations regroupées au sein de la Cpca s’y sont employées, suscitant deux nouvelles coordinations qui – espérons-le – seront peut-être un jour nationales : la coordination des initiatives locales pour l’emploi, qui regroupe entreprises d’insertion par l’économique, boutiques de gestion, groupements employeurs… et la coordination des organismes de formation, dont le poids économique est considérable, mais complètement éclaté au plan régional (350 organismes dont 206 sous statut associatif).
En matière de pistes de travail sur la gouvernance et les modèles d’associations, il semble qu’il faille conduire, au préalable, tout un travail de capitalisation autour de la reconnaissance des spécificités associatives effectives. Si la vie associative veut se défendre aujourd’hui dans la société française, elle peut mettre en valeur en quoi les associations sont à la croisée du formel et de l’informel9. C’est leur façon de faire place à cette diversité déjà évoquée et d’adopter un positionnement, sinon plus offensif, du moins qui démontre la manière particulière dont la vie associative est un espace promotionnel.
Au sujet des associations fédérées et non fédérées, ainsi que de la faible visibilité des fédérations, rappelons que les fédérations ne sont que leurs membres et non des technostructures. Il n’est donc pas certain qu’il faille opposer l’un et l’autre. Par contre, les adhérents des fédérations ne sont pas ou sont peu visibles sur les territoires. Cela incite à travailler, avec des moyens modernes (internet, logiciels de cartographie, etc.). La Cpca pourrait aider à réaliser cette visualisation des associations fédérées au niveau des territoires. Le fait associatif, comme fait collectif, a nécessairement à instruire des relations avec les collectivités.
En forme de boutade, peut-on faire remarquer, au sujet des réseaux et des fédérations, qu’il arrive que des regroupements ne savent pas toujours qu’ils sont membres d’un mouvement ou d’une fédération et, à plus forte raison, d’une coordination, qui peut être lointaine par rapport à l’adhérent de base ? Certes, parler d’appartenance au réseau est important ; c’est une notion à travailler, mais il faut savoir aussi la dépasser. La cartographie ne doit pas s’arrêter aux structures ; il faut également que les membres se sentent partie prenante.
Il est des expériences de petites associations, par exemple dans le domaine du sida sur la région Rhône-Alpes, qui permettent de vérifier les relations déplorables ou difficiles qui peuvent exister avec les unions nationales. Si les petites associations peuvent rejoindre les regroupements nationaux, qui assument une fonction de représentation, c’est aussi à ces unions et fédérations d’aller vers les acteurs associatifs de terrain qui rencontrent des difficultés, notamment au niveau de la ressource humaine et de la disponibilité des bénévoles, qui en constituent très souvent les seules forces.
En ce qui concerne les fédérations, peut-on dire qu’une association n’est constituée que des membres, quand elle dispose par exemple de six salariés au niveau de la structure de coordination, même si cette participation de professionnels constitue un plus ! Deux questions fondamentales et incontournables se posent : quelle est la connaissance que des membres d’une fédération ont entre eux, c’est-à-dire quelle horizontalité la fédération a-t-elle été capable de développer, de maintenir et d’enrichir ? Quelle est la valeur ajoutée de cette fédération et de cet étage supplémentaire et qu’est-ce qui en est perçu par les membres ? Une Cpca et chacune de ses coordinations ont à travailler en permanence ces questions. Ainsi, en Poitou-Charentes, quand il s’est agi de constituer une coordination des initiatives locales, les réseaux existants, du type boutiques de gestion ou entreprises d’insertion, ont demandé à quoi cela allait-il leur servir. Qu’est-ce qui justifiait ce nouvel échelon vertical ? Après deux ans, et parce qu’il y a eu des re-tombées positives, ils disposent d’un certain nombre d’éléments de valeur ajoutée et peuvent eux-mêmes les mesurer. Les deux dimensions horizontale et verticale se marient ; il s’agit de trouver les nouveaux équilibres !
