Prospective

Lecture : « Quel monde associatif demain ? »

Tribune Fonda N°251 - Impuissance démocratique : comment retrouver le pouvoir d’agir ensemble ? - Septembre 2021
Marc Genève
Marc Genève
Et Le Mouvement pour l’économie solidaire
Résultat d’une recherche participative croisant les réflexions entre chercheurs et acteurs associatifs, cet ouvrage propose un inventaire d’expériences de mouvements citoyens et des analyses sur l’avenir du monde social et solidaire.
Lecture : « Quel monde associatif demain ? »
Quel monde associatif demain ? © La boutique Colibris

Aux Fondements de l'associationnisme

Le titre laissait imaginer une réflexion sur les associations constituées, mais l’avant-propos nous rappelle qu’aux origines du monde associatif, il y a « l’associationnisme ». Ce mouvement d’auto-organisation de citoyens manifestait une volonté de solidarité démocratique. Après la Révolution française, il a suscité associations volontaires, sociétés de secours mutuel, clubs politiques et espaces de délibération.

L’originalité de ces regroupements résidait dans le fait qu’ils concevaient conjointement émancipation et organisation de la protection.

Éloignés des formes de solidarité traditionnelle attachée au respect des hiérarchies, ces groupes faisaient le pari de l’expérience collective. Ils s’inscrivaient dans une critique de la dépendance aux élites et refusaient la violence dans le changement, non par les armes, mais par les idées.

Deux scénarios pour le monde associatif 

Le premier scénario envisagé pointe les limites qui entravent ou affaiblissent l’action du monde social et solidaire : la néo-philanthropie, la marchandisation, la managérialisation, la bureaucratisation. Le second scénario recherche les dynamiques à approfondir ou à mettre en œuvre pour affirmer son potentiel transformateur.

Un travail sur le fonctionnement interne des structures est nécessaire, ainsi que la création de synergies au sein de l’économie sociale et solidaire. Les auteurs proposent également un retour sur les communs, anciens et nouveaux, ainsi qu’une réflexion sur la co-construction de l’action publique.
 

Une lecture à deux degrés

Une lecture au premier degré pourrait laisser croire que les auteurs manifestent une certaine naïveté ou tout au moins une idéalisation des associations. Il serait alors un contrepoint à des ouvrages d’une autre époque qui dénonçaient la vie associative, comme ceux de Kaltenbach1 ou de Bériot2 .

Mais au deuxième degré, c’est un autre constat qui apparaît, celui de l’importance des mouvements citoyens pour éviter l’isolement et le désarroi qui font le lit de l’autoritarisme et menacent la démocratie.

En fait, les associations expérimentent.

Or, « expérimenter, c’est opposer aux dispositifs de domination une puissance d’autonomie et de singularisation. Expérimenter, c’est poser une question à l’endroit où les institutions imposent une solution ». Il faudrait donc que les associations se mettent à expérimenter plus consciemment et collectivement, en le revendiquant et en l’assumant.

Les défis d'un associationnisme du XXIe Siècle

Pour construire un associationnisme du XXIe siècle, les auteurs nous proposent six défis. D’abord, la transmission et la réinvention d’un imaginaire renouvelé de la solidarité démocratique. Viennent ensuite : l’amélioration des fonctionnements internes des associations ; une autre approche de l’économie associative ; un changement des relations entre associations et acteurs publics fondées sur la co-construction ; revoir l’intercoopération au sein de l’économie sociale et solidaire. Enfin, elle doit bien choisir ses armes face à la concentration du pouvoir financier, en développant une ingéniosité qui relierait analyses globales et solutions pragmatiques.

L'autocensure comme limite ?

Le livre parle de liberté et fait référence à une certaine forme d'autocensure des responsables associatifs aussi bien par rapport au politique, au monde économique, administratif ou aux cabinets de conseils modélisateurs.

Les auteurs ne semblent pas échapper eux-mêmes à cette autocensure en faisant des raccourcis historiques.

Ils n’évoquent également qu’à demi-mot les débats qui ont opposé les chapelles associatives : ceux sur la cogestion mise en place dans les années 1960, sur le bénévolat, le statut des administrateurs, les rapports élus et salariés… Cet ouvrage a néanmoins vocation à devenir support à des confrontations d’idées qui permettront d’enrichir et d’intensifier la réflexion collective.

Patricia Coler, Marie-Catherine Henry, Jean- Louis Laville et Gilles Rouby, Quel monde associatif demain ?, éditions Érès, 2021, 192 pages.

  • 1Pierre-Patrick Kaltenbach, Associations lucratives sans but, Denoël, 1995.
  • 2Louis Bériot, Le Bazar de la solidarité, JC Lattès, 1985.
Fiche de lecture