Engagement Gouvernance

Former pour maintenir le sens de l’action

Tribune Fonda N°234 - L’engagement associatif, source d’apprentissages - Juin 2017
Hamid Rézaï
Hamid Rézaï
Le Secours populaire français (SPF) regroupe plus de 80 000 « collecteurs-animateurs-bénévoles ». Le SPF construit le parcours du bénévole en incluant forcément la question de la formation.

Le Secours populaire français (SPF) regroupe plus de 80 000 « collecteurs-animateurs-bénévoles ». Actifs au sein de leurs départements ou dans plus de 760 structures décentralisées autonomes, ils viennent de milieux sociaux et d’horizons très différents. De tous âges, comme de toutes opinions (philosophique, religieuse ou politique) leurs domaines et niveaux d’études et de formations, ainsi que leurs expériences professionnelles sont extrêmement variés.

Si l’objet de l’association – « pratiquer la solidarité » – rassemble et fédère les bénévoles, leurs visions, leurs pratiques, leurs niveaux d’engagement ou d’implication constituent un très vaste éventail. De plus, le SPF s’affirme comme une association d’« actions concrètes » qui permet de mobiliser des milliers de citoyens autour d’actes considérables de solidarité. Cependant, sans une vigilance constante, « l’action » peut faire reléguer « le sens » au deuxième plan, le « comment » peut prendre le pas sur le « pourquoi ».

Ainsi, l’immense chantier d’organisation, dans cette association de solidarité populaire, consiste à fédérer des milliers de citoyens différents, autour des valeurs et orientations partagées ; leur permettre de s’organiser dans des structures de proximité ; leur laisser la plus grande liberté d’action ; et créer les conditions d’enrichissement mutuel des multiples savoir-faire et de la richesse d’expériences des uns et des autres. Dans ce contexte, l’enjeu de la « formation des bénévoles » se dessine clairement en termes de transmission des valeurs, des orientations, du savoir et de l’histoire de l’association auprès des bénévoles, et plus particulièrement des nouveaux.

Cet enjeu détermine assez naturellement la méthode privilégiée des formations. Tirer tout le profit de la grande richesse d’expériences des bénévoles conduit la conception et la mise en œuvre des formations dans une démarche d’éducation populaire : co-construire, partager les expériences, partager l’envie d’agir. La mise en place d’un « parcours de formation » accompagne et renforce le « parcours de bénévole » et les deux parcours visent l’approfondissement du niveau d’engagement et de prise de responsabilités.
 

Pluralité de profils dans une association décentralisée

Le Secours populaire français est une association de mise en mouvement de bénévoles, qui ont choisi d’y apporter leur concours au service de la solidarité. Leurs activités sont très variées. Ils mettent en œuvre des actions de solidarité . Ils organisent des collectes de fonds . Ils sont aux commandes de l’organisation des activités et mettent en mouvement des réseaux de bénévoles, de donateurs, de partenaires. Ils communiquent, alertent l’opinion, et « aiguillonnent les pouvoirs publics ».

Ses membres sont de tous âges : jeunes et moins jeunes côtoient des enfants, pour apporter, chacun selon ses disponibilités, de l’eau au moulin de la solidarité. D’origine modeste ou aisée, ils viennent de milieux sociaux variés également. Une grande fierté du SPF est sa volonté de créer les conditions pour que les personnes accueillies deviennent, à leur tour, des acteurs de l’association. Ici, médecin, agriculteur, étudiant, entrepreneur, femme au foyer et technicien œuvrent autour de la même table.

Retraité, actif, chômeur, migrant… travaillent sous le même toit. Certains ont suivi des études et des formations extrêmement différentes . De tous horizons philosophiques, religieux, syndicaux ou politiques, ils se regroupent autour de la devise historique du Secours populaire français : « Tout ce qui est humain est nôtre ».

Le point d’accord central de ce gigantesque réseau solidaire et citoyen est, évidemment, l’objet de l’association : « pratiquer la solidarité ». Les visions et les pratiques constituent, cependant, un très vaste éventail. À cela il faudra ajouter également des niveaux d’engagement différents. Celui qui peut consacrer deux heures par mois et celui qui peut (et veut) en donner quarante heures par semaine jouissent des mêmes droits et ne préjugent pas de leur engagement. Il en va de même pour les niveaux d’implication : certains préfèrent les actions concrètes de solidarité, alors que d’autres s’impliquent davantage dans l’organisation ou la direction.

Plus de 760 structures décentralisées accueillent ces 80 000 acteurs de la solidarité. Ces structures sont dotées d’une large autonomie d’action. Elles sont dirigées par des instances qui ont un pouvoir de décision au plus près des lieux d’action.
 

Une pluralité d’actions concrètes

Le SPF s’est donné comme objet statutaire la « pratique de la solidarité ». Il s’affirme ainsi comme une association d’« actions concrètes ». C’est un atout majeur qui permet de rassembler des milliers de citoyens et de mettre en place un nombre considérable d’actes de solidarité. Loin des préoccupations quant aux « prises de positions », les bénévoles se consacrent entièrement à l’organisation et la réalisation de la solidarité au quotidien, aux quatre coins de la France, de l’Europe et du monde entier.

Le revers de la médaille reste, cependant, à considérer. En effet, une vigilance constante s’impose pour que l’activisme ne fasse pas oublier les valeurs. Car « l’action » peut rapidement faire reléguer « le sens » au deuxième plan ; le « comment » peut prendre le pas sur le « pourquoi ».
 