En ce qui concerne les petites associations, en 2001-2002, à l’occasion de consultations régionales de l’économie sociale et solidaire et à l’occasion d’un sondage, était ressortie la frustration des petites associations, qui n’étaient liées à aucun réseau, de se sentir un peu délaissées, notamment en tant qu’interlocutrices des pouvoirs publics, et ce, par rapport aux fédérations et aux coordinations reconnues. Il n’est pas évident que toutes ces associations désirent s’organiser en réseau ou souhaitent adhérer à des fédérations. Comment traiter ce problème et comment faire en sorte, néanmoins, que leur voix soit entendue, au moins au niveau du territoire où elles agissent ?
- Recueillir et diffuser les expériences innovantes *
À propos de la notion de capitalisation des innovations, il y aurait à mettre en place une organisation qui permettrait – sous une forme à trouver – d’éviter cette exceptionnelle déperdition des innovations. Cela rejoint la possibilité d’organiser un recueil d’expériences innovantes autour de collectifs qui se constitueraient par thème ou par territoire16. Un travail important serait de capitaliser les pratiques de gouvernance : pour preuve, au niveau de l’Arc Atlantique, une réflexion sur la gouvernance au sein de l’économie sociale – réflexion dont on attend les conclusions – a montré que les associations étaient peu présentes, contrairement aux mutuelles et aux coopératives. Or, le positionnement des associations est vraisemblablement différent, y compris sur un plan juridique.
Pour la capitalisation, il faudrait peut-être donner une priorité aux questions qui ont l’air d’être partagées par tous, à savoir l’évaluation, la jeunesse, la gouvernance et également les modes d’organisation des associations. à ce propos, et même s’il a été dit qu’il existe aujourd’hui des modèles, il n’empêche qu’il y a bien un modèle prégnant, qui voit de petites associations se donner une structure pyramidale extrêmement lourde. Comme elles n’arrivent d’ailleurs pas toujours à mettre en œuvre leurs statuts, elles vont alors s’autoflageller, alors qu’elles font et ont à faire beaucoup de choses intéressantes à côté.
Pour s’arrêter au difficile renouvellement de leur base sociale, les associations ont à s’interroger, dans la mesure où, comme les entreprises et nombre d’institutions de la société française, elles sont aux mains de la génération du baby-boom qui truste encore la plupart des places et a beaucoup de mal à faire une place à ceux qui suivent. Quand on fréquente des réunions d’associations, on vérifie régulièrement que la moyenne d’âge des responsables est élevée ! Du coup, que la difficile intégration des jeunes dans les associations revienne comme un leitmotiv n’est pas surprenant : avec une autre culture de l’action collective, avec d’autres attentes et des comportements différents, comment peuvent-ils s’inscrire dans la démocratie formelle des associations existantes ? Comment marier jeunes et moins jeunes autour d’un projet et d’actions, quand les nouveaux bénévoles viennent de manière ponctuelle et sont à la recherche de responsabilités, qui leur permettent de développer leur propre projet personnel ?
Pour l’innovation et sa capitalisation, rappelons qu’il y a eu des tentatives en ce domaine. Ainsi, dans les années 1980, une structure – le Centre d’information sur les innovations sociales – a fait long feu. Serait-il possible que la Fonda, avec des moyens dont elle ne dispose pas à l’heure actuelle, joue un rôle déterminant en la matière ?
- Élaborer des critères d’évaluation du projet associatif *
La question de l’évaluation a longuement été abordée et discutée au sein de la Fonda, sans arriver à décider qu’un groupe suffisamment large en traite. Le moment est venu, semble-t-il, de s’en occuper et il n’est plus possible d’éviter la constitution d’un tel groupe. L’évaluation dans l’association n’est pas d’abord économique ou financière, dans la mesure où c’est un projet et une action qu’il s’agit d’apprécier. Les travaux de l’Uniopss et d’autres recherches pourront contribuer à cette réflexion. Les associations n’ont pas assez travaillé sur des critères spécifiques d’évaluation, autre façon d’adopter une position offensive !
