Cette synthèse s'articule entre trois axes : les points de vigilance, les occasions à saisir et les objectifs à atteindre.
Points de vigilance
J’ai relevé une forte crainte de l’aggravation des disparités sociales, quel que soit le scénario, avec de forts risques de contrainte financière conduisant à une perte de sensibilité concernant les besoins des moins favorisés. Il y a donc un risque fort que certains besoins ne soient pas couverts car les pouvoirs publics, comme les associations, n’auront pas les moyens de les assumer. Parallèlement un contexte d’aggravation des inégalités territoriales est un risque élevé. Eu égard à l’absence de politique d’aménagement du territoire, les ressources humaines et financières seront plus difficiles à gérer, que l’on soit en zone rurale ou même en zone urbaine défavorisée.
Le risque de la dilution du projet associatif, voire de sa disparition sous l’influence prépondérante du marché, peut faire perdre de vue l’intérêt général. Il y a également un risque de perte d’identité, de disparition du projet politique et d’une façon générale de perte de l’engagement associatif comme action citoyenne.
Il y a un risque de voir se développer un élitisme associatif où la priorité est mise sur la recherche de compétences de tels ou tels profils associatifs en minimisant la capacité que peuvent apporter aux projets d’autres profils. Un autre risque sous-jacent est de mettre en avant l’action individuelle dans le militantisme associatif, ce qui peut focaliser la valorisation sur la personne au détriment du projet, entraînant une instrumentalisation du projet associatif au profit de quelques membres de l’association. Ceci pourrait se traduire par un système de gouvernance où il y a une réelle inégalité entre ceux qui exécutent et ceux qui ont le pouvoir.
Dans cette situation de dilution du projet et d’aggravation des inégalités, le risque serait de voir apparaître des clivages entre les salariés, les bénévoles et les administrateurs, alors que la réussite du projet repose sur la relation et la confiance de ces trois acteurs. C’est un exercice délicat qu’il faut maîtriser.
Le retrait des pouvoirs publics, et pas uniquement celui de l’État, qui est mis en lumière en ce moment, risque de privilégier les actions immédiates plutôt que les actions de fond. Le désengagement financier de l’État peut entraîner une augmentation de son intervention normative, sur le modèle de la loi Bachelot, tout en laissant des vides juridiques qui risquent de ne pas être comblés.
Ce désengagement peut être aussi un désengagement financier des collectivités territoriales. La crainte du désengagement financier s’accompagne de la crainte de la montée de l’instrumentalisation de l’action des associations par les collectivités territoriales. Dans ce système, les instances de régulation doivent être efficaces et le système de contrat avec la région ou la ville doit être maintenu, voire renforcé.
Il faut préciser que l’ensemble de ces risques concerne tout autant la France que l’Europe, même si cette dernière n’est pas explicitement citée à chaque fois.
Occasions à saisir
Il faut noter qu’il y a un effet miroir entre les points de vigilance et les occasions à saisir : les points de vigilance peuvent être des occasions à saisir dans la plupart des cas.
La première occasion est l’innovation, l’inventivité qui peut apparaître dans ces lieux de libération de la créativité, où se créent de nouvelles formes d’actions, de nouvelles solidarités de proximité. La multiplicité des initiatives associatives est la base pour agir. Un nombre toujours plus important d’individus créatifs, c’est aussi une chance pour le développement d’une pensée et d’une action en permanence renouvelées.
Mutualiser davantage les moyens, nouer de nouvelles alliances entre les secteurs à tous les niveaux géographiques est une occasion à saisir. La coordination de l’action des associations ne se limite pas à la CPCA ni aux CRCA. La création de passerelles entre les associations est une condition sine qua non pour agir sur le territoire local et pour peser sur les orientations des politiques publiques.
Il faut réviser les équilibres entre les pouvoirs publics (l’Europe, l’État, les collectivités locales), les associations et les entreprises. Dans cette perspective, cela n’est pas dans notre intérêt de laisser péricliter les conseils de développement. au contraire, il est indispensable d’investir davantage ce lieu privilégié de discussion entre les élus politiques, l’administration et la société civile.