L’unité du mouvement dans la décentralisation

Le Secours populaire français est, comme nous venons de le voir, à la fois une « organisation » et un « mouvement ». L’organisation du fonctionnement de cette association de solidarité populaire est donc un immense chantier quotidien. Considérant les diversités, il est primordial de fédérer ces milliers de citoyens différents, autour des valeurs et orientations partagées. Sans oublier qu’une orientation principale du Spf reste sa totale indépendance des courants politiques, philosophiques et religieux, mais aussi des pouvoirs publics. Pour mettre les diversités à profit, il est indispensable de créer les conditions des enrichissements mutuels des multiples savoir-faire et des riches expériences des uns et des autres. En même temps, pour libérer les énergies, les créativités, les enthousiasmes et les prises de décisions aux plus près des réalités quotidiennes, il est essentiel de permettre de s’organiser dans des structures de proximité et laisser la plus grande liberté d’action et de décision.
 

L’enjeu de la formation des bénévoles

La formation des bénévoles du Secours populaire français se situe donc dans ce contexte spécifique et relativement complexe. Les parcours et les actions sont divers, les valeurs et les orientations sont communes. Et ce sont précisément ces principes qui composent le socle et le ciment de l’unité du mouvement, dans toute sa pluralité.

Comment partager et pratiquer les fondamentaux de l’association, comment s’en saisir comme le principal élément d’attachement et d’adhésion, sans appréhender, connaître et maîtriser ces fondamentaux ? La transmission aux bénévoles – et plus particulièrement aux nouveaux – des valeurs, des orientations, du savoir commun et collectif, ainsi que l’histoire de l’association se présente ainsi, assez logiquement, comme l’enjeu fondamental de la formation des bénévoles. C’est dans cet esprit que l’Institut de formation du Secours populaire a été créé, il y a maintenant vingt ans, et c’est avec cette mission qu’il forme aujourd’hui plus de 3 500 bénévoles par an.

Par ailleurs, l’engagement et l’implication des bénévoles ne sont pas statiques. Celle ou celui qui est venu-e un jour pour apporter une aide vestimentaire ou collecter des dons, est encouragé-e à connaître d’autres sphères d’activités, à contribuer à l’organisation (et pas seulement à la mise en œuvre) de ces activités, voire à participer à la direction de l’association. Cette évolution, ce « parcours du bénévole » a besoin d’être accompagné. Une plus grande implication dans une association populaire est toujours synonyme d’une plus grande maîtrise des principes ; et la formation constitue, là aussi, la ressource prédominante pour réussir. De plus, les actions de formations contribuent au sentiment de reconnaissance des bénévoles qui les confortent dans leur engagement.

La formation vise également à doter les acteurs du mouvement de capacités de développement de la solidarité : pour aider les familles à partir en vacances, il faut un savoir-faire. Toutefois, il ne s’agit pas de former les bénévoles à remplir des dossiers ou à contacter les organisateurs de voyages. La formation consistera à apprendre à bâtir un projet de vacances avec les personnes accueillies, où elles seront à la base de l’action. Dans le domaine de la solidarité mondiale, la formation ne vise pas à transformer les bénévoles en expatriés sur des projets du SPF, mais à apprendre à mettre en mouvement des citoyens, en France, pour aider des associations partenaires du SPF à l’étranger, dans la réalisation des projets dans leurs pays.

L’accent est ainsi constamment mis sur la boussole de l’orientation de l’association et toujours dans une démarche d’éducation populaire. C’est ainsi que, au fil des années, l’Institut de formation s’est transformé en une sorte d’« espace de référence » pour le SPF.
 

Des méthodes en adéquation avec les enjeux

La grande richesse d’expériences des bénévoles conduit la conception et la mise en œuvre des formations dans une démarche d’éducation populaire : co-construction, partage d’expériences, partage de l’envie d’agir… Tirer tout le profit des savoir-faire des acteurs du mouvement met en valeur ces connaissances populaires, et garantit le rapprochement et la proximité de la théorie et de la pratique, de telle sorte que l’une se nourrit de l’autre.

Le brassage des savoirs multiples, au quotidien, enrichit déjà les connaissances mutuelles des bénévoles. Les sessions de formation du Secours populaire reprennent, sciemment et délibérément, sous des formes variées toutefois, ce brassage comme la méthode de base de l’apprentissage mutuel, et le mettent en valeur. Ainsi, le stagiaire « apprend » dans les deux sens, il ne subit pas une formation, il y contribue également.

C’est également cette même méthodologie que l’Institut de formation du Secours populaire a choisie pour la formation de ses formateurs. Les 140 formateurs de l’Institut sont tous issus du mouvement et ont commencé leurs parcours au sein de l’association dans une autre fonction. Ils « partagent » plus qu’ils « font connaître ».
 

Parcours du bénévole, parcours de formation, parcours parallèles

L’avenir d’un grand mouvement comme le Secours populaire français est directement lié aux forces engagées dans la construction partagée et conscientes de cet avenir.

L’organisateur et le dirigeant de demain est aujourd’hui un « simple bénévole ». Pour le devenir il a un chemin et des étapes à parcourir. Accompagner et renforcer son « parcours de bénévole » nécessitent la mise en place d’un « parcours de formation ». C’est la construction et l’organisation de ces deux parcours qui aboutissent à l’approfondissement du niveau d’engagement et de prises de responsabilités, à la pérennité d’un mouvement populaire solide et organisé.

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