Associations et démocratie

La loi NOTRe : quels impacts sur les liens entre collectivités et associations ?

Tribune Fonda N°245 - Associations et collectivités - Mars 2020
Michel Abhervé
Michel Abhervé
La loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, également appelée loi NOTRe, est révélatrice d’évolutions dans les relations entre collectivités et associations, mais aussi de différentes conceptions du monde associatif.
La loi NOTRe : quels impacts sur les liens entre collectivités et associations ?


Des évolutions et des difficultés


Durant le quinquennat de François Hollande, plusieurs lois ont significativement fait évoluer le paysage complexe des collectivités territoriales de notre pays, mais de façon pas toujours cohérente. Elles ont révisé un découpage daté et changé le mode de scrutin pour les départements en instaurant des binômes paritaires contribuant à redonner une certaine légitimité à ceux-ci. Ces lois ont mené à la suppression des départements et imposé la fusion de la majorité des régions sans que la cohérence de certaines grandes régions ne soit éprouvée, mais n’y sont pas parvenues. Elles ont conduit, enfin, à renforcer des métropoles, considérées comme le moteur du développement, mais sans résister à la pression pour une certaine banalisation de celles-ci, de le nombre est passé de huit à vingt-trois.

La loi NOTRe, plus particulièrement, a renforcé les intercommunalités, au détriment de communes demeurant pour l’essentiel dans une carte issue des paroisses établies au Moyen-Âge et devenues communes à la Révolution française dans un périmètre inchangé, ce qui a créé une forte rancœur de nombreux maires qui se sont interrogés sur leur utilité. Elle a également conduit à rationaliser les compétences entre les différents niveaux de collectivités, ce qui n’a été que très partiellement atteint.

À travers cet ensemble d’évolutions, le « mille-feuille territorial » n’a non seulement pas été allégé d’une couche, sauf pour la métropole lyonnaise qui a sur son territoire pris toutes les compétences du département (avec la constitution, hors métropole d’un département résiduel), mais s’est parfois épaissi, en particulier pour le Grand Paris et la métropole d’Aix-Marseille-Provence et leurs établissements publics territoriaux.

Ces évolutions sont souvent peu lisibles pour le citoyen et posent un problème démocratique puisque le suffrage universel s’exerce dans le cadre communal, alors qu’un nombre croissant de compétences concernant la vie quotidienne s’exercent au niveau intercommunal. Or, ce dernier ne donne pas à l’électeur la possibilité de choisir un programme et celles et ceux qui ont charge de le mettre en œuvre, malgré un semblant de scrutin communautaire.

En outre, elles posent nombre de questions aux responsables associatifs qui, pour poursuivre leur action et concrétiser leurs projets, doivent se repérer dans ces évolutions alors que beaucoup d’élus, confrontés à une contrainte financière de plus en plus prégnante, ont tendance à renvoyer les demandes vers une autre collectivité, en arguant de compétences transférées.


Une mise à l’écart des associations


Dans ces évolutions, la vie associative n’a pas, en tant que telle, été concernée, même si un amendement tardif, à l’initiative du Mouvement associatif, avait proposé de compléter par la mention « la vie associative » l’article 104 de la loi NOTRe prévoyant que les « compétences en matière de culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales, de jeunesse, de vie associative et d’éducation populaire sont partagées entre les communes, leurs groupements, les départements, les régions et les collectivités territoriales à statut particulier ».

Le refus de cet amendement est bien l’affirmation que la vie associative n’est pas en soi « une compétence ». Ainsi,  toutes les collectivités territoriales sont concernées par la vie associative ; et les relations varient en fonction de l’adéquation entre les activités des associations et le compétences des collectivités. 
Cela conforte l’évolution vers une prise en compte de la vie associative se limitant aux actions conduites par les associations, comme elles pourraient l’être par d’autres acteurs, sans que la vie associative ne soit, en tant que telle, prise en compte.

Cette tendance à la non prise en compte de la vie associative, mais seulement des activités conduites par les associations, est d’autant plus paradoxale que l’article 59 de la loi du 31 juillet 2014, dite « loi ESS » ou encore « loi Hamon », a donné une définition légale à la subvention fondée sur la prise ne compte de l’initiative associative : « Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte d'attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. »

Alors que la volonté du législateur – permettre à la collectivité de financer les projets des associations – était pourtant claire, et que le texte lève les incertitudes juridiques parfois évoquées, il faut bien constater que l’on voit ces dernières années s’affermir la tendance à ce que nombre de collectivités de tous bords réduisent la part de subventions dans leur soutien à l’action associative et privilégient une mise en concurrence, à travers des marchés de travaux ou de services ou des délégations de service public. 

Cela transforme de ce fait les associations en prestataires de services sortant du champ de la subvention qui permet de soutenir la démarche associative, puisque « ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent ».


Des problèmes intensifiés


La loi NOTRe a incontestablement accentué cette tendance en renforçant des intercommunalités largement pilotées par des services, à l’indéniable compétence, mais portées par une légitimité d’autant plus faible que nombre d’élus ont, assez naturellement, tendance à privilégier le retour sur leurs communes qui, seules, les ont élus, plutôt qu’à être acteurs de projets à l’échelle intercommunale sans légitimation démocratique directe.

L’association plutôt technicienne, qui maîtrise la complexité des procédures et la technicité de la mise en œuvre, peut y trouver son compte, souvent au prix de l’éloignement des administrateurs, confrontés à des enjeux qui les conduisent à être en décalage avec le sens initial de leur investissement. Par contre, c’est beaucoup moins évident pour l’association plutôt citoyenne, qui se trouve confrontée à des enjeux qui ne sont pas complètement les siens et qui peine à se faire reconnaître en tant qu’acteur social.

Si les évolutions législatives ont des impacts, elles n’empêchent pas des choix politiques différents des collectivités vis-à-vis des associations. Il est possible de mettre en place des démarches de co-construction. Encore faut-il que les élus le veuillent et y consacrent le temps nécessaire et l’énergie indispensable. 

C’est, au-delà des belles paroles qui ne manquent pas durant les campagnes électorales, l’enjeu principal des années à venir : choisir dans sa relation avec le monde associatif de le transformer en prestataire ou le considérer comme un réel partenaire, parfois capable de critiquer !

 

Analyses et recherches
Analyse