L’évaluation est un sujet politiquement important, à considérer les dérives, y compris au sein des réseaux associatifs, comme plus généralement de l’économie sociale : à certains moments, l’approche est quasiment libérale et toute la valeur ajoutée symbolique des associations est une dimension qui n’est pas prise en compte, dans une approche par trop quantitative et économique.
Un référentiel peut permettre l’évaluation de la qualité du travail d’un conseil d’administration, qualité du fonctionnement, de la démarche et du pilotage, sous tous les angles et y compris dans les rapports aux autres parties prenantes. Un tel référentiel a été élaboré avec des associations d’insertion par l’économique ; utilisé par des centres sociaux, mais aussi des associations du tourisme social et des associations familiales, il a été enrichi au fil de différentes expériences. Il a permis d’ores et déjà d’accom-pagner une quinzaine de projets associatifs.
Depuis deux ans, la Cpca du Poitou-Charentes a obtenu le financement d’accompagnements pour de l’évaluation et du développement de projets : le Conseil régional a accepté que, dans le programme régional de formation des bénévoles qu’il finance intégralement, il y ait des formations inter-associatives courtes (une ou deux journées) et des formations plus longues (jusqu’à cinq journées pour une association), à condition que ces formations rassemblent tous les bénévoles et éventuellement l’un ou l’autre des cadres salariés, dont la présence est indispensable à la démarche. Autant de prémisses de ce qui constitue un accompagnement des associations dans l’élaboration, la conduite et l’évaluation de leurs projets et de leurs actions.
À propos de l’évaluation et des observations qui ont été faites à ce sujet, la Fonda Rhône-Alpes travaille sur cette question, depuis un certain nombre d’années, et elle vient de produire un guide d’auto-évaluation des dyna-miques associatives. Dans ce travail qui est fondé sur un certain nombre d’expérimentations, il apparaît un lien manifeste entre le processus d’évaluation, le travail de capitalisation des innovations et la construction, même temporaire, de réseaux. Sur un territoire de la ville de Grenoble, a été expérimentée une démarche d’auto-évaluation avec plusieurs petites associations : elle n’avait pas pour objectif d’être une procédure déguisée de contrôle de l’écart entre des objectifs et des résultats, mais de mettre en valeur les démarches d’innovation sociale qui étaient produites par ces associations, en accompagnant leur action et en les laissant être juges elles-mêmes de cette action. Au cours de ces travaux, il a été démontré – et cela a également été vérifié par la suite – que ce type d’évaluation n’est pas quelque chose qui vient après le projet, mais qu’il est l’occasion de créer le projet ou de le revisiter et de l’améliorer, s’il existe. Sur le territoire concerné, l’évaluation a consisté non seulement à revisiter les projets des différentes associations, mais aussi à évaluer le projet territorial qui conjuguait leurs actions.
- Perfectionner et inventer des dispositifs d’accompagnement *
Alors qu’on parle beaucoup d’évaluation, il est assez peu question d’accompagnement en amont des transformations induites par les évolutions que subit le secteur associatif. En effet, des évaluations ne peuvent être conduites qu’à partir du moment où on se trouve dans un cadre de référence. Puisque la norme n’est pas un cadre de référence global, l’association se doit de définir son propre cadre de référence et, dans cette démarche, elle a besoin d’être accompagnée. Nouvelle surprise, il existe très peu de dispositifs d’accompagnement qui permettent aux associations de retravailler leur projet, de redéfinir leurs priorités, d’arrêter la façon dont elles vont pouvoir piloter, de façon opérationnelle, les changements induits par ce projet même ou par l’environnement : il serait important qu’existent des structures externes, qui se mobilisent pour aider les associations à ce sujet.