Personnellement, je soulignerais qu’il ne faut pas oublier qu’il y a aussi dans la fonction publique, étatique mais aussi locale, des agents porteurs de valeurs de service public et de services aux publics très proches de celles des acteurs associatifs.
Les objectifs
Il faut renforcer la dimension politique et citoyenne de l’action des associations. Il est apparu indispensable dans les ateliers de restaurer la place des acteurs associatifs comme partie prenante de la vie politique locale. Les associations ne doivent pas être cantonnées à une fonction de gestionnaire. Cette idée traduit le refus d’instrumentalisation. Les associations doivent réaffirmer leurs fonctions tribunitiennes et être capables de s’indigner. Il faut permettre à tous les citoyens, même les plus vulnérables, d’être de vrais citoyens. L’éducation populaire est un moyen pour atteindre cet objectif. En cela, le renforcement du Pouvoir d’agir est certainement une articulation essentielle entre le développement personnel et le « mieux vivre ensemble ».
Par ailleurs, il est indispensable de promouvoir la diversité des financements. Cette idée s’inscrit dans la lignée des propositions des états généraux de l’économie sociale et solidaire avec l’idée de mobiliser l’épargne locale, notamment, les banques et les assurances et plus globalement les entreprises. Il faut cependant tenir compte des disparités entre les régions avec ce type de financement et donc penser, dès à présent, aux éléments de péréquation à mettre en œuvre. Une idée sous-jacente à cette diversité financière est le souhait général du maintien des financements croisés. Sans remettre totalement à plat la réforme territoriale, il est indispensable de revenir sur la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions. Il faut renforcer les contrats de projets région, les contrats de ville, pour veiller à la cohérence de l’action de l’ensemble des acteurs et ainsi assurer « l’égalité républicaine des territoires ».
L’importance de « clusters associatifs », sur le modèle de clusters économiques, permettant la mise en relation de l’ensemble des associations, renforçant donc l’inter-associatif a été soulignée par plusieurs ateliers. Il s’agit de créer un inter-associatif autre que politique, avec une multiplication des moyens des associations, plateforme de services ou autres. Cela peut renforcer la capacité de co-construction des politiques avec les partenaires publics et privés. Cette co-construction permet aussi de valoriser et donc de reconstruire l’accès des associations aux médias. Actuellement, il y a un problème de relation avec les médias et notre capacité à assumer le dialogue avec l’ensemble des citoyens à travers ces médias.
Le dernier but à atteindre est de montrer le sens civique de l’engagement en articulant la reconnaissance, le respect et le développement des personnes, que celles-ci soient salariées, bénévoles ou administratrices avec l’action collective. Le sentiment général est qu’il y a beaucoup de progrès à faire pour conserver des acteurs rares, qui impulsent le dynamisme des associations, sans pour autant avoir peur du renouvellement. C’est souvent une condition de la vie du projet. Des progrès dans la parité, la mixité, la diversité devront inspirer ce renouvellement.
Conclusion
Pour terminer voici quelques suggestions de leviers qui pourraient nourrir la dynamique des ateliers, des objectifs aux actions.
Dans plusieurs ateliers a émergé l’idée d’un « grenelle » des associations et des collectivités territoriales, un grenelle du tissu local. Un grand débat public devrait être engagé avec tous les acteurs concernés.
La nécessité d’articuler une double dynamique dans la construction de la cohérence du projet est à souligner : une dynamique interne, une dynamique externe avec les partenaires territoriaux. C’est un enjeu fort qui ne touche pas exclusivement le projet associatif mais qui concerne aussi le management associatif, en se dotant d’outils pour peser sur la société civile.
La nécessaire mutualisation des ressources publiques et privées avec la consolidation de fonds propres est affirmée.
Je voudrais en conclusion souligner l’ambivalence qui fait qu’un même événement peut être, en fonction des situations, un risque ou une chance. Créons ces chances pour qu’il y ait moins de résignés et d’inquiets et plus de confiants. Des utopistes il en faudra toujours !