Sans verser dans un pessimisme profond, porteur d’un malaise encore plus grand, il s’agit de regarder l’Histoire pour voir le chemin parcouru et restant à faire afin de réussir la transition énergétique. Jamais les citoyens n’ont, de près ou de loin, eu autant conscience du phénomène ; conscience à laquelle a fait longtemps défaut une organisation fédérative des bonnes volontés et des expertises.
Marcel Jollivet le rappelle dans son ouvrage, il ne saurait y avoir de réelle transition énergétique que si elle passe par les citoyens appelant à une véritable « démocratie technique et écologique participative » réunissant citoyens et chercheurs. C’est là la force d’intervention du monde associatif. Et, parallèlement, au sein de la société civile dont elle est une composante, la recherche scientifique est plus que jamais mobilisée sur la nécessité de changements environnementaux.
Marcel Jollivet, lui-même chercheur, appelle à la mobilisation de toutes les formes de connaissances pertinentes obligeant à une remise en cause d’une recherche placée « au-dessus de la société » pour sortir d’une impasse où mènent trop de connaissances disjointes. Marcel Jollivet souhaite un double glissement des militants associatifs vers la recherche et inversement. Ce sera la conscience avec science et la science avec conscience, pour reprendre les termes de l’auteur dont le domaine de prédilection est l’approfondissement du dialogue entre chercheurs et la « société civile organisée », véritable cheville ouvrière de la mobilisation nécessaire.
Dans cette optique, il est enthousiasmant de citer des expériences porteuses en dépit d’obstacles règlementaires, pouvant faire l’objet d’ajustements rapides et à coût faible, voire nul pour l’État.
Ainsi l’étude de Pour la Solidarité parle d’une Allemagne « pionnière des coopératives citoyennes d’énergie renouvelable », du tout aussi pionnier Danemark où une coopérative de production d’énergie est devenue un symbole national de la transition, sans oublier la Belgique où les énergies renouvelables sont en plein essor. Contre-exemple : la France, qui, avec des objectifs ambitieux, connaît un retard en matière de projets énergétiques citoyens. Cela rejoint l’analyse du Labo de l’Ess qui juge insuffisante la mobilisation citoyenne. Pour autant, le Labo participe au vaste collectif de la « transition citoyenne » et soutient fermement les initiatives d’Enercoop, d’Energie partagée, d’Alternatiba qui avec beaucoup d’autres se mobilisent pour une transition énergétique et citoyenne.
Quelles sont donc les conditions d’une réussite de la mobilisation citoyenne ? Marcel Jollivet, dans le même ouvrage, part du postulat que « pour sortir de la situation actuelle, il s’agit de rien de moins que renverser la hiérarchie qui régit la structure du capitalisme actuel » et de « remettre à leur place la domination de la finance sur l’économie et de celle-ci sur les rapports à la nature et sur le social » !
C’est dans cette perspective que l’action associative doit trouver sa place, ne serait-ce que par le fait qu’en dépit des lourdes questions sous-tendues, « loin de démobiliser, elles provoquent une réaction citoyenne » forte d’initiatives et de réflexions. En marge des interdépendances qui existent entre tous les niveaux où la transition se joue, le niveau local permet aux associations d’avoir prise sur le réel, en particulier au plan du « développement durable », notion diversement appréciée.
La naissance d’une démocratie dite participative, certes loin d’être une panacée, illustrerait l’idée d’une « gestion en bien commun » à l’image des Agendas 21. Associations et syndicats seraient à même de traiter sur le même mode le social et l’environnemental, ce qui permettrait d’envisager un nouveau modus vivendi où la solidarité s’opposerait à l’individualisme. Ainsi apparaît une coopération associative internationale, « projection au niveau international des principes du projet associatif » visant « une répartition des richesses, leur bon usage et la contribution de chacun à leur préservation ».
Le statut de chercheur de Marcel Jollivet l’amène naturellement à vouloir une « démocratie technique » apte à maîtriser l’innovation, dans la perspective de transition écologique pour « refonder les bases de la technologie en réexaminant la façon dont la nature y est traitée ». Dans ce but, l’auteur émet le souhait de voir une partie des financements de la recherche dirigée vers des structures associatives, considérées « lieux de production de connaissances » et « acteurs potentiels de la recherche ».
Pour l’atteinte de ces objectifs, l’auteur plaide pour un dialogue multi-sectoriel afin de donner une chance à une certaine idée de l’humanité à construire.
Marcel Jollivet, 2015, Pour une transition écologique citoyenne, Paris, éditions Charles Léopold Mayer, 140 pages