Enjeux sociétaux

Les colos : une réponse éducative aux défis d'aujourd'hui

Tribune Fonda N°242 - Favoriser l'accès de tous à l'éducation - Juin 2019
La Jeunesse au plein air
Les séjours collectifs et notamment les colonies de vacances sont pour les enfants et les jeunes des lieux d’éducation, complémentaires de l’école et de la famille. Pourtant, l’accès à ces séjours est inégal selon le milieu social. Le droit aux vacances et aux loisirs éducatifs doit donc être davantage reconnu et soutenu par les politiques publiques éducatives.
Les colos : une réponse éducative aux défis d'aujourd'hui
 © Jeunesse au plein air

Les vacances sont un moment privilégié pour faire vivre aux enfants et aux jeunes des expériences riches en apprentissages, indispensables pour leur construction.

À travers les séjours collectifs (colonies de vacances, camps, séjours adaptés…), l’éducation populaire et ses acteurs y contribuent en proposant des projets et activités donnant la possibilité à chacun d’apprendre, de s’épanouir, d’expérimenter et de vivre la différence avec d’autres, hors de chez lui. Ainsi, ils participent à l’apprentissage de la citoyenneté et du vivre ensemble.
 
En ce sens, les séjours collectifs constituent aujourd’hui une réponse aux nombreux défis auxquels la société française est confrontée.

 

Des inégalités d'accès aux apprentissages extrascolaires


Trois millions d’enfants ne partent pas en vacances en France. Ne pas partir en vacances est un marqueur d’exclusion, à l’heure où le temps libre est l’espace contemporain de façonnage des normes sociales et donc des inégalités.

Le moment de la rentrée, où chacun raconte son été, est particulièrement révélateur de ces écarts. Comment s’intégrer dans une société du temps libre lorsque l’on n’a jamais vu la mer, la montagne et le patrimoine national ? C’est aussi le non-respect d’un droit reconnu dans la Convention internationale des droits de l’enfant.

Pour favoriser le départ en vacances des enfants et des jeunes dans un cadre collectif, la Jeunesse au plein air (JPA) défend l’accès de tous aux séjours de vacances. Chaque année, un million d’entre eux en bénéficient. Cependant, le taux de fréquentation de ces lieux d’éducation est en baisse et les inégalités d’accès selon l’origine sociale ou territoriale se creusent.

À l’occasion d’un sondage Ifop paru le 16 mai 2019, où des enfants de 7-12 ans ont été interrogés, 80 % de ceux issus de zone rurale ne partent pas en colo. La situation des parents impacte cette possibilité : 66 % d’entre eux lorsqu’ils sont ouvriers et 67 % de parents célibataires déclarent n’avoir jamais proposé un séjour en colonie de vacances à leurs enfants 1 . À la question « pourquoi n’ont- ils pas proposé ce séjour et qu’est ce qui pourrait les inciter à le faire ? », les parents citent en premier le prix du séjour.

Les difficultés d’accès aux vacances sont à la fois révélatrices des inégalités qui fracturent notre société et sources d’inégalités en tant que telles.

Pour les enfants et jeunes concernés, c’est une double peine, dont les conséquences se font sentir sur le long terme. L’accès aux vacances est souvent le grand oublié des politiques publiques éducatives, majoritairement orientées en direction de l’école et de la réussite scolaire. Bien que ces actions soient essentielles, elles ne peuvent tout résoudre.
 

jpa
© Jeunesse au plein air


Émancipation de l'individu et construction du vivre-ensemble


En séjours collectifs, les enfants et les jeunes vivent une expérience éducative et pédagogique dont les impacts s’inscrivent dans le court et long terme, notamment en termes d’acquisition de compétences psychosociales, comme le démontre l’étude2 conduite à la demande de la JPA, par le Basic (Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne). Les entretiens réalisés ont permis d’identifier l’impact des séjours auprès des enfants qui grâce aux interactions en collectivité peuvent « s’accomplir individuellement », chacun à sa manière.

Ainsi, dans un même séjour, des enfants peuvent avoir des réappropriations différentes. Celui qui part pour la première fois sans ses parents apprendra plus à « se responsabiliser », « être autonome », alors que l’enfant qui n’a pas de frère et sœur mobilisera plus l’apprentissage de « la vie en collectivité », « le partage ». Un enfant qui part plusieurs fois apprendra d’autant plus.

Quatre éléments récurrents à l’organisation de la vie en collectivité permettent aux enfants de vivre des expériences à l’origine des processus d’apprentissages : les activités culturelles et sportives mises en place ; la mixité dans la composition des accueils (différence dans les profils des enfants et dans ceux des adultes) ; le cadre rassurant mais autonomisant ; la mise en place des règles de vie en collectivité.

À plus long terme, ces expériences ont des impacts tout au long des parcours de vie : l’ouverture du champ des possibles en incitant par exemple à choisir un métier ou à continuer de pratiquer une passion jusqu’à l’âge adulte ; la lever des freins à la mobilité spatiale et sociale ; le respect des différences ; le souhait de transmettre les apprentissages acquis au sein des colos à leur entourage et plus particulièrement leurs enfants ; ou encore la motivation à s’engager dans le milieu associatif, politique ou syndical.


Des vacances et loisirs éducatifs pour tous !


Le droit aux vacances et loisirs éducatifs pour tous est difficile à faire reconnaître car il paraît plus secondaire ou accessoire. Il est pourtant urgent de le rendre effectif, en soutenant l’action des associations qui visent cet objectif, sous diverses formes : organisation de séjour, formations des animateurs et directeurs, accompagnement des familles pour permettre le départ en colo... Et en l’inscrivant dans les politiques éducatives, de jeunesse et relatives à l’action sociale, qu’elle soit locale comme nationale.

Les leviers d’action sont de deux natures. Le premier est financier. En effet, de nombreuses familles ne bénéficient d’aucune aide financière, sans pour autant avoir des revenus suffisants pour inscrire leur enfant en colo. Les aides existantes ne sont pas toujours lisibles car distribuées par une multitude d’acteurs. En ce sens, la JPA propose la mise en place d’un dispositif unique, le compte-épargne colo, que chaque famille pourra ouvrir et qui sera abondé selon ses revenus.

Le second levier vise l’information et l’accompagnement des familles. Faire partir son enfant dans un environnement qu’on ne connaît pas est source de crainte, surtout pour les parents qui ne sont pas partis en colo étant enfants, adolescents ou même en tant qu’animateurs. C’est aussi une logistique qui peut être complexe et coûteuse : documents administratifs, trousseau dont l’enfant aura besoin, accès au lieu de départ... L’implication de tous les acteurs qui côtoient les parents est donc indispensable.


En savoir plus sur la Jeunesse au plein air : www.jpa.asso.fr
 

 

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  • 1« Le regard des enfants et l’avis des parents sur les colonies de vacances », Sondage Ifop pour la Jeunesse au plein air, avril 2019.
  • 2« Évaluation et objectivation des impacts des ACMs des membres de la Jeunesse au plein air », rapport du Basic, mai 2018.
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