Associations et démocratie

"Pas de communauté de destin sans communautés d’action"

Yannick Blanc
Yannick Blanc
A l'occasion de l'adoption du Rapport 2016 sur l'état de la France par le Conseil économique, social et environnemental, Yannick Blanc est intervenu à la demande du groupe des associations en soulignant l'importance de cette forme action collective.
"Pas de communauté de destin sans communautés d’action"

«Le rapport annuel sur l’état de la France que vous avez adopté aujourd’hui dresse essentiellement deux constats. Le premier est que, sur la plupart des dix indicateurs de richesse, la situation de la France n’est jamais très éloignée de la moyenne européenne. Le destin de la France est désormais inséparable de celui de l’Europe mais, c’est le deuxième constat, l’Europe n’est plus, comme elle le fut pour la génération de Robert Schuman et Jean Monnet comme pour celle de François Mitterrand et Jacques Delors, une promesse d’avenir. Après avoir été une promesse de paix puis une promesse de liberté et de développement, l’Europe de la concurrence libre et non faussée est devenue une menace d’austérité et de déclassement. Dans cette Europe du harcèlement normatif et du dumping social, qui pense à l’avenir ? Qui porte l’ardente obligation de la transition écologique ? Qui porte la vision et la lucidité si nécessaires à la transition numérique ? Qui anticipe l’économie et la protection sociale de demain ?

Le doute et la défiance qui taraudent aujourd’hui le peuple français ne lui ont-ils pas été instillés, depuis bientôt trente ans, par les élites qui lui ont inlassablement enjoint de renoncer à être lui-même, pour se fondre dans le cortège triomphal de la mondialisation ? Ceux d’entre nous qui vivent et travaillent au cœur de la société ou qui sillonnent les territoires savent que pour retrouver confiance et pour s’imaginer un avenir, la France, avant que d’être réformée, a d’abord besoin d’être écoutée, encouragée et accompagnée.

Il y a partout dans ce pays d’incroyables ressources de résilience et d’innovation, il y partout des hommes et des femmes qui créent et qui entreprennent, il y a partout des citoyens qui s’engagent. C’est à cette multitude invisible, à ces millions d’hommes et de femmes providentiels, que nous devons redonner la parole et reconnaître le pouvoir d’agir.

Je partage sans réserve les préconisations de votre rapport : il faut investir davantage, dans la recherche comme dans la formation, et retrouver la valeur fondatrice de l’égalité pour reconstruire la communauté de destin qui donne son unité au peuple français. Mais il n’y aura pas de communauté de destin sans communautés d’action, cette forme émergente de l’action collective dans laquelle des individus appartenant à des institutions, des groupes ou des métiers différents entreprennent d’agir ensemble sur un objectif défini en commun. La communauté est une réalité humaine essentielle : elle désigne le périmètre dans lequel les individus peuvent, pour agir, établir de manière pragmatique des relations de confiance. C’est à partir de ce potentiel de confiance existant sur les territoires, dans les associations, les groupes et les collectifs de toute nature que nous retrouverons le goût de faire ensemble.

Les Français qui s’engagent n’ont besoin ni de programme ni de promesses mais d’écoute et de respect. La vitalité démocratique de notre pays est entre leurs mains.»

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