Rechercher des dispositifs de soutien au développement de la vie associative ne peut être un travail à délaisser. Quand on cherche un accompagnement de l’évaluation et de la redéfinition des projets associatifs, il n’y a pas de lieu, en dehors des maisons des associations qui existent sur une bonne cinquantaine de villes et des Dla qui proposent un accom-pagnement à des associations qui ont en principe des salariés et un ancrage juridique. Est-ce une mission pour les Cres ou pour les Cpca ? Ne faut-il pas innover, principalement pour les petites associations non fédérées. Il serait important de mener une réflexion sur les réseaux, qui ne sont ni des fédérations, ni des unions et de voir comment des fédérations ou des têtes de réseau pourraient leur apporter, comme d’ailleurs aux associations de base, des ressources de gestion et des services, en leur laissant une complète liberté. L’aide de proximité aux associations est à concevoir de manière souple et adaptée, en tenant compte, à chaque fois, de la situation de l’association. Cette aide est à mettre en œuvre au niveau local, là où les acteurs élaborent leurs projets et conduisent les actions. La question récurrente du statut d’intérêt général mérite d’être remise elle-même sur le métier afin d’aboutir à sa concrétisation.
L’accompagnement associatif constitue bien une boîte noire du mouvement associatif. Est-ce parce que c’est une question compliquée ? N’y a-t-il que le mouvement associatif à ne pas arriver à globaliser le questionnement sur l’accompagnement, sur la plus-value de la fédération et sur le rapport aux associations non fédérées ? Il faut rappeler le contexte politique dans lequel cette question est posée. En ce qui concerne le système des Dla, la Cpca s’est battue avec l’état – en l’occurrence la Dgefp – pour démocratiser le dispositif et faire que les associations puissent entrer dans l’évaluation du dispositif et, si possible, dans sa gouvernance et la définition des besoins et des orientations. Alors que s’achève l’évaluation du dispositif, il se confirme que la moitié des directeurs régionaux n’appliquent même pas les circulaires de l’état : ils le font en toute connaissance de cause et ils le revendiquent, en quelque sorte, en refusant que les associations prennent leur place dans le dispositif. Que faire, alors que ce dispositif public coûte 30 millions par an ? Il y a là un vrai problème de légitimité politique et de combat à mener. Avec la volonté de ne pas idéologiser le problème, la Cpca y travaille. En s’appuyant sur la Dgefp, il s’agit d’essayer de comprendre ce qui se joue derrière la grande diversité des situations et des accompagnements associatifs. En effet, le Dla a montré des oppositions assez structurelles entre ce qu’une fédération est capable de proposer et ce qu’attendent les pouvoirs publics des fédérations, notamment pour des associations qui ne sont pas de leurs membres.
- Se positionner comme interlocuteur social *
Il a été dit précédemment que les associations se créent en fonction des besoins : ainsi, les changements dans la situation de l’emploi, à la fin des années 1970 et aux débuts des années 1980, ont vu des associations se constituer autour de la thématique de l’emploi, et probablement en moins grand nombre que ce qu’aurait requis la situation. Aujourd’hui, en ce domaine, les associations ne sont pas arrivées à obtenir une position de partenaire social et d’interlocuteur des pouvoirs publics : de fait, elles sont exclues de presque tous les endroits où se débattent les problèmes d’emploi. Seule, l’insertion par l’activité économique a vu quelque chose se constituer en tant que tel, mais qui ne couvre pas – et de loin – l’ensemble des questions. Par ailleurs, elles ont été cantonnées dans le domaine du social, avec un très faible accès aux lieux de décision en matière d’emploi. Aujourd’hui, au moment d’une territorialisation qui, en principe, mentionne les associations comme membre du service public de l’emploi, leur accès aux politiques de l’emploi est extrêmement restreint. Il y là comme un échec du rôle potentiel que devrait tenir les associations sur ce terrain de l’emploi.
Pour l’emploi et pour abonder dans le sens de ce qui vient d’être dit, le contexte politique s’avère un peu compliqué. La décision du Premier ministre, le 23 janvier, a été d’aller vers une table ronde sur l’emploi en général. Le 14 décembre a vu la Cpca entrer dans un conflit ouvert avec une partie du cabinet de M. Borloo qui ne veut pas créer un lieu spécifique pour l’emploi dans les associations où il serait discuté des enjeux généraux de l’emploi pour l’ensemble des associations et où il serait traité des politiques d’emplois aidés. Or, les associations sont le premier employeur du plan de cohésion sociale, après avoir été le premier employeur des 100 000 emplois jeunes. Sont en jeu 120 000 nouveaux emplois dans le monde associatif et les associations n’ont pas droit à la parole ! L’adjoint du directeur de cabinet renvoie les associations au Cnva, dont les membres sont nommés par le gouvernement : il devrait être le lieu de discussion sur l’emploi. Les associations estiment qu’il y faut un lieu plus technique, plus expert et plus politique, au sein du ministère du Travail.
