Depuis 2015, ce baromètre1 répond à la volonté de proposer aux pouvoirs publics, aux corps associatifs, et plus généralement à tous les acteurs mobilisés par la jeunesse, des indicateurs récurrents sur les conditions de vie, les modes de vie, aspirations et attentes des jeunes. L’engagement, abordé tant dans sa dimension associative que militante, est une thématique importante du baromètre.
Une solidité de la participation associative des jeunes dans différents secteurs
Depuis près de trente ans, on observe une stabilité de la participation associative des jeunes dans différents secteurs, confirmant, s’il était besoin, que l’engagement reste un socle extrêmement solide. Le baromètre révèle ainsi qu’en 2017 un tiers des jeunes de 18-30 ans sont membres ou participent aux activités d’une association. Si l’on regarde les enquêtes antérieures menées sur le sujet, notamment l’enquête européenne sur les valeurs (EVS), on constate que ces chiffres sont très proches de ceux déjà relevés en 1991, 1999 et 2008 avec des tendances similaires à celles observées au sein de l’ensemble de la population française (Lardeux, 2015).
Si l’on observe non pas seulement l’engagement effectif, mais les domaines d’engagement pour lesquels les jeunes seraient prêts à s’impliquer, le baromètre a permis de constater un intérêt marqué pour la santé, la défense des causes sociales ou de solidarité, et le domaine environnemental. Relativement peu investi, mais ayant un fort potentiel de développement, ce plus grand intérêt pour ces causes coïncide avec une empathie aujourd’hui plus marquée par les jeunes à l’égard des plus démunis dans un contexte marqué par une précarisation accrue de la société française.
Des disparités socio-démographiques et des freins à l'engagement des jeunes
Mais derrière cet engagement se cachent d’importantes disparités selon les caractéristiques socio-démographiques des jeunes. Des clivages liés notamment au niveau de diplôme montrent qu’il existe une forte corrélation entre la formation initiale et la propension de certains jeunes à participer à des activités associatives : l’engagement associatif augmente en même temps que s’élève le niveau d’étude et au fur et à mesure de l’insertion professionnelle.
À l’inverse, les jeunes en situation de chômage et avec un diplôme inférieur au bac sont ceux dont la participation associative est la plus faible. C’est ainsi que les fractures sociales, tout particulièrement celles qui sont induites par le niveau de diplôme, provoquent un retrait plus marqué de la vie associative des catégories sociales les plus désavantagées.
Du point de vue du sexe, les écarts sont là encore significatifs avec une participation associative nettement plus élevée pour les hommes. Ce décalage s’explique en partie par la pratique sportive qui compte le plus de bénévoles et d’adhérents et qui réunit nettement plus souvent des hommes. Ce différentiel s’explique aussi par une répartition encore genrée des tâches domestiques et qui a des répercussions sur le temps disponible pour pratiquer une activité associative.
Durable retournement de tendance ou effet conjoncturel, cet écart ne cesse toutefois de diminuer. En 2016, le différentiel entre les hommes et les femmes était de dix points. En 2017 cet écart n’est plus que de 6 points et on observe une féminisation accrue de la participation associative, féminisation qui se remarque dans l’ensemble de la population et de façon encore plus significative chez les jeunes.
Malgré un important désir d’engagement et des aspirations associatives toujours plus fortes, la question est aussi de savoir pourquoi certains jeunes ne franchissent pas le pas et quels sont les différents freins déclarés à l’engagement ?
À l’encontre des tenants de la thèse d’une plus forte « disponibilité biographique» dans un cycle de vie marqué par des contraintes personnelles ou familiales plus souples (Mac Adam, 1986), le manque de temps reste pourtant le premier obstacle cité par les jeunes (44% des enquêtés - cf. graphique 3).
Au second rang derrière le manque de temps, l’absence d’opportunités est citée comme frein à l’engagement par près d’un jeune sur cinq (19%), suivi par le souhait de consacrer plus de temps à ses proches.
Un certain nombre d’enquêtes statistiques, dont le baromètre Djepva sur la jeunesse, ont permis de montrer que les jeunes entretiennent depuis longtemps un rapport différent avec la politique conventionnelle, notamment électorale. Tout en étant des « citoyens distants » ou « critiques » (Tiberj, 2017), dans un âge de la vie marqué par un « moratoire civique » (Muxel, 2010), ils sont également plus nombreux que leurs aînés à considérer comme efficaces d’autres formes de participation plus directes.
Si les jeunes votent moins que les autres catégories d’âge, ils ont tendance à s’impliquer davantage au-delà des circuits traditionnels, institutionnels, formels de la politique.
Bibliographie
— Lardeux L., « Les évolutions contemporaines de l’engagement des jeunes : fossilisation et fertilisation », in C. Ait-Ali et M.-M. Gurnade, Jeunesses sans paroles, jeunesses en paroles, L’Harmattan, 2016
— McAdam D., 1986, « Recruitment to High-Risk Activism: the Case of Freedom Summer », American Journal of Sociology, no 1, vol. 92, p. 64-90
— Muxel A., Avoir 20 ans en politique, Le Seuil, Paris, 2010
— Tiberj V., Les citoyens qui viennent, PUF, 2017
- 1CREDOC, Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2017, Lucie Brice, Radmila Datsenko, Nelly Guisse, Sandra Hoibian et Sophie Lautié en collaboration avec l’INJEP, INJEP Notes & rapports/Rapport d’étude, novembre 2017.