Couteau suisse, c’est la métaphore la plus fréquemment employée dans les contributions à cette livraison de la Tribune pour qualifier les métiers de l’association. Drôle de couteau d’ailleurs, dont la lame principale est en forme d’aiguille à coudre, car ce n’est évidemment pas à couper que s’emploient les professionnels de l’association, mais à relier, rapprocher, assembler.
Transversalité, médiation, accompagnement sont les maîtres mots de cette famille de métiers émergents ou en mutation. Longtemps, la question-clé de l’association a été celle des rapports entre salariés et bénévoles : les bénévoles étaient-ils des employeurs comme les autres ?
Quel point l’engagement des salariés dans le projet associatif pouvait-il prévaloir sur la défense de leurs intérêts et de leurs droits ? Quel devait être leur rôle dans la gouvernance de l’association ?
Ces questions ont évidemment reçu des réponses variables selon le secteur d’activité et la taille de l’association. Elles se formulent désormais différemment sous le double effet de la montée en compétence – et parfois la professionnalisation – des bénévoles, et de la quête de sens qui est au cœur de toutes les réflexions sur la place et la qualité du travail.
Les données statistiques sur les niveaux de qualification et de rémunération de l’emploi associatif donnent à celui-ci un statut de seconde zone et sont le plus souvent contredites par le taux de satisfaction qu’expriment les salariés.
À cet égard, les associations sont peut-être plus en avance qu’en retard sur les autres entreprises, lesquelles, on le sait, s’interrogent de plus en plus sur ce qui pourrait garantir ou faire revenir l’engagement de leurs salariés.
Les métiers de l’association sont, comme les autres, impactés par les transformations du travail, les technologies numériques, les nouvelles exigences du management. Mais ils sont, plus que les autres, dominés par la relation humaine : secteur médico-social, éducatif, culturel, sportif, solidarité, formation, recherche de fonds, philanthropie, encadrement de bénévoles… autant d’activités qui demandent une attention permanente aux conditions du lien social, à la structuration des individus, à leur pouvoir d’agir.
Le monde associatif pourrait s’appuyer, davantage qu’il ne le fait déjà, sur cette accumulation de micro-compétences pour construire la représentation non institutionnelle d’elle-même dont notre société a tellement besoin. Si l’on parle de porosité entre vie professionnelle et vie personnelle, nous avons depuis belle lurette un temps d’avance sur les entreprises et le secteur public.
Pourquoi ne pas faire de cette prospective de la RH associative un levier de transformation sociale ?
On permettra enfin au président d’association de s’attarder un instant sur le couple qu’il forme avec le ou la DG (en regardant autour de moi, je constate que le président est souvent un homme et la DG souvent une femme…). Je partage avec Josselin Fouquet la conviction que la DG n’est pas seulement une gestionnaire ou une exécutante mais qu’elle doit partager avec le président la responsabilité stratégique.
Je constate cependant, grâce à l’enquête menée par Charlotte Debray et Laurent Piolatto, que les DG sont bien davantage tournés vers l’intérieur que vers l’extérieur de l’association.
Et puisque la question du renouvellement des dirigeants bénévoles continue de se poser, nous avons là encore une responsabilité collective, celle de réfléchir ensemble à la fonction dirigeante dans nos organisations et pourquoi pas d’imaginer une offre de formation commune aux élus et aux cadres, une sorte d’« école de guerre » du faire ensemble.