Dans le prolongement de ces échanges autour de l’emploi, le problème est-il de définir et d’obtenir un lieu spécifique pour que les associations y traitent de l’emploi avec les pouvoirs publics ? N’est-il pas plutôt d’obtenir que les associations, et plus généralement l’économie sociale, participent directement au dialogue social et que les associations soient reconnues comme interlocutrices et partenaires dans ce dialogue ? Or, le Ceges, qui rassemble les organisations de l’économie sociale, n’est pas en mesure, à l’heure actuelle, de jouer ce rôle. Par contre, il est des exemples – à l’étranger et notamment au Québec – où, à l’occasion d’un sommet de l’emploi, dont on célébrait le dixième anniversaire, il y a quinze jours, l’économie sociale a obtenu d’être reconnue comme partenaire social et donc de participer au dialogue, au même titre que les autres partenaires sociaux (syndicats patronaux et salariés).
La question de l’emploi dans les associations ne peut être réduite au problème de la participation au dialogue social. à ce niveau, il s’agit que les associations dépassent l’approche par la seule entrée des syndicats employeurs, pour prendre en compte des problématiques beaucoup plus larges : ainsi, il faut imaginer, y compris à l’intérieur des espaces où se discutent les questions de l’emploi, un positionnement original, qui respecte la multiplicité des dimensions. Effectivement, les associations sont employeurs, mais elles ont aussi à faire valoir d’autres problématiques.
Parmi les pistes de travail qui ressortaient des réflexions de la Fonda, il en est une qui n’est apparue à aucun moment au cours des échanges, celle du financement ; or, il n’est évidemment pas indifférent à l’ensemble des problèmes évoqués.
Un long parcours dans la formation professionnelle et dans l’éducation permanente conduit à partager ce qui a été dit sur l’emploi. En ce qui concerne la participation d’organismes du secteur associatif au débat sur la formation professionnelle, les partis politiques et les gouvernements – quelles que soient leurs références politiques – n’en veulent pas. à titre d’illustration, qu’il suffise de rappeler que les deux dernières fois où les organismes associatifs de formation ont été consultés remontent à fort loin. La première fois, c’était en 1966 et dans le cade de la loi sur la formation professionnelle qu’a fait passer Michel Debré : à l’époque, un groupe d’organismes associatifs a demandé que le concept d’éducation permanente soit intégré dans la loi ; Michel Debré a accepté cette proposition, introduisant lui-même et faisant voter par l’assemblée nationale un amendement dans ce sens.
La seconde et dernière fois remonte à 1971, avec Jacques Delors, toujours très ouvert sur ces problèmes d’éducation permanente ! Depuis, les associations n’ont plus jamais été consultées. Avec le problème du chômage des jeunes et du chômage en général, on a fait éclater l’organisation de la formation professionnelle sur le territoire, confondant le traitement social du chômage et la formation professionnelle. On est allé jusqu’à « politiser » les acteurs de la formation, dans la mesure où ils ont été isolés localement et mis souvent sous la dépendance politique de Pierre ou de Paul, de qui dépendait la subvention. En ce qui concerne les taux horaires, on en est arrivé à donner à une association 3 euros/heure pour une formation qualifiante devant déboucher sur un emploi, tandis qu’au même moment, étaient versés au Greta 8 à 9 euros/heure ! Depuis 40 ans, la concertation n’a pratiquement jamais existé, à deux exceptions près, celles qui viennent d’être citées. Le vrai problème reste donc toujours de « démocratiser la formation professionnelle ».