La crise met en relief les spécificités de l’économie sociale : ses valeurs de référence, son histoire, son rôle dans la lutte contre les injustices sociales, sa capacité stratégique portée par sa double identité politique et opérationnelle.
Confrontées à des risques sans précédents auxquels elles opposent une capacité de résistance qui retient l’attention des décideurs politiques, les entreprises de l’économie sociale peuvent faire de la crise une opportunité pour autant qu’elles sachent relever les défis qu’elle leur lance. Ainsi les entreprises de l’économie sociale reprendraient-elles à leur compte cette formule de Franklin Roosevelt lancée en 1933 : « Ne gâchez pas une bonne crise ! »
Partie intégrante d’une économie dont elles témoignent de la pluralité, les entreprises de l’économie sociale sont immergées dans les enjeux de la société civile. La construction de dispositifs solidaires inscrits dans la durée a été dès le début la réponse à la modestie des moyens d’actions en démultipliant leurs effets par la richesse des liens sociaux ainsi constitués. L’efficacité de ces actions a convaincu les pouvoirs publics de les relayer en les amplifiant, transformant des besoins sociaux en droits. Ainsi les entreprises de l’économie sociale ont joué leur partie en faveur du progrès social.
Les bénéficiaires ont ainsi pu s’affranchir des nécessités les plus urgentes et les plus récurrentes, mais aussi des dépendances qu’elles créaient envers les « aidants ». L’histoire de l’économie sociale est ainsi un chapitre de celle de la liberté individuelle. Cette évolution n’est pas sans questionner les dispositifs de solidarité collective sur lesquels elles se fondent. Elles ont précisément contribué à l’avènement de l’individualité faisant de chacun l’entrepreneur de lui-même au prix de remise en cause des actions collectives.
Partie prenante des enjeux personnels et collectifs, elles peuvent contribuer à l’adoption de nouvelles façons d’entreprendre plus démocratiques et capables de participer à la construction de nouveaux équilibres sociaux pour plus de justice sociale.
Pour jouer ce rôle, l’économie sociale est dans l’obligation de s’affirmer non plus en fille de la nécessité mais en chef de file d’un projet de changement de société à travers l’action quotidienne de ses membres. Son histoire démontre que la position stratégique à adopter est moins de se poser en alternative que de se situer dans un registre de coopération lucide, étayée par un système de procédures et de grilles d’évaluation qualitative. Ainsi l’économie sociale pourrait faire reconnaître, auprès des autorités, sa capacité à contribuer aux enjeux de société.
Les entreprises de l’économie sociale, immergées dans un environnement concurrentiel en crise pointent déjà les défis à relever pour permettre l’avènement d’une société plus juste. Leur attachement aux valeurs d’humanisme, aux pratiques démocratiques, sans les détourner de succès économiques, en font les laboratoires du futur pacte social : donner de la valeur aux valeurs.